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Ni d’Ève ni des dents – Episode 11

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Jour 55 – 27 Mai
9h30

Eric a commencé à basculer à l’aube.
Je n’avais pas pu me résoudre à lire son journal ni à en entamer une suite jusqu’à aujourd’hui, et je le regrette. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point tout ce que nous avions vécu ensemble, et plus particulièrement tous les deux, avait pu le marquer. Lui qui était si taciturne cachait une vie intérieure que je n’aurais su soupçonner. Ces trois semaines où nous avons été contraints de le mettre à l’isolement ont été très longues. Et alors qu’au fil des jours nos interactions devenaient de plus en plus sporadiques et honteuses, nous sentions tous que le moment finirait inévitablement par arriver.
Nous ne pouvons pas encore déterminer exactement de quel type d’infection il souffre, même si j’espère vraiment qu’il sera un Cérébral, ce qui suggérerait peut être à terme la possibilité d’échanger avec lui, mais surtout qu’il ne se fera aucun mal et qu’il saura se montrer raisonnable. Le basculement semble être un processus long et particulièrement douloureux, à tel point que Carl l’a entendu hurler deux étages en dessous de lui ; selon lui un mélange de rage et de souffrance sans bornes ni retenue. Comme une décompensation soudaine et explosive. Je n’ai pas encore osé aller voir de quoi il en retournait, je crois que je ne pourrais pas supporter de le voir dans cet état, pas tant que je n’ai pas une bonne idée de ce à quoi je dois m’attendre. Pour le moment, je me contente de faire confiance aux autres pour me dire de quoi il retourne.
Pour le reste, il me semble que si je dois reprendre le travail d’Eric, il me faut faire un bilan de ce qui s’est passé pendant tout le temps où je n’ai pas tenu ma promesse.
Nous sommes toujours installés dans le même immeuble, par nécessité, même si nous sommes d’accord pour dire que notre présence ici sur le long terme ne dépend désormais plus que du sort d’Eric. Si nous sommes convaincus que nous ne pouvons plus rien pour lui ou qu’il ne peut plus rien nous apprendre sur les infectés, nous partirons. A regret, mais nous le devrons. Nous nous sommes rendu compte avec trop de retard que notre position était trop centrale dans la ville, et que nous manquons d’options pour nous enfuir si le besoin s’en faisait sentir. Ajoutons à cela la nécessité quotidienne de pillages au milieu des Infectés, et nous voilà finalement réduits à convertir l’âge des chasseurs-cueilleurs en celui des coureurs-pilleurs. Infectés d’ailleurs, dont le nombre ne semble pas vouloir diminuer, malgré les nombreux cadavres que nous croisons régulièrement, victimes de la faim, de la soif ou de leurs congénères. Autant d’instants aussi terribles qu’attendus auxquels je suis horrifiée de dire que nous nous sommes habitués. Petit à petit, bien que nos instincts nous poussent à la survie, nous devenons malgré nous des Effacés, perdant peu à peu pied dans la réalité et dans nos besoins.
Nous nous surprenons régulièrement à devoir nous réveiller les uns les autres de rêves éveillés, nos yeux perdus dans le vide, aux moments même où nous devrions au contraire être sur le qui-vive. Et puisque je m’apprête à vous parler de Daphné dans ce cas précis, il me faut sans doute vous présenter les trois compagnons d’infortune qui nous ont rejoint avant que je ne récupère le carnet d’Eric, dont il a tout juste fait mention, en toute logique, puisqu’il ne les a pas rencontrés. J’en profite aussi pour vous prévenir, je ne m’embarrasserais pas des mêmes pincettes que mon prédécesseur, même si je lui suis reconnaissante de mon portrait flatteur, en dépit des circonstances peu arrangeantes. Je ne crois juste pas autant que lui dans les vertus de la diplomatie en temps de crise, plutôt dans celles de la franchise et de l’honnêteté directes, quitte à devoir aller un peu à la confrontation. Les non-dits sont les larves de la discordes, une bonne engueulade a toujours le mérite de remettre les pendules à l’heure. Qui plus est, je compte bien conserver un secret total autour de l’existence de ce journal. Ce sera entre Eric et moi, il est hors de question que je trahisse sa confiance.

Nous ont rejoint Charles-Henri, Rebecca et Daphné. Respectivement père, mère et adolescente. Les parents étaient propriétaires du magasin bio cité par Eric, dans lequel ils ont trouvé refuge après s’être réveillés en plein milieu de la ville fantôme post-évacuation. Incapables de joindre l’extérieur, et abrutis par la panique, ils se sont cachés dans leur réserve en attendant des jours meilleurs. Grand bien leur en a pris, puisque une fois leurs réserves épuisées, ils ont du se décider à sortir, cette fois-ci dans la version envahie de la ville. Une fois de plus, nous nous retrouvons à nous interroger sur la méthodologie employée au moment de l’Évacuation par les autorités compétentes. Nous ne pouvons nier son efficacité, mais certains trous et manquements commencent à devenir presque suspects. Et nous sommes finalement assez nombreux à être passés entre les mailles du filet.
À ce propos, nous n’avons toujours pas réussi à joindre les autorités, bien que nous ayons fini par mettre la main sur le matériel nécessaire. Nous ne savons pas si c’est parce que le signal de nos talkies-walkies manque de portée, si nous ne nous en servons pas correctement ou si le gouvernement se contente de faire la sourde oreille à nos appels. Dans tous les cas, il va sans doute nous falloir trouver une autre solution pour parvenir à les contacter, d’autant qu’après avoir aperçu un Cérébral au volant d’une voiture, nous nous sommes tou.te.s rangé.e.s à l’avis d’Eric, il est bien trop risqué d’essayer d’approcher le probable cordon sanitaire sans avoir prévenu de notre arrivée.
Notre plan depuis maintenant 15 jours est donc de nous installer plus durablement dans cet immeuble en attendant de voir l’évolution de l’état de santé d’Eric, ce qui nous permettra peut être de mieux gérer les infectés à l’avenir. Nous n’avons pas encore décidé de comment nous allons faire et de qui va s’en charger. Nous verrons cela ce soir, nous avons institué un temps de discussion obligatoire pour toujours faire le point au jour le jour et pouvoir garder un œil les uns sur les autres, pas tant par méfiance que par pure précaution. Et maintenant que l’immeuble en lui même est organisé assez idéalement pour y accueillir nos trois « foyers », avec 3 étages sur les 8 occupés seulement, sans compter l’étage comptant la salle d’Eric, notre priorité est de pérenniser nos réserves et de sécuriser notre voisinage immédiat.
Nos journées sont partagées entre la planification des corvées à venir et l’exécution desdites corvées. Personne n’a de spécialité ou de domaine de compétence précis, nous avons toujours du mal à nous projeter réellement dans la situation actuelle, ce qui nous amène un peu trop à traiter les problèmes tels qu’ils se posent, au fur et à mesure qu’ils surviennent. Il serait peut être d’ailleurs temps que j’aille m’intéresser au programme de la journée.
Je comprends mieux Eric. Ce journal est un exercice intéressant, il me permet de réfléchir à tous ces sujets en même temps que je les aborde. Nul doute que je prendrais plus de temps dans les jours prochains, j’en profiterai justement pour théoriser sur certains de nos soucis les plus urgents, peut être que des idées surgiront.

19h25

Nous avons décidé à l’unanimité que nous prendrions des roulements pour nous occuper d’Eric, afin de multiplier les points de vue sur son état de santé et ne pas trop nous imposer sa vue et son inévitable difficulté psychologique. À raison de trois visites par jour, avec un stock de nourriture et d’eau dédié. Nous avons même préparé un cahier et un stylo pour noter nos observations, accrochés à côté de la mezzanine installée devant la vitre au dessus de sa porte, accessible via une petite échelle que Fred a assemblées à partir de matériaux récupérés un peu partout. Avoir quelqu’un aussi bricoleur et doué de ses mains est un vrai avantage pour nous, il nous a permis de construire un bon nombre d’aménagements et équipements très pratiques pour nous défendre des infectés les plus agressifs.
J’allais écrire encore quelques petites choses, mais il me semble avoir entendu des bruits qui ressemblent à ceux que produiraient des avions.
Je vous livre ça au fur et à mesure que ça arrive. Je suis face à la fenêtre, orientée à l’est. Oui, ce sont des avions. Ils volent bas. J’en vois trois.
Et, je ne pensais pas le dire si tôt, mais la situation vient d’empirer.
Nous sommes attaqués. Je crois qu’ils viennent nous bombarder.

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