
I Forgot To – KONGOS (extrait de l’album 1929, Pt. 2)
Pas grand chose que j’aime autant, en matière littéraire, que d’être surpris. C’est ce qui m’avait poussé à accepter un SP numérique du désormais personnellement culte Royaume de Flonck ; et donc ce qui m’a poussé, dans la même optique, à accepter celui du Tank, qui nous intéresse aujourd’hui, par les mêmes éditions Librinova. « Qui ne tente rien n’a rien », ce bon vieil adage qui n’a plus vraiment besoin de faire ses preuves.
Une véritable prise de risque, encore une fois, quoique plus prononcée que la première fois, puisque historiquement, je suis nettement plus versé dans l’absurde que dans le thriller teinté de littérature blanche. Mais j’avais envie d’honorer mon serment de sortir régulièrement de ma zone de confort, comme j’avais envie de prolonger l’échange de bons procédés avec les éditions Librinova, ne fut-ce que par reconnaissance envers la précédente découverte, au delà de ma curiosité.
Le verdict final n’est malheureusement pas aussi enthousiaste, cette fois ci, même si j’ai trouvé dans cette lecture quelques raisons de réellement me réjouir. Disons que ce ressenti mitigé s’explique avant tout par une histoire de découpage que je vais devoir m’efforcer de verbaliser au mieux.
Alfred Paquenet est une ancienne gloire du rugby à la carrière fulgurante et à la retraite anticipée amère, la faute à un caractère effacé et introverti ne cadrant pas avec son physique hors-norme, celui qui lui valut en son temps le surnom de « Tank ». Sa vie bascule après la rencontre de Jézabel et de son fils, qu’il sauve d’une tentative d’enlèvement au hasard d’une promenade dans le parc.
Je commencerai donc par le début, responsable tout à la fois de mon contentement et de mes frustrations, car porteur des plus grandes qualités de cette novella mais aussi de ses promesses à mes yeux pas assez remplies par la suite. Le premier tiers est ainsi avant tout consacré à la présentation du Tank, et c’est clairement ce que j’ai préféré dans l’ouvrage, de très loin. Alfred Paquenet m’a touché, aussi simplement que profondément. Philippe Laperrouse en fait un portrait convaincant et sincère, assez émouvant par moments ; peut-être à cause de raisons qui me seraient très personnelles, mais qui n’en perdaient néanmoins pas en puissance évocatrice. Et comme j’ai toujours eu un attachement particulier aux personnages dans ce que je lis, ce premier tiers est passé comme une lettre à la Poste, très agréablement surpris par mon engouement pour ce qui était jusque là rien de moins qu’une tranche de vie, quelque chose avec lequel je suis ordinairement très difficile, tout bêtement parce qu’elle était riche et subtile, et que je le trouvais fort sympathique, ce Tank.
C’est à partir de l’événement déclencheur de la portion thriller de la novella que le bât a commencé à blesser, je le crains. À partir de là, l’ouvrage commence à un peu trop souvent répéter ses informations d’un chapitre à l’autre, précipite ses actions, se laisse aller à des ellipses audacieuses difficilement explicables et surtout, perd ses qualités de caractérisation mobilisées pour le Tank. Et si je dois dire qu’on sent le potentiel d’un récit vraiment cool avec un héros atypique plongé dans un univers de crime qui n’est pas le sien pour les beaux yeux d’une femme lui ayant fait ressentir des sentiments qu’il pensait impossible à ressentir depuis des années, la sauce ne prend jamais vraiment. Encore et toujours, c’est la frustration, née d’un manque, plutôt que le rejet d’un réel raté qui me fait exprimer mes plus grosses réserves. Le récit va beaucoup trop vite pour les enjeux qu’il affiche dès lors que le Tank est embarqué dans cette aventure, créant une regrettable dissonance entre le rythme très rapide des événements et l’ampleur de leurs implications, ou la mélancolie de notre héros et la frénésie de ses péripéties.
En bref, c’est dommage. On sent un récit qui a un peu le cul entre deux chaises, entre l’intimité de l’esprit d’un héros réellement attachant dès lors qu’on lui donne du temps et de l’espace pour respirer, et les aspirations à un thriller très (trop?) ambitieux dépeignant des antagonistes d’envergure aux plans sournois et tortueux. D’un roman court insuffisant, quoique sachant briller par la sincérité de ses sentiments, on aurait sans doute pu passer à un roman bien plus qualitatif ; il aurait du, à mes yeux, prendre plus son temps et déployer ses personnages secondaires et ses thèmes dans le double de son volume actuel. Au fond, je n’ai pas trouvé de réel problème dans l’enchaînement des événements et leur logique interne, en dehors du fait que la narration va bien trop vite pour seulement nous laisser le temps de respirer, ou seulement d’établir des vrais liens logiques solides entre toutes les prises de décision et leurs conséquences.
Je préfère garder de cet ouvrage son premier tiers, qui m’a donné beaucoup d’espoir dans les deux suivants, quand bien même ces derniers m’ont déçu. Ce que je veux retenir de cette novella, c’est qu’elle a une jolie âme, bien visible sous ses défauts d’exécution, et c’est déjà pas mal du tout. Le Tank, sous ses côtés taiseux, a su me parler, malgré tout, c’est ça dont je veux me souvenir.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉