
Thrown Away – VAST (extrait de l’album Turquoise & Crimson)
Tamanoir fait partie de ces bouquins que je considère depuis quelques temps avec un peu de honte dans le paysage de ma bibliothèque, aux côtés de tous ces ouvrages que j’aurais aimé lire bien plus tôt et que j’ai inexplicablement traîné à mettre en haut de la liste de mes priorités. Depuis ma découverte enthousiaste de Souviens-toi des monstres il y a déjà quelques années de cela – que le temps file, c’est affreux – je m’étais promis de continuer à explorer le travail de son auteur à la moindre occasion ; me portant logiquement acquéreur du roman qui nous intéresse aujourd’hui, avec la petite dédicace qui va bien. Et puis j’ai fait des choix, encore et encore, éloignant l’occurrence de cette exploration, sans que je puisse réellement l’expliquer ni me trouver la moindre excuse valable. Jusqu’à hier donc, où je me suis dit qu’il était bien temps, après tout, de tenir ma promesse à moi-même.
J’ai doublement bien fait : d’abord parce que ça fait du bien de nettoyer une petite tâche de culpabilité sur son âme, et ensuite parce qu’encore une fois, j’ai plutôt bien apprécié ma lecture.
Enfonçons d’emblée une porte ouverte : c’est encore une fois sacrément foutraque. Mais encore une fois, un bon foutraque, un foutraque qui fait du bien, parce qu’il exprime une relative candeur, malgré son contexte et ses scènes difficiles. Peut-être est-ce le souvenir souriant du premier roman de l’auteur qui me fait m’accrocher à cette analogie ; mais toujours est-il que j’ai retrouvé dans Tamanoir cette même volubilité audacieuse, ce même sentiment de suivre le fil décousu d’un récit narré par un adolescent malicieux, envoyant paître les conventions avec l’arrogance du petit malin qui sait très bien qu’il arrivera à ses fins avec les félicitations du jury, ou tout du moins les encouragements, mêmes résignés.
Ce roman est un joyeux bordel qui ne perd jamais son temps ou presque, en dehors de quelques envolées un poil trop verbeuses et de chapitres oniriques un peu trop perchés auxquels je n’ai pas tout compris en dehors du fait qu’ils étaient rigolos. En fait, j’ai surtout senti que l’auteur s’y était amusé, ce qui participe sans doute beaucoup de ma propre appréciation ; un bouquin écrit avec le cœur et le sourire, ça se ressent et ça facilite la transmission des bonnes ondes.
Alors bon, forcément, c’est pas parfait, comme j’ai pu le sous-entendre ; au delà de la forme et de l’expression, il y a peut-être un petit souci de structure globale. Tout affairé à balancer de la punchline qui va bien et des scènes joyeusement absurdes au sein d’un récit un peu frénétique, Jean-Luc A. d’Asciano se perd peut-être parfois un peu sur ses propres intentions. Si le récit commence très clairement comme un polar teinté de fantastique avec en héros un archétype de privé fantasque – une de mes grosses faiblesses, il est vrai – il ne tarde pas à prendre par moments des reflets de fable social satirique assez mordante. Et si, dans l’idée, comme dans une partie de l’exécution, c’est loin de me déplaire, ne fut-ce que parce que l’auteur prend par ce truchement des positions que je respecte et soutiens clairement ; le roman dans son ensemble semble un peu souffrir, à force d’une légère forme de dissonance. Les séquences, prises séparément, fonctionnent parfaitement ; mais une fois collées les unes aux autres, elles donnent parfois l’air de refuser le mélange, avec comme symptôme une certaine disparité de styles et d’atmosphères. Et c’est dommage, parce que j’ai bien senti qu’il y avait la place pour trouver l’équilibre entre ces deux aspects du récit, et donc un magnifique effet de synergie ; mais une fois arrivé au bout du roman, j’étais un peu frustré que ce ne soit pas arrivé.
Mais ceci étant dit. J’ai avant tout pris du plaisir à lire ce roman. Comme je l’ai dit, parce qu’il est sincère, d’abord ; mais surtout parce qu’il me semble préparer un terrain propice à beaucoup de choses extrêmement intéressantes, que ce fut sur le fonds pu sur la forme. Si je confesse que mon goût bien trop prononcé pour la figure du détective privé parle beaucoup pour moi, il faut aussi et surtout reconnaître que Jean-Luc A. d’Asciano, ici, esquisse un univers prometteur, entre bas-fonds et basses-fosses, avec un ton unique et un traitement à l’avenant. J’ai refermé ce court roman avec le sentiment d’avoir fait un bon repas et l’envie nette d’en refaire un autre à l’avenir : la recette était très bonne mais me laissait à croire qu’elle pouvait l’être encore plus en changeant juste quelques proportions dans les ingrédients. Bref, je suis satisfait mais j’en veux encore plus. Et ça tombe bien, j’ai cru comprendre que l’auteur lui-même avait écrit ce roman avec l’option de suites en tête.
Hâte.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉