
The End Is Not The Answer – Three Days Grace (extrait de l’album Human)
Au bout d’un moment, je vais juste renoncer à essayer de faire des introductions un minimum chiadées pour parler de Rozenn Illiano. Et peut-être même bien que je vais commencer dès maintenant. Parce que bon, hein. C’est pas que c’est la seizième chronique que je commence à écrire ici à propos de son travail, mais en fait si. C’est ce niveau d’obsession littéraire. Ça va pas du tout, c’t’histoire.
Bref. C’est le T2 du Temps des Cendres, dont j’ai commencé à parler – avec enthousiasme – il y a un peu moins d’un an avec son premier tome. Toujours le même projet ambitieux de réécriture, mais avec un cette fois ci un niveau plus élevé de redécouverte pour moi, je l’admets. Peut-être est-ce le cours naturel des choses lié au temps passé ou une sorte d’accord tacite entre moi-même et ma mémoire pour amplifier mon plaisir, mais toujours est il que depuis la première première fois, je dois admettre avoir oublié pas mal d’éléments narratifs du matériau d’origine.
Et c’est une excellente chose : absolument pas perturbé par d’éventuels flash-backs ou flashs mémoriels intempestifs, j’ai pu profiter de ce Tueurs d’Anges avec ce qui ressemble à s’y méprendre à un esprit vierge.
Personne ne sera surpris : j’ai trouvé ça vachement bien.
Bon après, vous vous doutez bien qu’au bout de plus d’une dizaine de lectures, il y a comme un biais qui s’installe, hein ; je suis masochiste quant à certaines de mes lectures, mais il me reste quand même un peu d’instinct de conservation : je circonscris. Toujours est il que vous le savez maintenant, lire du Rozenn Illiano pour moi, c’est rentrer à la maison. Il y a comme une sensation de pieds froids dans une grosse paire de pantoufles molletonnées lorsque ma lecture d’un de ses ouvrages commence. Bon, en l’occurrence, des pantoufles en peau de fantômes fourrées aux cendres de l’apocalypse, mais quand même super confortables, faites moi confiance ; même quand le sujet et l’ambiance sont lourd·e·s, mon autrice de cœur sait y faire pour me donner la sensation d’une familiarité réconfortante. J’oserais presque dire que c’est d’autant plus réconfortant, paradoxalement, qu’on retrouve dans les thèmes convoqués ici un écho absolument pas hasardeux à notre actualité ; l’apocalypse annoncée à laquelle sont confrontés nos personnages, symboliquement, je m’y suis retrouvé plus d’une fois. Pour le plus évident pire comme pour le plus réjouissant meilleur : un rappel absolument inévitable à Sinteval s’impose ici, parce que mes sentiments sont basiquement les mêmes d’un roman à l’autre.
En vrai, je pourrais m’arrêter là dans ma recension que ce ne serait pas malhonnête, en dehors peut-être de l’idée implicite que puisque mes sentiments sont les mêmes, alors ces romans sont les mêmes ; ce n’est bien entendu pas le cas. C’est juste que les circonstances ayant beau être rigoureusement les mêmes, les personnages ne le sont absolument pas, ce qui, littérairement, change absolument tout. Et c’est ça qu’est beau et bien, dans la démarche de Rozenn Illiano : la forme accompagne impeccablement le fonds, toujours. À chaque nouvelle itération au sein de son Oniroverse, on découvre de nouveaux points de vue sur des questions qu’on pensait résolues par ailleurs, ou, dans le cas où on aurait la chance de complètement découvrir son travail, on découvre lesdites questions en se demandant bien ce que ça peut cacher. Et si ce n’était que le plaisir purement conceptuel, ce serait déjà formidable, bien sûr, mais non, ça va plus loin que ça ! Parce qu’avec chaque perspective sur ce monde littéraire s’ajoute le plaisir des personnages qui l’incarnent à chaque fois, avec toujours autant de souffle que d’habitude, créant des dynamiques humaines d’une pureté sublime, venant enrichir le très riche tissu de world-building déjà établi par ailleurs.
Et c’est là que je vais essayer de ne pas juste répéter ce que je dis à chaque fois : Rozenn Illiano elle fait des romans supers, avec tout pleins de bonnes idées et des personnages super touchants qui parlent et agissent d’une façon hyper organiques, c’est trop bien. Parce que c’est certes vrai, mais au bout d’un moment, ça me gonfle de l’écrire autant que ça peut vous gonfler de le lire chronique après chronique. D’une parce que c’est redondant, mais aussi et surtout parce que ce ne serait pas rendre justice au talent et au travail de cette autrice exceptionnelle de ne parler que de ça. C’est effectivement ce qui me frappe à l’identique à chaque fois parce que je pense que c’est sa qualité majeure, et que c’est l’aspect qui m’accroche le plus personnellement, mais ce n’est certes pas le seul aspect important de son travail.
Ici, l’énorme valeur ajoutée de cette réécriture de Town, qui me fait valider la démarche avec force et enthousiasme, c’est bien la qualité d’atmosphère et de world-building. Dans une histoire apocalyptique comme celle-là, il est assez facile, je pense, de passer sur les éléments de logistique et de survie ; comme le thème est généralement admis et connu de tou·te·s, on peut se contenter du minimum absolu. Limite, ne pas en parler peut le faire, pour peu qu’on remplisse le vide avec d’autres priorités au sein de l’histoire, ce n’est même pas malhonnête ; on veut les aventures, les perspectives, pas les 3 mois d’essais et d’échecs à planter des radis ou les pouces rougis par les coups de marteaux malencontreux lors de la construction de cabanes de fortunes. La bouffe et les refuges sont un acquis, dans ce genre de récit, et c’est très bien pour tout le monde, on en parle juste en passant de temps en temps histoire de dire que c’est évoqué, et même les plus pinailleurs seront ok pour dire que ça suffit.
Bon. Eh bah Rozenn Illiano, elle a beau, je pense, être d’accord avec ce constat, elle a quand même décidé que la survie faisait entièrement partie de son histoire. Et merde, ça marche. J’aurais été le premier à parier qu’une trop grosse partie du récit consacrée à ces questions purement logistiques aurait été lourde à écrire et à lire, une sorte de continuel info-dump logique venant embourber un récit ésotérique bien plus intéressant et devant de fait prendre la part du lion dans ce gros gâteau de papier. Et non. Comme à chaque fois, cette autrice singulière a réussi, je trouve, à localiser un point d’équilibre assez impeccable pour intégrer cet aspect du cataclysme à son récit, y apportant une part non négligeable de solidité concrète, tout en parvenant à y lier ses traditionnelles dynamiques interpersonnelles, à insuffler quelque chose de très réel dans une histoire complètement imaginaire. Et non seulement ça marche mais en plus, je crois que ça rajoute encore de la profondeur à l’ensemble, avec une sorte d’effet de synergie, les aspects les plus techniques nourrissant ceux plus émotionnels, et inversement.
C’est là que je comprends (encore) mieux la démarche de cette réécriture : on sent dans cette approche quasi complétionniste la maturité qui effectivement manquait à la forme initiale de cette tétralogie devenue trilogie, bien plus dense et réfléchie ; Rozenne Illiano a depuis trouvé les mots et la manière de les articuler pour faire exprimer tout ce qu’elle voulait à son récit premier. Là où la dualité et même la gémellité avaient une place centrale pour ne pas dire unique au sein de son travail, on perçoit désormais une focale plus large, où des formes de solidarité et d’inclusion bien plus généreuses trouvent un espace pour s’exprimer aux côtés des thèmes favoris initiaux de l’autrice. D’une certaine manière, en dépit d’un récit bien plus dense et lourd, thématiquement comme narrativement, on sent que l’histoire qui nous est narrée respire beaucoup mieux. Même si on peut encore ressentir quelques menues longueurs et rigidités dans le roman, l’ensemble est tellement limpide dans ses implications et symboliques que ça passe encore mieux qu’avant. Et si on n’a absolument aucune idée de ce que c’était au départ, qu’on le prend comme ça vient, sans aucune idée de ce que ça va donner au final, je pense que c’est d’autant plus excellent.
Pour tout dire, plus vraiment sûr de ce dont je me souviens ou non, et sans aucune envie d’aller chercher la moindre confirmation, j’ai simplement hâte de découvrir la fin de cette trilogie. Parce que c’est simplement trop bon pour moi. Des romans chorales avec une approche si organique, si humaine, avec ce que ça comprend d’errements, d’erreurs de jugement, d’injustices et de bons sentiments pour compenser, au sein d’un univers si riche et si bien construit ne me demandant à chaque fois qu’à aller plus loin en sa compagnie, il n’y en a pas des masses qui me parlent autant. Tout comme ils sont rares, ces romans qui parviennent à créer de petites bulles de sérénité au sein du chaos, quand bien même ils parlent si frontalement de ce même chaos. C’est pas rien, ça. C’est pas rien du tout. C’est même extrêmement précieux, de pouvoir tenir compagnie à des personnes de papier qui n’existent pas mais qui existent au point de s’en sentir proche et de partager certaines de leurs émotions en ayant le sentiment de pouvoir complètement comprendre ce qu’ils traversent, en dépit de l’altérité totale de leur situation par rapport à la nôtre.
Bref bref bref, comme d’habitude et sans aucune forme de surprise, ça tape juste et ça fait du bien par où ça passe.
Merci Rozenn Illiano. À la prochaine, sans faute.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

j’en suis a la moitié ! Tres content de retrouver Elias avec un rôle si central. Et quelle ambiance !
je crois bien que la trilogie est redevenue tétralogie, d’après les dernieres newletters/instagrammeries
J’aimeAimé par 1 personne
MDR.
En même temps, vu l’épaisseur que le bouzin a pris, c’est presque pas étonnant. Moi ça me fait plus de Rozenn, I’m a happy guy.
J’aimeJ’aime