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Terre Champ de Bataille T2 – Le Secret des Psychlos, L. Ron Hubbard

C’est pas Jonnie ça. Remboursez.

J’avais hâte de m’attaquer à ce second tome. Vraiment. L’expérience des retrouvailles avec Les Derniers Hommes avait, somme toute, été agréable, au moins d’un point de vue nostalgique, et un peu aussi d’un point de vue analytique. J’avais hâte parce que dans mes souvenirs, c’était ce second tome que j’avais le plus apprécié des deux, à l’époque.
Je vais pas faire des la périphrase ou les précautions oratoires.
Non. Ce deuxième tome était une plaie à lire. D’un bout à l’autre. En considérant que le découpage en deux tomes n’est qu’un fantaisie francophone de l’époque de sa publication hexagonale, l’ensemble du roman Terre Champ de Bataille devient donc d’une affreuse médiocrité, la faute notamment à une terrible inconstance et à un rythme et un découpage internes d’un amateurisme confondant.
Soyez préparé·e·s. Là où ma première chronique tâchait d’être équilibrée et prenait quelques précautions, celle-ci sera plutôt un jeu de massacre. Parce que les quelques véritables qualités reconnaissables à Ron Hubbard ne sauraient compenser le nombre d’infâmes erreurs qu’il commet tout le long de son récit.
Et je n’aurai aucune pitié.

Comme pour la première chronique, je vous donne le lien de mon live-tweet, même si celui-ci est (nettement) moins enthousiaste que le premier.

On reprend donc là où on s’était arrêté. L’assaut humain sur les Psychlos a réussi. Mais le combat n’est pas fini pour autant, car Terl, depuis sa prison, commence déjà à manigancer un plan pour retourner sur Psychlo et se venger des humains, aidé par Brown Staffor, némésis de Jonnie ; aveuglé par sa haine, ce dernier se laisse manipuler et monte une partie de la population humaine contre son sauveur et ses alliés. Et si la menace endogène n’était pas suffisante, les signes d’un assaut venu des étoiles commencent aussi à apparaître.

Et dans ce résumé, déjà, point le défaut majeur des deux derniers tiers de Terre Champ de Bataille. Ça va dans tous les sens, et c’est franchement n’importe quoi. Le premier tiers (le premier tome, donc) avait pour lui de ne reposer que sur l’axe Jonnie/Terl, et donc d’être relativement sobre, dans ses principes comme dans son exécution. Ces deux derniers tiers (ce second tome, histoire d’être clair une bonne fois pour toutes), eux, reposent sur facilement 5 ou 6 intrigues, égales en importances comme en traitement, s’entremêlant sans clarté ni élégance, et même avec une certaine malhonnêteté. C’est aussi fatiguant à essayer de suivre que c’est pénible à lire. Sans parler de devoir en parler. Mais je vous aime bien, alors je vais quand même essayer.
Spoilers à prévoir.

D’abord, l’évidence : Jonnie est toujours insupportable. Il parvient même à l’être encore un peu plus alors que les humains commencent tout juste à acquérir leur indépendance à l’échelle de la planète ; puisque rien ne peut être accompli sans lui. Des gens censément plus intelligents que lui butent sur certains soucis qu’il règle systématiquement, tous les plans passent par lui, il apprend tout à la vitesse de l’éclair, prend tout le monde de vitesse, tout le temps. Même quand il ne règle pas un souci lui-même, il parvient à voler la vedette avec une nouvelle idée magnifiant la précédente, avec une humilité qui dégoûte, car elle sonne faux, posée là par Hubbard pour essayer de rendre son héros absolument parfait en tout point. Il parvient même à surmonter son infirmité passagère montrée à la fin du premier tome par la simple force de sa volonté. Littéralement : il décide d’aller mieux, alors ça va mieux.
Il n’a absolument aucun défaut, et du coup, le roman n’a strictement aucun enjeu, même lorsqu’on essaie de nous faire croire à un quelconque danger. Il ne s’agit pas de savoir si Jonnie va s’en sortir, mais seulement comment. Et si ce parti pris peut facilement être appréciable avec une bonne dose d’humour ou d’auto-dérision dans le récit, ici, il n’en est pas question. Car ce récit se prend terriblement au sérieux, poussant tout jusqu’à la caricature, d’autant plus que Jonnie souffre en plus des vues très discutables de son auteur à beaucoup d’égards ; faisant encore vieillir le roman dans les pires dimensions possibles. On a le droit à une insulte raciste et des sous-entendus eugénistes en plus des considérations profondément misogynes continuant à émailler le récit ; Chrissie persiste à être une terrible greluche uniquement préoccupée par son Jonnie, dont la présence ne se justifie finalement que pour lui offrir une descendance.

Et si le premier tome permettait à Hubbard de contrebalancer (bien qu’involontairement) les défauts d’écriture de Jonnie grâce à la présence de Terl, clairement le personnage le plus profond et intéressant du roman ; le suivant n’a pas ce luxe. L’ascendant est pris sur lui, alors Hubbard le relègue très vite au statut d’outil narratif en second plan, servant presque de base de données à Jonnie et ses alliés pour percer Le Secret des Psychlos. L’accent est plus volontiers mis, pendant un temps qui paraît très long, sur Brown Staffor le Boiteux (sic), némésis de Jonnie. Il nous est présenté comme un homme médiocre, aigri par son handicap, jaloux de notre si parfait héros, absolument obsédé par sa destruction, sans autre forme d’approfondissement de son caractère, encore plus caricatural que celui de notre « héros ». Il se laisse ainsi manipuler par Terl d’un côté, et par un de ses hommes de main, adepte du fascisme de l’autre. Le résultat est un ersatz d’Hitler complètement assumé par la narration, hallucinant de bêtise et de mauvaise foi, qui monopolise des pages entières du roman pour nous raconter des inepties à travers ses yeux malades, laissant libre cours à la pensée à peine voilée de Ron Hubbard sur certains sujets, créant un malaise rare dans sa puissance. Car en faisant de ses personnages d’aussi clairs étendards de sa pensée, l’auteur ne laisse strictement aucun doute sur ses propres positions. Et c’est terriblement gênant, avec une gradation dans le manque de subtilité menant à de réels instants de propagande, si transparents qu’ils en deviennent insultants.

Et de la même manière, plus le récit avance, et moins il fait globalement sens dans son aspect science-fictif, ou même simplement dans sa cohérence d’ensemble. Hubbard prend des libertés hallucinantes avec sa temporalité et les possibilités technologiques ou culturelles qu’il laisse à ses personnages. On retrouve chez les humains des habits traditionnels, une économie qui se recrée presque spontanément, des langages inchangés, ou des traditions intactes, comme si le millénaire censément écoulé l’avait été en stase ; la vie reprenant comme si de rien n’était ou presque avec l’arrivée du messie Jonnie. Hitler a donc traversé les âges à l’image du fascisme, mais aucune figure humaine même locale n’a jamais su émerger dans aucun tribu, par exemple. Une idée seulement de ce qui participe du n’importe quoi ambiant de ce roman tout entier. Les exemples sont trop nombreux pour les citer, d’autant plus qu’ils dépendent pour la plupart d’un contexte bien précis, mais ils restent légion et fatiguant à surmonter pour continuer à progresser dans le récit. Plus Hubbard creuse son univers, moins il fait sens, car il crée sans s’en rendre compte ou avec indolence des interdépendances entre tous les éléments qu’il crée ou recycle et accumule autant les incohérences que les effets de style malhonnêtes.
L’exemple le plus prégnant de ça débute avec l’arrivée de races aliens en orbite autour de la Terre, pensant qu’elle pourrait bien être « la planète qu’ils recherchent », sans préciser exactement pourquoi ; Hubbard nous réserve la surprise pour plus tard. Or, il nous présente beaucoup d’événements par le prisme de ces aliens. On devine très vite que cette planète spécifique a une valeur immense pour eux sans savoir exactement pourquoi. Or, lorsqu’un découvre finalement la nature de l’enjeu, à savoir que la planète Psychlo ainsi que l’intégralité de son Empire a été détruite par Jonnie et ses alliés, celui-ci devient trop gros. Rétrospectivement, il est impossible que ces aliens l’aient évoqué de façon si évasive ou ne l’aient pas lié à d’autres éléments de l’intrigue. L’auteur a tordu ses dialogues et une partie des comportements de ses personnages de façon à garder sa surprise et ses conséquences pour plus tard. Tout en détruisant une partie de l’intrigue au passage, qui n’aurait certainement pas pu se dérouler de cette façon en tenant compte de l’événement en question.
Sans compter qu’avant d’enfin l’apprendre on doit subir une intrigue diplomatique en parallèle d’une guerre terrestre. Et une fois que cet enjeu est évacué, on se concentre alors sur une intrigue politique, financière et économique ; une sombre histoire de dette que les humains devraient régler pour être les propriétaires légitimes de leur propre planète. Les enjeux et leur importance ne cessent de partir dans tous les sens, tantôt avec gravité, tantôt avec un recul qui se veut ironique mais qui prouve seulement qu’Hubbard est incapable de gérer son récit avec constance ou un semblant de fil directeur cohérent.
C’est tout bonnement d’importe quoi.

C’est d’autant plus frustrant qu’Hubbard, encore et toujours, se montre capable de soigner certains aspects de son récit, même si la cohérence globale laisse à désirer, dès qu’il ne s’agit pas des humains. Les Psychlos sont particulièrement soignés, tant dans leurs personnalités – à l’exemple de Terl donc, mais aussi de Ker, qui gagne très joliment en profondeur dans ce volume – que dans leur civilisation. Je dirais que 75% des bonnes, voire très bonnes idées d’Hubbard les concernent, et c’est sans doute là que la déception comme la frustration se nichent. Car tout ce qui dépend des Psychlos est intéressant ou presque, voire parfois brillant, à l’image de leur système mathématique en base onze, doublé d’un système de cryptage intégré.
Mais pour tout ce qu’il a d’intéressant et de captivant, ce micro-univers, je m’en suis rendu compte tardivement, est profondément sournois et malhonnête dans la description qu’en fait Hubbard, notamment au travers du lien qu’il fait avec la psychiatrie. Car si les Psychlos sont décrits pendant une bonne partie du roman comme des monstres sanguinaires et abrutis par le culte du commerce et de l’argent, Hubbard tente de nous faire comprendre qu’il n’en n’a pas toujours été ainsi ; il finit par nous expliquer, en même temps qu’il nous expose les dernières beautés de leur culture, que leur civilisation a été dévoyée par l’intervention de la « Kiâtrie ». Le parallèle est aussi transparent qu’insultant, et surtout inquiétant, car il porte tous les germes de sa propagande, nous indiquant littéralement que ce « culte médico-scientifique agissant dans l’ombre » a ruiné à lui tout seul la civilisation Psychlo en la figeant dans des normes malsaines.
Que mention en soit faite dans les dernières pages du roman, après tout ce qu’on a pu lire, en y accordant tant d’importance est encore une preuve de la malhonnêteté de l’auteur, encore plus grave cette fois. Car si la Kiâtrie était si importante chez les Psychlos – et elle l’est, de toute évidence – alors pourquoi personne n’en n’avait jamais parlé avant ? Le fait d’asséner cette information pourtant cruciale à l’intrigue autant qu’à la construction des Psychlos, nous laissant miroiter leur potentielle grandeur corrompue par la psychiatrie (appelons un chat un chat), n’est rien d’autre qu’une autre manœuvre propagandiste, la plus importante, celle qu’on est censée retenir.

Ce roman n’est qu’une progression en escalier dans le n’importe quoi de son intrigue et de ses personnages d’un côté, et dans l’abject de ses véritables intentions de l’autre. Hubbard tente d’abord d’emporter l’adhésion avec un début d’aventure somme toute divertissant, puis progresse dans les enjeux, faisant de son héros le messie absolu, sauveur de l’univers par les armes puis par une diplomatie hasardeuse et des pérégrinations économiques et financières qui manquent autant de réalisme que de cohérence ou d’intérêt romanesque. Le dernier tiers notamment est entièrement consacré à la conquête censément pacifique des 16 univers connus (sic) par Jonnie, à coup de malice banquière, aussi ennuyeux à lire qu’indigeste, quand bien même il n’en est certainement pas l’artisan réel, et que ses actions amènent à la mort de plusieurs milliards d’aliens.
Ce roman est aussi malsain qu’il manque d’équilibre, car il tend tout entier vers sa conclusion et les leçons qu’Hubbard voulait en voir retirer ses lecteurices ; tout son déroulé n’est qu’un prétexte à une charge contre la psychiatrie qui contient selon lui les germes de la destruction de la civilisation. Il le dit lui même, Jonnie n’a pas réellement détruit les Psychlos, la Kiâtrie l’avait déjà fait avant lui, même si le processus aurait été plus long sans lui.

Je suis donc aussi déçu que profondément énervé par ce roman. J’aurais pu m’en douter, évidemment, mais la nostalgie n’aura pas été suffisante, cette fois, pour compenser les profonds défauts de ce roman aux ambitions douteuses, et à la réalisation à l’avenant. Sa lecture aura été extrêmement pénible dès lors que les intentions d’Hubbard se font plus nébuleuses et s’écartent du divertissement pour commencer à pencher vers la propagande, de moins en moins discrète. J’ai fini ma lecture épuisé et démoralisé, avec la frustration supplémentaire de savoir ne pas avoir la résistance ou les compétences de synthétisation nécessaire pour faire un inventaire complet de tout ce qui ne pas dans ce roman, tant les reproches potentiels sont nombreux et divers.
Le bon côté de tout ça, s’il y en a un, est que j’ai pu, à l’occasion de cette lecture, expurger mon cerveau des faux bons souvenirs nostalgiques que ce roman avait pu créer à la longue, comme me féliciter de ne pas en avoir retenu ce que l’auteur voulait que j’en retienne, ce qui est aussi à mettre à son débit. Mais je peux aussi me dire que je me suis un peu sacrifié pour l’équipe, pouvant prévenir en toute connaissance de cause cielles qui voudraient s’y frotter de ne pas commettre l’erreur d’y perdre leur temps comme j’ai pu le faire, en profitant au passage pour aiguiser un peu plus encore mon esprit critique aux noires flammes de sa toxicité,
L’intrigue n’est pas rigoureuse, dans sa globalité ennuyeuse, nonsensique, souvent les deux ; les personnages censés être attachants ne le sont pas, et l’intention globale est malsaine. Un échec d’autant plus retentissant que ses rares réussites, par leur lumière, accentuent ses ombres.
Ce roman n’a guère d’intérêt qu’en tant qu’objet de curiosité malsaine ou dans la perspective d’un portrait qui se voudrait exhaustif de son auteur, un bien triste individu. J’y ai perdu mon temps, au moins maintenant puis-je le consacrer à d’autres œuvres autrement plus intéressantes.
On se retrouvera donc pour celles-là, plutôt, si vous le voulez bien.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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