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U-H-L #31 – Toutes les Saveurs, Ken Liu

Limbo – Royal Blood (extrait de l’album Typhoons)

Un jour, je serais peut-être déçu par un ouvrage signé Ken Liu. Peut-être. Mais certainement pas aujourd’hui. Il y a des auteurices comme ça, dont vous finissez par vous dire que la question de l’appréciation de se pose plus réellement, ou en tout cas pas dans les termes habituels. Depuis mon coup de foudre originel envers cet auteur désormais indéboulonnable de mon panthéon personnel, chacune de nos rencontres est l’occasion d’une confirmation systématique de mon amour – oui, je n’ai pas peur de le dire – pour son travail.
C’est fort de cette confiance et donc de cet amour, qu’après une petite semaine de vacances sans lecture, je me suis dit que la reprise avec un UHL signé d’une des plumes les plus fulgurantes de ce siècle, c’était ce que j’avais de plus proche d’une sage décision à prendre. Grand bien m’en a pris donc, de toute évidence, et je m’en vais vous expliquer pourquoi.

Dans cette novella, Ken Liu nous narre la rencontre entre une famille américaine et un groupe de travailleurs chinois, en particulier au travers des personnages de Lily, la jeune enfant de cette famille, et Lao Guan, leader de ce groupe, qui se retrouve vite renommé Logan par les locaux et leur manque de compréhension de l’accent chinois. L’action se déroulant en Idaho pendant la fièvre de l’or, quelques temps après la fin de la Guerre de Sécession, forcément, l’ambiance n’est au beau fixe, et surtout pas pour des étrangers à la réputation de barbares.
Et déjà, au travers de ce résumé, frappe un premier aspect un peu déroutant de ce récit ; pas pour lui-même, mais dans le contexte de ma connaissance de Ken Liu et au sein de la collection Une-Heure-Lumière, à savoir son côté extrêmement réaliste, son ancrage pragmatique. S’il est fait extensivement mention de légendes et de l’Histoire de la Chine, particulièrement de la période des Trois Royaumes, avec des connotations confinant à une certaine magie de contes, folklorique ; clairement, ce récit, à mes yeux, ne rentre pas – s’il le fallait vraiment – dans la case Imaginaire, ou alors seulement d’un timide pied dans le Fantastique. Personnellement, c’est tout sauf un problème, mais je me suis dit que le préciser d’entrée de jeu ne pouvait pas faire de mal.

Ce n’est pas un problème, d’abord, évidemment, parce que Ken Liu demeure un auteur d’exception, qui sait raconter les choses comme peu d’autres savent le faire ; avec toujours cette capacité incroyable à synthétiser, écrire entre les lignes, à faire discrètement s’intriquer des aspects censément éloignés de son récit pour faire apparaître un nouveau, moins évident, en filigrane. Dès lors, malgré un récit globalement classique dans sa construction comme dans ses intentions, il se détache un plaisir supplémentaire à la dégustation littéraire, d’autant plus quand les références (notamment en rapport avec la Guerre des Trois Royaumes) qui y sont déployées peuvent être un tant soit peu familières. Dans mon cas ce n’était qu’un pur coup de chance lié à d’autres intérêts que la littérature, mais ça reste le genre de délice qui ne se refuse pas.

Ce texte est merveilleusement riche, en thèmes comme en saveurs, évoquant à mes yeux les qualités de bien d’autres textes et/ou auteurs, à la fois revendicateur et nuancé, à l’image de L’Homme qui mit fin à l’Histoire, lucide et ironique, comme un Chinatown, Intérieur, de Charles Yu, ou un peu tout cela à la fois, quoique sous un tout autre angle d’attaque, comme le American Gods de Neil Gaiman. Des évocations et échos salutaires de questions et de problèmes qui demeurent d’actualité malgré la distance du temps passé, sachant – comme toujours avec Ken Liu – montrer que si certaines choses changent, d’autres restent les mêmes. Certains constats sont aussi inévitables que tristes, comme d’autres sont prévisibles mais toujours plaisants à lire, avec une humanité et un souffle confondant·e·s. La démonstration est forte, surtout au travers de superbes dialogues ; il n’appartient qu’à nous de faire changer notre monde, au moins à notre échelle, par notre capacité à accepter les rencontres, à savoir en extraire mutuellement ce qui nous fait grandir et évoluer, pour éviter collectivement le pire.

Ken Liu, c’est quelque chose, vraiment ; et je ne sais plus trop quoi dire de plus que ça, à force. Parce qu’un auteur qui sait à ce point écrire ce qu’il veut raconter, avec autant de sobriété et de sophistication mêlées, au point où on confond les deux, ça tient plus de la magie littéraire qu’autre chose, pour moi. C’est peut-être le problème de me lire sur le sujet : Ken Liu est dans mon panthéon personnel depuis quelques temps maintenant, je ne vois aucune raison de l’en déloger, je manque sans doute d’objectivité. Je pourrais concevoir que le fond de ce roman puisse passer pour de la redite aux yeux habitués à ce genre d’exercice, mais je crois néanmoins que ses forces se logent dans la multitude de détails de sa narration, qui lui donnent une réelle originalité et un organisme unique. Au risque de devoir encore et toujours me répéter, là où je sens une certaine connexion, tout le monde peut ne pas sentir la même chose, voire le contraire. Typiquement, quelqu’un qui s’attaquerait à ce texte avec l’envie ou l’idée d’un récit spectaculaire et/ou divertissant serait sans doute déçu sans un rapide ajustement à l’idée de ce que Ken Liu voulait transmettre avec cette novella. Du reste, je demeure tout de même profondément convaincu que ce genre de texte, sachant faire un pont habile entre tous les aspects de notre réalité passée et ce qu’ils évoquent de notre présent est important, voire même essentiel.
Surtout quand ces textes sont écrits par Ken Liu. Parce que Ken Liu.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

4 comments on “U-H-L #31 – Toutes les Saveurs, Ken Liu

  1. Yuyine dit :

    Très très belle chronique qui dit effectivement tout. Ken Liu est un magicien, un conteur, un génie.

    Aimé par 1 personne

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