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Impossible Planète – Episode 38

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Parce que si la démonstration qui avait suivie fut absolument implacable, l’hypothèse de départ qu’elle venait étayer, elle, pouvait paraître farfelue voire complètement absurde pour quelqu’un qui aurait refusé de sortir d’un point de vue absolument absolument anthropocentriste.
C’était pourtant assez évident, à la réflexion, que cette planète artificielle, entourée de sa propre étoile – qu’on pouvait éteindre et rallumer comme une vulgaire ampoule électrique d’une simple instruction psi, pour peu qu’on maîtrise le sujet – n’était pas conçue de la même manière et avec les même buts habituels que l’espèce humaine. En dehors d’un brouillage des communications hyper puissant selon les standards de la Fédération, mais dont on ne pouvait préjuger à l’aune de ceux des xénos, et d’un filet gravifique au calibrage hasardeux, cet endroit ne semblait avoir aucune ambition militaire, à peine sécuritaire. Pas d’armement extérieur, un matériel d’observation des environs pour le moins léger ; alors qu’au milieu de l’espace profond – selon une valeur donnée de  »milieu » – une station comme celle-là était du pain béni pour tout belliciste qui se respectait, ou même un marchand aux ressources de luxe qui aurait eu de l’argent à dépenser pour obtenir des remises d’impôts en faisant dans le foncier ambitieux.
L’équipage, au milieu de ses explorations et découvertes, s’était mis à réfléchir, ce qu’il faisait parfois avec de bons résultats. Sans avoir à retourner jusqu’à la Tour, qui avait fourni un indice de taille à Agcen avant son départ, bien qu’il n’ait su l’interpréter que trop tard, il avait suffi d’observer les infrastructures de la planète avec l’aide des Drogos et de leurs filtres audiovisuels.
Ce qu’Agcen avait aperçu, tout en haut de la tour, c’était un piédestal, au sein d’une pièce richement décorée, si richement que cela jurait avec tout ce que lui et l’équipage avait pu croiser jusque là, allant au delà même des seuils de perception que les xénos semblaient supporter. C’était clinquant, lumineux, joyeux, terriblement paradoxal. Cette dernière pièce, ce qu’elle contenait, en toute logique, ce n’était rien d’autre qu’un trophée.
Ayant volontairement laissé derrière lui la Tour et ses mauvais souvenirs, pensant en avoir vu assez de toute façon, l’équipage avait préféré se concentrer sur l’absolu inconnu du reste de l’endroit pour essayer d’en déterminer la fonction, profitant allégrement des joies de la téléportation au passage, autant pour le côté pratique que pour l’amusement enfantin d’avoir un nouveau jouet à disposition, gratuit d’apparences.

Et il ne leur avait pas fallu longtemps pour formuler l’hypothèse que Cap’ avait donc fini par présenter à Agcen, en se basant sur les apparences et les liens potentiels à tirer depuis ces derniers vers les informations lacunaires dont disposait l’équipage sur les xénos et leur culture.
Cette foutue planète n’était rien d’autre qu’un centre de loisirs.
Comment cet endroit avait subsisté et avait été en mesure d’être retrouvé, contrairement à d’autres constructions des xénos, qui plus est en parfait état de fonctionnement, demeurait un mystère complet ; mais cette hypothèse était tout de même la plus solide à laquelle l’équipage parvenait à s’accrocher sans trébucher en permanence sur des incohérences, du moins à la lumière des éléments à disposition. Mieux valait une explication peut-être un peu bancale qu’une pléthore d’explications absolument nulles et non avenues, ou pire, que pas d’explication du tout.
Comment expliquer autrement qu’une race extra-solaire, disposant apparemment de pouvoirs psionniques, de la téléportation, d’une source d’énergie suffisante pour faire tourner une fausse étoile pendant plusieurs siècles au moins, et de la vie techniquement éternelle – rien que ça ! – ait pu censément, selon les apparences, abandonner derrière elle un tel puits de science et de technologie ? Il fallait nécessairement que cette technologie leur soit si acquise et évidente qu’elle ne représente rien à leurs yeux. Il était extrêmement difficile de juger de ce que l’on pouvait voir dans cet endroit autrement qu’avec des yeux et des oreilles humains, d’autant plus avec la distance d’un spectre audio-visuel complètement décalé, mais toutes les vidéos projetées en hologramme semblaient montrer la même insouciance, ou du moins une exubérance qui n’avait rien d’agressive.
C’était bien sûr impossible de pouvoir être certain de quoi que ce soit, mais les machines de mort que l’équipe avait pu croiser dans les entrailles superficielles de la planète étaient les seules de l’endroit, et si étroitement couplées au système de résurrection cyclique, avec un fonctionnement si ludique, pour peu qu’on essaie de se mettre dans la peau d’une race qui ne semblait pas réellement en avoir et ne pas craindre la mort, qu’encore une fois, l’hypothèse se solidifiait à chaque itération de la discussion.
Qu’Agcen n’avait pas réellement envie d’avoir, de toute manière. Ce n’était simplement plus sa place, en tout cas pour le moment. La démonstration le convainquait bien assez pour lui faire sagement emboîter le pas initié par Cap’ et les autres, sans poser trop de questions. D’une, ça lui évitait de trop réfléchir, de deux, ça montrait bien sa bonne volonté de s’intégrer à nouveau. Et de trois, de toute manière quoi que fût vraiment cette planète à la con, leur connaissance du terrain leur conférait un avantage considérable sur leurs ennemis postés à l’extérieur de l’étoile, susceptibles, forcément, de succomber au moindre de leur bluff. Il n’y avait pas plus peureux que quelqu’un étant persuadé d’avoir de bonnes raisons d’être effrayé. Surtout quand les peureux en question étaient des sbires à la manque poussés à la mutinerie précipitée par un chef incompétent. Et suffisamment cons pour lancer une mutinerie improvisée en plein milieu d’une mission avec un tel enjeu sans la moindre forme de suite dans les idées.
Ce que l’équipage allait avoir à affronter durant leur fuite à venir, c’était l’équivalent cosmique d’un poulet à qui on venait de couper la tête. Un poulet qui allait sans doute rameuter tous ses copains poulets, avec leurs têtes, eux, et tous équipés d’une sacrée dose d’armement lourd, certes. Mais il fallait essayer de rester optimiste, alors on ne laissait pas trop filer les métaphores, et on se concentrait sur le travail à abattre. Une certaine vision de l’instinct de conservation.
Le plan de sortie était très simple, finalement : faire dans le spectaculaire en mobilisant toutes les ressources disponibles et utilisables sur et sous la surface de cette foutue planète. Il y avait forcément de quoi se débrouiller ; la moindre technologie suffisamment avancée peut faire office de magie si lui trouve un usage rétrograde. Et l’équipage n’avait certainement pas attendu Agcen pour se mettre au travail en ordre dispersé – pour couvrir un maximum de terrain – bien que comptant désormais sur ses connaissances des procédures militaires standards pour aider à optimiser l’ébauche de plan conçu par l’équipage avant son retour catastrophe. Sachant mieux anticiper les réactions du Consortium, il pouvait leur éviter de mauvaises surprises ou en ménager des bonnes.
Le problème essentiel demeurait le temps, et l’équilibre avec les progrès de leur compréhension de la technologie xéno. Il fallait certes trouver un maximum de ressources exploitables et de technologies utiles à leur sortie et réussir à faire en sorte que Cap’ soit suffisamment à l’aise avec ses pouvoirs pour jongler entre toutes les options intégrées au plan sans handicaps ou incidents ; mais surtout le faire suffisamment vite pour que le Consortium, sans doute alerté de la situation, n’ait pas le temps de précipiter une trop grande quantité de troupes, qui seraient sans doute ingérables pour l’équipage. L’équation semblait insoluble, à cause d’un trop grand nombre d’inconnues et de variables. Mais il fallait essayer, évidemment, faire au mieux.
Tablant sur les événements récents et le l’équilibrage expert d’Agcen entre les révélations de Badj et Korey – qui semblaient avoir compris qu’il valait mieux coopérer mais le faisaient avec une bonne volonté discutable – il fut décidé que l’équipage disposait encore de 6 jours pour se mettre en place et tenter sa sortie, sauf nouvelle variable qui restait à surgir. Tout le monde voyait la fin de cette histoire comme l’occasion ultime, inratable, de graver leur nom dans l’histoire de la Piraterie ; un dernier baroud d’honneur d’anthologie, ou une fuite réussie encore plus légendaire.
Par ailleurs, dans les deux cas, la perspective était d’autant plus grisante que Cap’ avait acquis la conviction d’être devenue trop importante pour que l’équipage risque sa vie à ses côtés, ce qui rassurait tout le monde et avait commencé à faire planer sur leurs travaux une ambiance presque festive. Elle se savait être une des seules personnes à des années-lumières à la ronde à pouvoir commander aux technologies de cette planète, du moins aussi facilement. Larsen avait certes pris un certain coup de main à son humble échelle et commencé à bosser sur des interfaces avec le soutien d’Achille, mais faute de moyens et de réelles connaissances, ça restait balbutiant.
Mais il fallait dire ce qui était, malgré une excellente ambiance et une certaine effervescence liée à toutes les découvertes faites à une régularité quasi horaire, sans parler de toutes leurs implications, c’était un sacré bordel. Sous les vernis de la joie et de la confiance en ses intentions, l’équipage était nerveux, et anxieux, forcément ; et tout le monde le savait. Il n’était pas question de faire semblant ou de se cacher, mais plutôt de canaliser ces frayeurs, les transformer en de réelles chances de se sortir de ce bourbier.
Ça aussi, iels en avaient discuté, un peu, à mi-mots timides. Il ne s’agissait pas seulement de s’en sortir une grande et belle fois, il fallait aussi penser à après. Une fois échappé, l’équipage ne pourrait forcément pas reprendre son train-train habituel, en tout cas pas dans l’immédiat. Deux vaisseaux, c’était autant d’entretien ; sans parler du fait que la Firme allait sans doute toujours vouloir retrouver ce qu’Elle considérait comme son bien (et on avait honnêtement du mal à lui donner tort), ni même de savoir ce qui était advenu de son prototype d’IA, et ce indépendamment du sort de cette planète ou de ce qu’elle contenait. Après la fuite, il y en auraient d’autres. Un sacré paquet d’autres…

Agcen se secoua pour essayer de reprendre le contrôle de ses pensées. Depuis la veille et son rétablissement physique complet, son esprit avait encore du mal à suivre. Sans doute le trop-plein d’informations allié à un symptôme sournois des nanomeds qui arrivaitparfois ; le corps qui se rétablissait plus vite que prévu laissait le cerveau à la traîne. Une sorte de confusion existentielle désagréable, mais jamais vraiment handicapante, sauf dans un cas comme le sien où on enchaînait les périodes de stress, de blessures et de soins accélérés. Ça passerait, mais il devrait faire avec le ralentissement psycho-moteur, faute d’accès à un stock de traitements appropriés ; et aussi le fait que le train de ses pensées ne cessait de dérailler, apparemment. Il n’arrivait plus à se concentrer sur quoi que ce soit plus de quelques minutes.
Avec un sourire désabusé et un léger soupir amusé, il se rendit compte que ça devait être ça de discuter avec lui dans ses moments les plus bavards. De tenter de discuter avec lui.
Il releva brusquement la tête, réalisant qu’il avait tellement perdu le fil qu’il s’était perdu, sans la moindre idée de sa position actuelle par rapport à son objectif initial ; depuis ce qu’iels avaient appelé le Parc avec les autres, la zone centrale d’accueil de la planète, concentrant l’essentiel de son volume, il devait se rendre dans un tout petit quartier isolé à l’extérieur. Il semblait que les drones de Tombal avaient initialement raté l’endroit pendant leurs premières recherches, faute d’un réel objectif de quadrillage et d’un semblant de connaissance des environs, trop concentrés sur l’objectif qui était de retrouver le reste de l’équipe.
Et évidemment, comme personne n’avait eu envie de se coller à la corvée de cette exploration lointaine, dans un endroit qui, selon les images d’observations, ne rassemblait que quelques humbles bâtisses similaires au reste de celles qui avaient déjà été fouillées par l’équipe, Agcen n’avait même pas eu à se déclarer volontaire ; son rang zéro l’avait déjà fait pour lui.
Ses errements psychologiques l’avaient fait traîner un bon kilomètre plus loin que le croisement prévu dans son plan. Il se racla la gorge avec un air gêné, autant pour continuer à essayer de se redonner une contenance que pour signifier qu’il était désolé à d’éventuel·le·s observateurices, qui devaient le surveiller d’un œil, comme promis, au travers du Drogo qui l’accompagnait. Il le rappela d’ailleurs auprès de lui d’un sifflement bref, saluant intérieurement les reconfigurations apportées par Larsen et Cap’ aux bestioles, autant que leur chance inouïe de pouvoir respirer sans risque à la surface de cette planète. L’équipage avait décidé de garder le stock de scaphandres et de bonbonnes cloné·e·s – faute d’un meilleur terme – pour une occasion ultérieure, qu’elle fût d’urgence ou bassement pécuniaire, ou les deux.
Il bifurqua prestement vers sa destination, qui lui apparut au loin sitôt qu’il passa le coin du dernier bâtiment appartenant au Parc. S’il avait dû rester dans une optique anthropocentriste, il aurait dit que ce petit ensemble de bâtiments, visiblement plus modeste que tout ce que l’équipage et lui avaient pu croiser jusque là, devait être un local d’entretien, ou le quartier de vie des employés de la planète, si tant fût qu’elle en eut besoin. S’il avait dû être parfaitement honnête et détaché de tout préjugé, il aurait admis qu’il n’en savait foutre rien.
À son ignorance s’ajoutèrent la confusion et la douleur, ainsi qu’une pointe d’humiliation, lorsque son nez rentra en contact aussi violemment que subitement avec une paroi invisible.

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