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Blade & Baker T17 – les légions de Bartzouk, Jimmy Guieu

Cette absence de majuscules au début du titre est déjà une fabuleuse énigme pour moi.

Ça faisait longtemps, hein. Je crois que ces derniers temps, j’ai peut-être un peu trop pris ce blog et ce qu’il signifiait pour moi au sérieux. Juste un tout petit peu trop, quitte à perdre de vue que je l’avais au départ lancé pour me faire plaisir avant tout. Pour partager mes réflexions, mes sentiments – si, j’en ai – et mes impressions, mais aussi et quand même pour le fun. C’est important, le fun. Et j’aurais dire, j’aurais beau faire : il demeure que Jimmy « YOLO » Guieu, c’est un peu tout ça à la fois.
Je ne peux plus renier mon modeste héritage sur l’internet imaginaire francophone, à cet égard ; j’ai – à mon échelle – revitalisé la mémoire de cet énergumène si singulier, et je ne peux pas le nier. D’autant moins qu’en vrai, je pourrais faire genre autant que je veux, l’exercice de décortiquer les obsessions malsaines de ce vieux grigou demeure un plaisir unique pour moi, magnifié par les partages et les réactions qu’il suscite.
Alors je m’y suis remis, et je ne regrette pas un seul instant. Parce que comme je le dis à chaque fois, bien au delà du plaisir mesquin et évidemment condescendant de détruire méthodiquement les intrigues médiocres et les personnages abjectes de Jimmy Guieu, je trouve de réelles occasions de réfléchir à ce que j’aime dans la littérature de l’Imaginaire, en en voyant l’expression négative chez ce fumiste absolu. J’en ai fini par développer une réelle fascination, et une forme un peu perverse d’appréciation de sa prose singulière, un confort dans le malaise devenu si prévisible. Et puis, franchement, qu’est ce qu’on rigole.
Allez, je vais plonger un peu là-dedans, et je vais vous expliquer pourquoi ces légions de Bartzouk, malgré sa médiocrité absolue, était encore une fois très amusant et intéressant à étudier.

Pour le traditionnel Live-Tweet, c’est par ici que ça se passe. Attention, cette édition est particulièrement salée.

Eileena est une jeune colonie spatiale fondée par la compagnie d’import-export B & B, Co., y exploitant les ressources naturelles avec l’aide heureuse et appliquée de la population indigène locale. Tout s’y passe pour le mieux, jusqu’au jour où deux femmes indigènes sont enlevées par une race humanoïde ressemblant beaucoup aux humains, avant d’être restituées indemnes, mais sans souvenirs, deux jours plus tard. Les colons s’inquiètent et commencent à enquêter quand l’un des leurs est lui aussi enlevé puis rendu. Ils ne le savent pas encore mais c’est un terrible engrenage qui vient de s’enclencher.

Alors, j’avoue, je n’ai choisi ce texte qu’à cause de son nom et parce que la couverture délicieusement ringarde et sexiste promettait du grand Jimmy, sans savoir s’il allait encore une fois faire partie d’une série ou non. Dans un cas comme dans l’autre, il m’importait peu, puisque le talent si singulier du bonhomme m’assurait de toute façon d’être en terrain stable pour comprendre les enjeux qui allaient m’être présentés sans trop de problèmes. Mais le hasard fait plutôt bien les choses, puisque ce tome est donc le 17e et dernier de la série des Blade & Baker, une série que je connais déjà un peu, m’ayant effectivement offert avec Les Maîtres de la Galaxie quelques moments d’anthologie réactionnaires ; et nous y reviendront.
Mais donc : ce roman est probablement le pire que j’ai lu de Jimmy jusque là, puisque c’est probablement son plus feignant et son moins inspiré. Et ce n’est pas peu dire. À vrai dire, il a été très compliqué pour moi, voire impossible, de retranscrire efficacement l’absence totale d’enjeux et de tension dans ce roman durant mon Live-Tweet, comme il va être impossible d’en rendre compte dans cette chronique autrement qu’en vous demandant de me croire sur parole.
Parce que Jimmy Guieu, si je l’ai déjà lu être capable d’instiller du doute ou de la tension de façon ponctuelle, ne fait dans ce roman aucun effort pour nous montrer ou nous faire ressentir quoi que ce soit. Quand il pense qu’un sentiment devrait nous parvenir, il nous le donne, il ne le fait jamais exister : ses personnages expriment à haute voix ce sentiment, mais jamais les raisons pour lesquelles ils devraient les ressentir. Pas plus qu’ils ne semblent les ressentir, d’ailleurs. Ils vivent vaguement les événements, en sont majoritairement spectateurs, et ne sont proactifs que lorsqu’ils ont un coup d’avance sur l’intrigue, anticipant des retournements de situation dans le dos du lectorat. C’est prodigieux de flemme, à un point quasi artistique, tellement c’est systématique.

Et vous pourriez croire que j’exagère, mais je vous assure que non. Il faut le lire pour le croire, ce texte où chaque occasion de créer les conditions d’un doute, d’une tension, d’un semblant d’enjeu dans le récit, est automatiquement désamorcé par un retournement de situation absurde d’artificialité ou une remarque à connotation sexuelle, voire une scène de sexe. Ça ne s’arrête jamais, et c’est empiré par l’incapacité de Jimmy Guieu à mettre un minimum de conviction dans ses amorces d’idées. Une bonne moitié d’entre elles pourraient fonctionner, s’il prenait le temps, ou plus simplement s’il ne les empilait pas frénétiquement dans une ambition de complexité déjouée par ses délires puérils et/ou adolescents comme l’absolu manque de cohérence de tous les principes qu’il mobilise, amenant systématiquement à l’écroulement de son édifice narratif. Vraiment, il faut elle aussi la lire pour la croire, cette fuite en avant permanente d’un écrivain qui semble presque aux abois, pour trouver une suite à son point de départ renversé par un élément perturbateur qui a du style à ses yeux, lui même renversé par un autre retournement de situation, lui-même contredit pas une intervention extérieur, elle-même remise en question par un nouvel événement exogène, menant le tout vers une conclusion aussi bancale que précipitée, mais suffisamment ouverte pour permettre de continuer à pondre du signe et recevoir les chèques promis par les marques du XXe siècle insérées au forceps dans un récit censément situé au XXIVe.

Et puisqu’on parle de la fin, il faut en parler plus en profondeur. Alors là, on s’égare dans le domaine de l’hypothèse sans réel fondement ni recherches, mais j’aime bien ce petit jeu quand il ne prête pas vraiment à conséquences : je suis prêt à parier que ce dernier tome de Blade & Baker a été l’inspiration finale nécessaire à Jimmy Guieu pour préparer et enfin lancer sa série des Chevaliers de Lumière.
D’abord, on a le personnage d’Andy Sherwood, relatif petit nouveau dans la bande de Blade & Baker, insupportable gouailleur vulgaire et libidineux, passablement agressif et réactionnaire, que les efforts dans les dialogues de la part de son auteur – seul compliment que je lui accorderais dans ce volume – n’ont pas sauvé d’une immédiate et définitive antipathie. On trouve dans cet homme et ses saillies toutes les revendications droitières et conservatrices qu’on retrouvera plus tard chez Gilles Novak et ses compères, exprimant même à certains moments des vœux correspondant trop parfaitement aux exactions des autres héros de Guieu pour que j’accepte de croire à une simple coïncidence.
Ensuite, je reviens sur ce sentiment de flemme qui suinte de tous les pores du roman, commettant des remplissages obscènes à la moindre occasion, ne montrant pas le moindre effort pour simplement croire à sa trame, retombant encore et encore dans les mêmes tropes Guieusiens avec la régularité d’un métronome résigné. Les personnages sont quasi inexistants, et même Blade, normalement un parangon de virilité et d’efficacité, est ici réduit à un ou deux coups d’éclat bien timides, mis en retrait complet, là où je le sais être normalement le moteur de l’action et proactif. Les personnages voient des choses arriver et en discutent pour notre bénéfice, mais n’agissent pas ou presque ; ils ne servent à rien. Tout simplement parce que Jimmy ne leur voyait plus d’utilité, parce qu’il ne pouvait plus les exploiter pour ce qu’il voulait leur faire dire, en dehors des quelques rappels à sa réalité du XXe siècle où le texte prend vraiment vie.
Et enfin, surtout : la chute de ce récit correspond presque parfaitement au point de départ des Chevaliers de Lumière, simplement dans un contexte à peine différent du point de vue de l’auteur, bien que tout aussi évocateur. Et compte tenu du fait que cet auteur soit un des plus politiquement et intimement transparents que j’ai jamais lu, je ne peux pas y voir un hasard. Je ne peux pas m’empêcher de voir dans le récit de ces hommes qui se pensaient puissants dans un monde qu’ils pensaient contrôler, forcés d’être spectateurs de luttes qui les dépassent et dans lesquelles ils n’ont qu’une prise dérisoire, prêts à en appeler à des force supérieurs pour leur redonner ce contrôle, une métaphore de la lutte que voulait mener Jimmy Guieu au travers de ses livres. Ça me paraît trop parfait pour ne pas y croire, au moins un petit peu. Et oui, je note l’ironie de m’exprimer ainsi en parlant d’un complotiste notoire parmi les plus forcenés et illuminés que j’ai pu lire. Mais ça aussi c’est un peu rigolo.

Et c’est ça le truc, avec Jimmy Guieu, à force : il y a une vision politique cohérente, dans ses bouquins. Il y a de vrais liens à tirer entre tous ses romans, les pires comme les moins mauvais, de vraies analyses à extirper de la fange. En dépit de leur non-sens artistique et littéraire quasiment total, tous ses romans sont habités par les mêmes obsessions et la même force de conviction. Et alors oui, c’est toujours raciste, sexiste, réactionnaire, vieux jeu, ringard, affreusement daté, cynique, colonialiste, paternaliste : une infinité de défauts et de choses qui dans n’importe quel autre bouquin me feraient renoncer sans regrets. Mais en dépit de tout ça, et en complément du plaisir du partage et des références communes propres aux nanars littéraires qu’ils constituent et de ma démarche un peu bizarre des Live-Tweets, je dois admettre que je trouve aussi leur honnêteté et leur candeur terriblement rafraîchissante. Ce mec ne faisait absolument pas semblant. À aucun égard. Il était un mauvais, très mauvais auteur, mais il était un auteur quand même, fut-ce à son corps défendant ; puisque je considère toujours qu’il était d’abord un ufologue qui cherchait le meilleur moyen de convaincre les gens.
Et je crois sincèrement que d’accepter tout le plaisir qu’il m’apporte, que ce soit sur Twitter ou ici, à la fois aux moments de mes lectures incrédules en dépit de l’habitude, comme lors de l’écriture de ces chroniques.
Oui, ce roman était abject à tous les niveaux, mais qu’est ce que j’ai aimé le lire, en sachant pertinemment à quoi m’attendre : il m’a rappelé à un moment important que notre relation à la littérature comme au monde, elle est forcément compliquée, et qu’elle nous appartient d’abord à nous.
Alors je vais continuer à lire du Jimmy « YOLO » Guieu, même si c’est très mauvais. Parce que ça m’amuse, et que ça amuse d’autres gens que moi. On a besoin de pouvoir s’amuser à peu de frais, je pense, surtout en ce moment.
Je considère donc que rendez-vous est pris.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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