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Blade & Baker T10 – les Maîtres de la Galaxie, Jimmy Guieu

Comme dirait mon entourage depuis quelques temps maintenant, il semblerait que j’aime me faire du mal. Une affirmation que je pourrais difficilement réfuter, puisqu’en effet, me voilà encore une fois devant vous pour rendre compte de ma lecture d’un ouvrage de Jimmy « YOLO » Guieu, choisi au hasard parmi la vingtaine de romans d’occasion que je me suis finalement procuré après la lecture et la chronique de Réseau Dinosaure. CQFD, oserais-je.
Car bien au-delà d’un plaisir assez mesquin, que j’avoue sans peine, à démonter pièce par pièce un ouvrage médiocre ou mauvais avec juste ce qu’il faut de mauvais esprit, je dois confesser également une réelle curiosité pour l’univers et le travail de Jimmy Guieu. Je vois ça presque comme une capsule temporelle sur une ancienne façon de travailler et d’appréhender le monde. Près de 70 ans de décalage, ça forge nécessairement des différences qu’il demeure intéressant d’essayer d’analyser.
En l’occurrence, le contraste avec la grande majorité des ouvrages que j’ai pu lire dans les 15 dernières années était tellement violent que l’analyse était très secondaire. Là où Réseau Dinosaure avait parfois ses bons moments au milieu d’une relative médiocrité fainéante et des autres défauts propres aux obsessions de Jimmy Guieu, les Maîtres de la Galaxie était une absolue purge, tournant tous les potards du mauvais goût à fond. Et puisque j’ai le sens du sacrifice, je m’en vais vous détailler ça par le menu.

Et comme à chaque fois désormais, vous pouvez retrouver ici l’intégralité du live-tweet de ma lecture. « À vos risques et périls », c’est ça qu’on dit, je crois.

Blade & Baker, grosses huiles de l’import-export interplanétaire, à bord de leur vaisseau, le Maraudeur, reviennent d’une aventure incroyable aux confins de la galaxie, y ayant rencontré une civilisation bien supérieure à l’humanité, mais tiraillée par des courants politiques contraires. Revenant finalement sur Terre, ils sont accueillis assez curieusement, les autorités doutant fortement qu’ils soient, eux et leur équipage, qui ils prétendent être. Ce quiproquo ne sera que le début d’une nouvelle péripétie pour les aventuriers de l’espace.

Alors forcément, ayant pioché au hasard dans ma réserve, attaquer les aventures de Blade & Baker par le tome 10 risquait de ne pas faciliter ma compréhension des enjeux ou de gâcher ma lecture. Je vais évacuer le problème d’emblée, ça n’a absolument rien changé à ma réception de l’œuvre. D’abord parce que Jimmy Guieu, à la fois par précaution, mais aussi et surtout, je pense, pour faire du volume, nous gratifie très régulièrement de rappels absolument pas subtils aux événements du tome précédent, dont les implications débordent dans celui-ci, me faisant même m’interroger sur la nécessité de séparer tous ces événements en plusieurs volumes. Ensuite, je n’aurais pas eu besoin d’absolument tout comprendre à ce qui se passait dans ce roman pour en appréhender tous les profonds problèmes, à tous les niveaux.

Commençons par l’évidence, à savoir à quel point ce roman appartient pleinement à un passé qu’il est heureux de savoir révolu, malgré les difficultés que nous pouvons encore éprouver à faire évoluer les mœurs. Mais à voir ce que le présent auteur tient pour acceptable, on se rend compte, tout de même, du chemin parcouru. Disons le clairement : Jimmy Guieu est un affreux obsédé sexuel, pour ne parler que de son défaut le plus évident, et cela se ressent dans la construction de ses personnages. Avec en tête de liste Ronny Blade, insupportable « héros » macho à la vieille sauce pulp qui aurait salement tourné, infect avec les femmes ou même ses amis, moquant la jalousie chez ses compagnes féminines mais n’éprouvant pas de remords à l’exprimer pour lui-même ; le genre de salopard à estimer que l’amour libre, ce n’est que pour les hommes.
Entre ça et une remarque homophobe immonde au fil du récit, on pourrait dire que ce n’est finalement qu’un marqueur de l’époque, presque oubliable ; mais non. Car les velléités sexuelles sont absolument omniprésentes, et viennent parasiter le moindre événement, la moindre péripétie ou tentative d’avancer dans l’intrigue. Jimmy Guieu ne rate jamais une occasion de décrire très précisément à quoi ressemblent ses personnages féminins et à les sexualiser, avec une fixette délirante sur leurs poitrines, quitte à en oublier ses personnages masculins. Pour dire, une fois le roman terminé, j’aurais pu vous donner une description assez précise de ses personnages féminins ou d’une partie de leur garde-robe, mais j’aurais été absolument incapable de vous dire à quoi ressemblent Blade & Baker. Alors forcément, c’est tellement caricatural que ça en devient ridicule et assez drôle, à force, mais ça n’occulte pas la misogynie immonde et la vision violemment rétrograde de l’auteur, pour qui des mains au cul ne sont qu’un jeu.

Mais encore au delà de la question du sexisme, à laquelle je m’attendais sans y être totalement préparé, c’est bien les vues politiques de Jimmy Guieu qui m’ont le plus laissé sur le cul. Oui, ça mérite un peu de vulgarité. Parce que franchement, que ses héros soient des « séducteurs » machos sans vergogne, à l’extrême rigueur, j’aurais pu laisser passer et regarder ça avec mon mépris contemporain. Non, ce qui par dessus tout me choque parce qu’il me semble que c’était déjà difficile à lire il y a plus de 50 ans, c’est le fait que Blade & Baker soient d’infâmes crapules impérialistes sans un semblant de boussole morale.
On les lit acheter une planète qu’ils pillent sous le couvert de « cosmo-archéologie », semblent se livrer au trafic d’armes ou de technologies, voire d’animaux, sans la moindre espèce de scrupule. Nos « héros » nous racontent avoir profité d’une ancienne prophétie sur une planète primitive, se faisant allègrement passer pour des dieux, exploitant la légende à leur profit personnel, y compris pour trouver des compagnes temporaires sur place. Je n’ai tout simplement jamais eu le sentiment de lire de véritables héros que j’aurais eu envie de soutenir au fil de ma lecture ; à peine mis en valeur par la présence d’une opposition de méchants caricaturaux, à peine moins recommandables qu’eux.

En fait, il n’y avait absolument personne à sauver dans ce roman, chaque personnage étant le faire-valoir d’un autre, personne ne réagissant logiquement à aucun des événements racontés, ou alors uniquement à base d’intuitions ou autres facilités de scénario, laissant parfois à croire que les personnages l’ont lu avant de le vivre. C’est usant, à vrai dire, autant que ridicule, de ne ressentir aucun enjeu réel à aucun moment, aucun suspense, sans même l’excuse d’une quelconque décontraction dans la narration. Parce que je me rends compte que Jimmy Guieu se prenait terriblement au sérieux, en fait. Il n’écrivait pas de la série B de SF, ce qui aurait pu me faire lui accorder un quelconque bénéfice du doute. Non. Ses héros en sont réellement à ses yeux, le pinacle de l’évolution humaine, des mecs biens, un peu gouailleurs, taquins mais pas méchants, sans doute ; alors qu’ils sont en réalités des brutes à peine raffinées qui ne pensent qu’au pognon et au prochain coup qu’ils pourront tirer, sans aucune empathie, y compris entre eux. Bon sang, même Baker semble en avoir marre, parfois, de Blade comme de son arrogance.
C’est sans doute pour ça que j’ai autant ri (intérieurement, on se respecte) durant cette lecture. Parce qu’il était si facile de voir les ambitions de Jimmy Guieu, voulant sans doute construire un grand space opéra populaire et épique avec des héros au sommet du badass, pour lamentablement se vautrer dans des scènes grotesques ou des dialogues d’un amateurisme terrible, y compris je le crois, pour l’époque. À cet égard, j’ai peut-être tort, j’ai lu trop peu de romans des années 50 pour en juger, mais clairement, à une échelle personnelle, des protagonistes usant de passé simple dans leurs dialogues ou un usage trop libéral des points d’exclamations dans la narration, ce sont des tue-l’amour littéraires à coup sûr. Sans compter à quel point on sens que l’auteur avance parfois au jugé, inventant des scènes ou des mystères pour les justifier d’une ou plusieurs pirouettes maladroites plus tard, avec l’air de dire qu’on aurait jamais pu deviner. Inutile de dire que si la méthode est souvent imprévisible (parce que souvent stupide ou inutilement tordue), la surprise elle-même est systématiquement éventée dès sa mise en place. On voit quelque chose d’étonnant ou de nébuleux, on se dit qu’il y a évidemment un piège, mais pour autant, on abandonne très vite l’idée de simplement essayer d’anticiper ce que Jimmy a pu essayer d’inventer pour se rattraper.

Bref, c’était excessivement mauvais, mais malgré ça, qu’est ce que c’était drôle et instructif. La photo mentale de la psychologie d’un obsédé sexuel fan de gros flingues et d’argent facile, à l’ambition tordue qui aurait sans doute mieux fait d’écrire directement des romans érotiques, s’il avait eu un soupçon d’honnêteté envers lui-même et son lectorat.
Lire du Jimmy YOLO Guieu, c’est un peu faire un voyage dans le temps, mais avec une très mauvaise agence.
Et pour autant, j’y retournerai sans doute un jour. D’abord parce que certain·e·s aiment me lire souffrir, et que je veux pouvoir me vanter de mon sens du sacrifice ; mais aussi parce que j’avoue que j’éprouve maintenant une certaine fascination malsaine pour Jimmy YOLO Guieu et ses étranges lubies, et surtout parce que je crois que me confronter à de tels anomalies littéraires me permet de faire ponctuellement le point sur mes étalons de qualité personnels. Il remet les choses en perspective, Jimmy.
Rendez-vous est donc pris. Mais pas tout de suite, quand même.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

7 comments on “Blade & Baker T10 – les Maîtres de la Galaxie, Jimmy Guieu

  1. Lullaby dit :

    A défaut d’avoir suivi le live-tweet en entier (mes nerfs n’auraient pas tenu ! J’en admire d’autant plus ta patience…), je lis ton retour de lecture et ma foi, je crois qu’il vaut mieux que je ne mette jamais le nez dans un Jimmy Gieu ! Déjà, les Van Vogt me faisaient grincer des dents avec ses personnages féminins inexistants (La faune de l’espace) ou réduites à des femmes au foyer faibles (La guerre contre le Rull), et pourtant, on avait une intrigue qui se tenait et des idées intéressantes, c’étaient de bonnes lectures mais impactées par la vision (machiste) de la femme de l’époque. Alors imagine un peu le pétage de plomb potentiel si je devais lire Jimmy Guieu ! ^^ »
    Merci d’avoir pris la peine de le dépoussièrer et le lire pour nous ! Tant d’abnégation suscite l’admiration ! (et oui, ne replonge pas dans un autre tout de suite, hein, préserve-toi quand même !)

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    1. Laird Fumble dit :

      Merci beaucoup pour ta sollicitude !
      Et effectivement, tu ne gagnerais rien à plonger nez là-dedans, tu ne tiendrais pas 10 pages.
      Ravi de me sacrifier ponctuellement pour l’équipe. 😉

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  2. Aucun regret de ne pas avoir attaqué par le début des aventures : les premiers volumes (du moins les trois premiers) sont dans le meilleur des cas assez médiocres…

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  3. Yuyine dit :

    J’adore ton sens du sacrifice et ça nous donne des chroniques absolument géniales.
    J’adore « La photo mentale de la psychologie d’un obsédé sexuel fan de gros flingues et d’argent facile, à l’ambition tordue qui aurait sans doute mieux fait d’écrire directement des romans érotiques, s’il avait eu un soupçon d’honnêteté envers lui-même et son lectorat. » C’est terriblement parlant ^^

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    1. Laird Fumble dit :

      Merci beaucoup. ❤

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  4. Tororo dit :

    Une capsule temporelle, Jimmy Guieu, c’est tout à fait ça. Il se prenait au sérieux, mais il était pris au sérieux, aussi: il a eu, pendant des années, son émission de radio, dans laquelle il faisait régulièrement le point, avec tout le sérieux dont il était capable, sur les activités hautement suspectes auxquelles se livraient les extraterrestres sur notre planète (mais que font donc les gouvernements? sont-ils donc aveugles?)…
    Il y en a probablement dans les archives de l’INA, pour les curieux.

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