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Fournaise, Livia Llewellyn

Holy Water – Freya Ridings (extrait de l’album Freya Ridings)

Tenter des trucs. Toujours tenter des trucs. Je crois que je n’ai plus vraiment quoi que ce soit à y perdre, et tout à y gagner, sincèrement. Alors oui, je pourrais avoir des abandons ponctuels, des déceptions autant que des coups de cœur ou simplement des lectures ok-sans-plus ; mais dans très peu de cas – voire aucun – je ne pourrais plus mettre un terme à une lecture en me disant que j’y ai perdu mon temps. Sans me vanter, sincèrement, j’en suis arrive à ce stade de paix avec moi-même et la volatilité de mes goûts que j’ai toujours le sentiment de pouvoir retirer quelque chose de mes lectures, fussent-elles à mon goût ou non, au delà des chroniques que j’ai l’outrecuidance de vous livrer à chaque fois. Et de fait, cette régulière sérénité finale se transfère aux commencements d’autres ouvrages. Si je crains quand même certaines lectures à cause de leurs réputations ou des attentes que je peux placer dedans en raison de tout plein de choses différentes, j’ai presque définitivement perdu l’angoisse d’arriver à l’autre bout sans rien à dire.
Ce qui nous amène à la lecture du jour, un de mes petits achats d’impulsion effectués aux Utopiales de cette année. J’avais Fournaise dans ma wish-list, fut un temps, sur le conseil de quelqu’un de goût et de relative confiance – nos goûts ne sont pas toujours en parfaite adéquation, mais on s’en sort – pour que je l’en retire quelques temps plus tard, sans doute rendu frileux pas certains éléments du recueil dévoilés ensuite au hasard d’une conversation qui n’avait peut-être rien à voir avec le conseil initial. Mais en retombant dessus il y a quelques jours, j’avoue que la maquette et la couverture m’ont séduit instantanément. Sans compter la présence non loin de Bienvenue à Sturkeyville, me rappelant des souvenirs qui avec le temps sont devenus assez souriants pour fournir un argument supplémentaire. « Oh et puis merde, je suis là pour ça après tout », me suis-je exclamé en mon for intérieur, et j’en ai embarqué quelques uns en me disant que je n’avais rien à perdre.
Voilà pour l’intro : j’y suis allé un peu au culot, sans conviction débordante mais la fleur au fusil, histoire de voir. Et j’ai vu.
Le bilan final est, comme régulièrement avec moi, pas forcément convaincu – voire franchement pas, honnêtement – mais quand même assez satisfait. Et je m’en vais vous expliquer ça.

Disons qu’on ne se refait pas. Mon sentiment à propos de Fournaise est assez aisément divisible en deux parties : d’un côté, les nouvelles que j’ai comprises, et de l’autre, celles que je n’ai pas comprises. Et en lien direct avec cette binarité, on peut en établir une autre qui s’y superpose de façon quasi-identique : ce que j’ai aimé et ce que je n’ai pas aimé ; quoique sur cette division précise, on parlera plus volontiers d’un gradient un peu lâche que d’un strict et absolu découpage. De façon assez amusante pour moi qui aime bien parfois voir des sortes de signes ou une certaine continuité dans mes lectures, plutôt que de simples coïncidences, je suis obligé de repenser à une partie des choses que j’ai pu dire à propos de La Jeune détective et autres histoires étranges de Kelly Link il y a peu de temps.
Dans ce Fournaise, il y a de l’expérimentation, conceptuelle comme stylistique. Ça ose des trucs, et pas qu’un peu. Et le truc, avec l’audace, c’est bien que ça se dose pour fonctionner à plein ; surtout en littérature. Donc, pour le dire clairement, les textes de ce recueil, pour un lecteur comme moi, ils passent ou ils cassent, et ils sont bien peu nombreux ceux qui restent entre les deux. J’ai souri de satisfaction ou soupiré de lassitude, mais je n’ai dû trouver un entre-deux qu’à de rares occasions ; ces occasions étant d’ailleurs systématiquement des occurrences de nouvelles partant extrêmement bien pour opérer au dernier moment un virage complètement inattendu, en tout cas trop pour me permettre d’éviter le dérapage dans le décor faute d’adhérence suffisante.

J’avais effectivement un peu trop souvent le sentiment d’être un passager inopportun dans un véhicule conduit par quelqu’un d’autre, d’être toléré plus que bienvenu. Et puisque j’en suis à citer des lectures passées, à cet égard, autant citer Les quatre vents du désir d’Ursula Le Guin qui m’avait causé un ressenti très similaire en son temps : cette impression assez malaisante de lire des textes remplis d’idées et de potentiels, mais jamais réellement affinés ou travaillés pour permettre à un·e lecteurice ne détenant pas suffisamment de clés symboliques ou culturelles pour pouvoir y rentrer complètement sans assistance extérieure. Et bon sang que c’est frustrant, de ne pas pouvoir se détacher assez régulièrement de cette impuissance littéraire, à devoir lire un texte dérouler ses phrases sans jamais parvenir à en saisir le sens global, comprendre qu’une histoire se passe effectivement sous nos yeux, mais sans pouvoir en tirer le moindre sens palpable. D’autant plus frustrant que par le truchement du style et du clair effort créatif déployé par Livia Llewellyn, on sent régulièrement qu’elle y prend du plaisir, mais avec l’impression terrible qu’elle ne s’intéresse pas à l’idée de nous inclure dans son processus, j’oserais presque dire égoïstement. C’est affreux.

Alors bon, évidemment, je ne peux pas non plus dire que ça du recueil, surtout que j’y ai trouvé des trucs supers, et que je suis allé au bout avec toujours l’espoir de retrouver la lueur enthousiaste qui m’a régulièrement illuminé au cours de ma découverte. Certes, je dois bien dire que l’usage du sexe par l’autrice n’est pas celui que je préfère, confinant ponctuellement avec le grossier ou le vulgaire sans forcément apporter grand chose à des textes faisant par ailleurs preuve d’un travail atmosphérique de haute volée, les gâchant presque à mon œil un peu prude sur ces questions, mais heureusement de façon fugace à chaque fois. Mais pour autant, je dois aussi reconnaître que ce même usage est régulièrement fort pertinent, notamment dans ma nouvelle favorite du recueil, Dernier été dans la pureté et la lumière, usant là de ce sujet avec une frontalité assez brillante, dénotant au passage, je crois, de la forte réflexion de l’autrice autour des questions satellitaires au sujet, déteignant indirectement sur moi, provoquant mes propres réflexions, y compris à l’aune de mes lectures passées au sein du roman. Et ça c’est pas banal, donc ç’a le mérite d’être signalé aussi, il me semble.

C’est compliqué à chroniquer, un objet pareil. Très compliqué, même. Parce que je me refuse évidemment à spoiler des nouvelles, me refusant par là même à forcement dévoiler des éléments d’intrigue, de découverte et donc potentiellement gâcher ce qui fait la relation entre une œuvre et cielles qui le lisent. Et donc, de fait, au delà de certains éléments généraux, il m’est assez ardu de verbaliser trop précisément mon ressenti sans aller trop loin dans le dévoilement des composantes de ce dernier et des nouvelles. Si je n’ai vraiment trouvé mon compte que dans un gros tiers du recueil, complètement perdu ou repoussé par le reste, je sais pertinemment que d’autres que moi y trouveront très largement leur compte. Et je crois sincèrement que ce compte se trouve aussi énormément par l’effet de surprise, qu’il fut stylistique, narratif ou conceptuel. Des symboles et des idées m’ont échappées ; d’autres me sont parvenues, c’est comme ça.
Il n’empêche qu’il y a beaucoup de travail derrière tout ça, et que ça se ressent. Et c’est déjà pas mal. Est-ce que je rechercherai activement à relire Livia Llewellyn à l’avenir, je n’en suis pas convaincu ; est-ce que je tenterais le coup si on me refait l’article à son sujet : c’est fort possible. Là aussi, c’est déjà pas mal.
Pas franchement convaincu, mais tout de même satisfait. On s’en sort vachement bien, je trouve.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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