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Le Chant des Glaces, Jean Krug

Boilermaker – Royal Blood (extrait de l’album Typhoons)

C’est pas nouveau, j’aime beaucoup le travail éditorial chez CRITIC. Alors forcément, quand cette maison d’édition chère à mon cœur m’a approché pour me proposer un SP du Chant des Glaces, premier roman de Jean Krug dans lequel elle semblait fonder beaucoup d’espoirs ; au delà de l’excitation d’être seulement sollicité, y voyant une validation de mon travail sur ce blog, j’ai évidemment accepté avec grand plaisir.
Et puisque le roman sort ce 22 avril tout proche, le timing était impeccable pour que je le lise et que je vous donne mon avis à son sujet, aussi nuancé que possible. Car il s’avère que ce roman mérite cet effort, à l’instar de La Descente ou la Chute, chroniqué ici il y a quelques temps. Un bon roman, souffrant malheureusement de quelques défauts, inhérents, sans doute, à ce statut de premier-né de la plume de son auteur ; l’essentiel demeurant bien sûr qu’ils ne sont absolument pas rédhibitoires.
Harnachez vous bien, je vais essayer de vous expliquer tout ça au mieux.

Delas est une planète-prison glaciaire sur laquelle on exploite en permanence les ressources naturelles afin d’alimenter en eau le reste des planètes habitées ; mais aussi et surtout les cryels, des singularités glaciaires précieuses permettant de refroidir les systèmes essentiels aux fonctionnements d’un bon nombre de véhicules spatiaux ou machineries complexes. Afin d’extraire ces objets rares et précieux des glaciers, on a fini par former une caste particulière d’ouvriers de la glace : les chanteurs. Ferley et Bliss en sont de fier·e·s représentant·e·s, sans doute les meilleur·e·s ; c’est sans doute pourquoi iels sont choisi·e·s pour mener une mission périlleuse au plus profond des glaciers, en quête d’un hypothétique cryel parfait, avec la promesse d’une liberté qui les a trop longtemps fui·e·s.

Commençons par un constat agréable : Jean Krug est un passionné, et ça se sent. Glaciologue de formation, son amour pour l’état solide de l’eau est présent tout le long de son roman, et sacrément communicatif, parce qu’aussi sincère que merveilleusement désintéressé. Jean Krug met ses connaissances au service de son récit, lui fournissant tout à la fois un MacGuffin aux implications passionnantes avec le cryel, que les munitions pour des réflexions non moins captivantes autour de la science et de ses apports civilisationnels. On se retrouve donc dans un roman de Science-Fiction un peu hard mais pas trop, juste ce qu’il faut pour opérer quelques pas de côté par rapport à notre modèle social actuel sans pour autant trop nous dépayser ni nous perdre à coups d’explications indigestes, l’équilibre est à saluer. Les potentiels progrès induits simplement par l’existence d’un objet tel qu’un cryel sont sans doute pourquoi j’aime tant la Science-Fiction, pour cette capacité à extrapoler un maximum des possibles d’une idée qui pourrait paraître simple, voire simpliste, dans sa conception. Et de fait, on voit tout un système établi à l’échelle de l’espace, oscillant entre le Space-Opéra et le Planet Opéra ; les changements d’échelle et de point de vue sont aussi évocateurs que réussis.

Un constat agréable que je me dois donc de tempérer, puisque comme je l’ai dit, ce premier roman souffre malheureusement de quelques scories qui, si elles n’ont pas, à proprement parler, gâché ma lecture, m’ont quand même fait lever quelques sourcils dubitatifs. Quelques expressions qui m’ont parues anachroniques, quelques passages de dialogues manquant de naturel, quelques passages narratifs un peu trop verbeux ou manquant de clarté à cause d’un jargon un peu trop artificiel ; rien de bien méchant, mais simplement des petites choses que j’aurais sans doute plus appréciées si elles avaient été tournées autrement. Mon principal grief avec ce roman, c’est simplement qu’il essaie peut-être d’en faire un peu trop à la fois. Autour du thème majeur (et massif) de la liberté, Jean Krug essaie d’agréger plusieurs sous-intrigues au delà de celle tournant autour du fameux cryel parfait, tente de multiplier les points de vue afin de brouiller les pistes et nous donner autant d’angles d’attaque que possible autour de la question qui semble le tarauder. Mais ce faisant, il dilue malheureusement un peu trop les fulgurances que j’évoquais plus haut dans des séquences manquant du même mordant. Si l’ensemble se tient tout à fait solidement, les aspects les plus convenus de son récit souffrent de la comparaison, d’autant plus lorsque les petits défauts que je soulignais, de fait, rendent encore plus vigilant.

Mais comme toujours, je préfère largement voir le positif que le négatif, surtout lorsque ces défauts que je souligne dépendent en grande partie de mes perceptions et goûts personnels. Là où je trouve que les saillies jargonnesques à répétition d’un pilote tel qu’Elkeïd sont un peu too much et pas forcément très agréables à suivre, elles ont pourtant du sens ; il est alors difficile de juger qui est vraiment fautif entre le personnage et son auteur. Alors que les dialogues et interactions impliquant Bliss et Ferley étaient sans doute ce que j’ai trouvé le plus réussi, notamment un semi-monologue de ce dernier à la charnière centrale du roman, une tirade que j’ai trouvée assez sublime, tant dans sa réalisation que dans on placement ; en sachant pertinemment qu’elle ne sera pas forcément du goût de tout le monde. Et dans un étrange entre-deux, j’ai pu croire avoir trop facilement éventé un twist du récit, je me suis vite rendu compte qu’il n’en était pas vraiment un, créant un autre twist par dessus le premier. L’important, finalement, c’est pour moi de constater qu’au delà de quelques jugements « objectifs », de défauts peu importants mais réels, Jean Krug a surtout fait des choix qui eux, indépendamment de leurs réalisations respectives, ont du sens, et donnent du sens à son travail. Son roman est construit comme il l’est parce que cela correspond à ses ambitions et au message qu’il voulait lui faire porter ; son roman a, par dessus tout, une véritable personnalité. Et pour un premier roman, c’est déjà quelque chose de très positif, et de sacrément prometteur.

Au final, peu importe, réellement, la balance que je peux opérer à une niveau personnel entre ce que je considère comme des des qualités ou des défauts ; il s’agit simplement de constater qu’on a affaire à un roman assez ambitieux, dans la mesure où il tente d’attaquer de front un thème massif au travers d’un certain nombre d’objets d’études hypothétiques. De mon point de vue, l’essentiel est préservé, et ce roman a su, plus d’une fois, réellement me toucher, me parler avec précision et force. Alors certes, tout n’est pas parfait à mes yeux, mais je pense avoir gardé bien plus de choses positives que négatives de cet ouvrage. Jean Krug est de toute évidence, pour moi, un auteur capable de très belles choses, et j’ai déjà hâte de constater à l’avenir ce qui sera, à mes yeux j’en suis sûr, des progrès. Et des progrès à partir d’un tel point de départ, c’est prometteur.
En attendant, je vous conseille assez chaudement de découvrir son travail pour vous faire votre propre avis.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

7 comments on “Le Chant des Glaces, Jean Krug

  1. Yuyine dit :

    Je suis en pleine lecture depuis une semaine et je peine … pourtant comme toi j’y décèle du bon, notamment la passion et l’ambition évidentes de ce premier roman. Mais le style m’arrête souvent dans mon élan, que ce soit les passages assez insupportables d’Elkeïd ou les passages trop verbeux qui m’empêchent de m’immerger dans l’histoire ou de m’accrocher aux personnages. Je peine mais je parviens bientôt au bout. Mais il va être difficile d’en écrire un avis qui ne soit pas trop freinant.

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    1. Laird Fumble dit :

      Je peux comprendre tes réticences oui, même si j’imagine qu’on a pas le même niveau de tolérance aux excès langagiers.
      J’espère que la conclusion te donnera un peu plus de grain à moudre. 🙂

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