search instagram arrow-down

Si vous ne me suivez pas sur Twitter, où je suis le plus actif, mais que vous voulez être prévenu.e par mail à chaque article. ;)

Rejoignez les 100 autres abonnés

Mes réseaux

Infos Utiles

Archives

Port d’Âmes, Lionel Davoust

Pool – Paramore (extrait de l’album After Laughter)

Il était plus que temps que je l’écrive celle ci. J’ai eu l’occasion très tôt d’écrire sur ce blog (ici) à quel point j’entretiens une relation spéciale avec Lionel Davoust ; en tant qu’auteur d’abord, mais aussi maintenant en tant qu’être humain, par la magie des réseaux sociaux et des petites surprises magiques que la vie sait nous réserver parfois, et qui finalement ne sont pas si petites que ça. Et si à terme je me promets de chroniquer tout ce qui tient de l’univers d’Evanégyre, tout comme je me suis promis de rien en rater en terme de lecture, il me faut bien commencer par l’ouvrage qui m’a donné cette fièvre qui depuis ne m’a jamais quittée. Comme pour beaucoup de belles rencontres littéraires dans ma vie, ça a commencé lors d’un Mercredi de l’Imaginaire Rennais, chez mes amis de chez CRITIC. Lionel Davoust était venu y présenter le premier tome de son projet de trilogie (à l’époque *wink wink*) des Dieux Sauvages. Je fus conquis à la fois par le projet et l’homme, et sans aller plus loin dans un éloge qui pourrait sembler verser dans la flagornerie, il suffira de dire que j’acquis Port d’Âmes sans hésitation, tout comme La Messagère du Ciel. Deux ouvrages que je dévorai je crois en l’espace d’une semaine, cherchant ensuite à tout lire de ce qui était disponible, en me ménageant simplement quelques temps d’attente histoire d’être raisonnable.
Et donc, l’idée, aujourd’hui, c’est de raconter pourquoi et comment, à travers Port d’Âmes, j’ai trouvé l’un des auteurs qui tient désormais une des places de choix au sein de mon panthéon personnel, avec tous les superlatifs et biais personnels que cela peut suggérer. Parce que quand on aime, il n’y aucune raison de se retenir de dire les choses qui font du bien à entendre autant qu’à exprimer. Et que j’ai envie de vous raconter pourquoi maintenant, à chaque fois que j’entends Pool, la chanson en exergue de cette chronique, je souris autant du souvenir de ce roman que du fait que je ne pourrais jamais entendre cette chanson sans précisément penser à ce roman, et aussi à la magnifique couverture d’Alain Brion pour la version FolioSF.

Dans la vaste chronologie de l’univers d’Evanégyre, Port d’Âmes se situe plutôt dans un horizon futur par rapport à son pivot central, l’Empire, qui malgré tout, conserve encore certaines marques et une partie de son héritage, bien après sa chute.
Nous suivons Rhuys ap Kaledan, alors qu’il arrive dans la ville-franche d’Aniagrad, tout juste libéré d’une jeunesse entièrement vécue en esclavage, pour payer les dettes contractées par son père, noble déchu, lorsqu’il était enfant, depuis l’autre côté de la mer. Il débarque avec rien d’autre pour lui même que des rêves et quelques objets dont il a hérité et qu’il a pu conserver, qui pourront peut être lui permettre de se forger un nouveau destin, en dehors de sa noblesse et de sa richesse perdues.

Ce à quoi nous avons affaire est donc clairement un roman d’initiation, mais dans le contexte si particulier d’Evanégyre, quoique ici mâtiné d’un très long temps le séparant des autres histoires que Lionel Davoust a pu ou pourra vous conter selon votre point d’entrée dans son oeuvre. Le point de vue est donc celui de Rhuys, jeune homme aux idéaux brisés mais à l’espoir chevillé au corps, oscillant entre combativité et renoncements. Il est la force principale du roman, forcément, par le souffle que l’auteur lui insuffle et qui constitue à jamais pour moi sa marque de fabrique. Au sein de la quête d’identité autant que de gloire ou de statut du jeune ap Kaledan se glissent erreurs de jugement, brillantes idées, décisions discutables et élans de courage et de droiture, dressant le long portrait d’un homme en devenir qui doit se construire en dehors de tous les repères qui ont pu être les siens. Il est un étranger complet, dans une société et un monde qui ne sont pas les siens, dont il doit tout apprendre, comme s’il venait de naître, à ses vingt-deux ans.

L’occasion de découvrir la ville-monde d’Aniagrad à travers ses yeux, avec son fonctionnement si particulier, ses us et coutumes uniques et des personnages secondaires savoureux et captivants, cultivant le mystère comme la rouerie avec la même habileté, avec leur propre souffle, toujours le même, faisant vivre cette histoire au fil des lignes. Lionel Davoust y déploie grand nombre de concepts, certains propres à cette histoire en particulier, mais aussi d’autres qu’il explore différemment dans l’ensemble des romans et nouvelles participant de la construction d’Evanégyre. Celui qui m’a le plus séduit, autant dans l’idée en elle même que dans son développement, notamment par le truchement d’une jeune femme passionnante et captivante, est celui de la litane, une sorte de narguilé qui permet de transférer des souvenirs d’une personne à une autre, tout à la fois pour s’en débarrasser que pour les vivre à nouveau, ou pour la première fois, d’une façon intense et mutuellement intime. Je n’élaborerai pas plus pour éviter d’en dire trop, mais ce concept est central à une bonne partie de l’intrigue et la fait avancer d’une façon unique et très touchante.

Et c’est bien là que mon coup de cœur absolu s’exprime. Quelle humanité, quelle délicatesse au fil des lignes. Sans faire fi des cruautés que la vie sait parfois nous réserver, ni des médiocrités humaines, Lionel Davoust met tout son talent au service d’une superbe histoire qui sait prendre son temps lorsqu’elle le doit, pour nous faire vivre un récit captivant de bout en bout, nous attachant à la destinée particulière d’un être humain à la fois banal et exceptionnel, comme nous le sommes tous et toutes à différents moments de notre vie, selon la façon que nous pouvons avoir de nous regarder, dans un miroir ou à travers les yeux des autres. Et si je suis bien conscient, depuis le temps que je tente de partager mon amour profond pour ce roman comme pour l’univers de Lionel Davoust, que le style comme le rythme peuvent ne pas séduire tout le monde, je ne démordrais jamais de ce sentiment tenace qui me lie à eux. J’y trouve cette qualité rare que je tente de trouver et de louer autant que possible dans tout ce que je lis, cette transcendance sacrée, ce supplément d’âme qui va au delà de cette obsolète question du genre, ce pas de côté, cette innovation, que sais-je, ce petit truc en plus qui parfois nous touche au cœur et nous change à jamais, aussi imperceptiblement que cela puisse sembler.
Je n’ai jamais vraiment développé ici cette obsession qui est la mienne de ne pas pouvoir lire sans musique dans mes oreilles, même si je sais pertinemment qu’elle ne m’est pas exclusive ; probablement parce que cela ne nécessite pas vraiment d’explication. Mais toujours est il que lorsque je découvrais ce roman, je découvrais en même temps l’album After Laughter du groupe Paramore. Et encore aujourd’hui, le son si particulier de la chanson Pool reste irrémédiablement associé à la litane. Lorsque je fume le narguilé ou que j’entends cette chanson, pas une fois sans que ce roman et certains de ses plus beaux moments de me reviennent en mémoire, et avec eux, le même sourire teinté de mélancolie qui me font me rappeler à quel point cette oeuvre est une merveille unique en son genre.

Pour conclure, il me faut – sans spoil – évoquer tout de même la conclusion, précisément, du roman, qui encapsule tout ce que j’ai pu aimer de ce roman, dont jusqu’à aujourd’hui, je me dis encore qu’aucun roman n’a su le faire avec autant de maestria. Je n’ai jamais lu, de ma vie, aucune autre fin dont j’ai pu me dire qu’elle était aussi parfaite, autant dans sa capacité à clore une histoire aussi définitivement, sans aucun regret mais pour autant avec un tel sentiment de mélancolie, teinté de satisfaction. Un mélange hallucinant de nostalgie et d’espoir, un tourbillon de sentiments mêlés, qu’encore une fois, j’insiste, je n’ai jamais croisé ailleurs, à moins d’une extraordinaire faillite de ma mémoire.
Tout cela sans compter l’extrême plaisir de voir surgir dans le reste de l’univers d’Evanégyre, postérieurement dans mon cas, multitudes de détails qui ramènent parfois à des moments particuliers des autres ouvrages ; autant de clins d’œils complices qui saluent le lecteur attentif et lui donnent ce sentiment ô combien gratifiant d’explorer un univers aussi fouillé, si intelligemment construit, aux côtés de l’auteur.
Ma tendresse pour Lionel Davoust et son univers découlent sans aucun doute de ce souci du détail brillant, jamais gratuit, toujours rattaché à quelque chose d’autre, au sein d’un univers évoquant tant de problématiques humaines avec tant de bienveillance mais sans naïveté. Du fait de m’être lancé dans l’aventure d’Evanégyre dans son sillage, je suis sans cesse émerveillé de trouver les mêmes thèmes qui me sont chers, travaillés avec minutie mais sans prétention, collant à la perfection à l’idée que je me fais de la grande littérature, celle qui sait poser les bonnes questions sans avoir l’arrogance d’y répondre directement, ne donnant que des pistes de réflexion propre à chacun, au travers des personnages qui vous toucheront, ou non, mais qui ne vous laisseront jamais indifférents.

Si je me suis promis de passer, à terme, tous les ouvrages de Lionel Davoust au fil de mon humble plume, c’est parce qu’à l’instar de certains autres rares auteur.ices, il a su me persuader autant que me séduire, par une vision des choses proche de la mienne, l’exprimant au travers de ces récits et de ses personnages, de ce sacro-saint souffle que je n’ai cesse d’évoquer. Parce qu’il m’a donné des mots, qui sont autant d’armes et de moyens de défense, pour exprimer ce que j’avais au fond de moi sans avoir su les verbaliser avant de le lire. Parce qu’à sa manière, il a aussi su me convaincre de retrouver en moi une force que j’ai parfois cru perdue ou inutile, me remettant devant mon clavier, pour moi aussi partager des choses que j’avais en moi et que j’ai toujours eu envie de partager, sans forcément en avoir le courage ; que ce soit au travers des histoires que j’écris, autant pour moi que pour les autres, ou les chroniques que je publie sur ce blog.
Et aujourd’hui, je lui rends cet hommage plus que mérité et que je n’avais pas encore pris le temps de développer de façon satisfaisante à mes yeux. Voilà qui est chose faite.
Merci Lionel.
#PayItForward.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles.

4 comments on “Port d’Âmes, Lionel Davoust

  1. Vibeka in progress dit :

    Lire cette chronique belle, sensible et personnelle est à la fois troublant et rassérénant pour moi. Troublant parce que j’aurais pu écrire la même chose, la justesse des mots et la rencontre avec l’auteur en moins (mais peut-être cela viendra-t-il sur ce dernier point, qui sait, j’espère, j’ai un exemplaire corné et outrageusement mal annoté à lui demander de dédicacer :-)). Rassérénant car il n’est que trop rare de sentir une communion complète et une convergence familière sur des émotions ressenties face à une lecture. On se sent moins seul 🙂 Je ne vais pas trop épiloguer ni trop rajouter quoi que se soit de commentaires subsidiaires mais simplement dire que ce texte a aussi été pour moi une révélation. Un trésor recueilli de sensibilité poétique, surtout incarné évidemment par Vibeka. Inoubliable personnage rimbaldien de fantasy. A ce jour, pour moi, seule vraie héroïne poétique (pas juste l’adjectif quelque peu galvaudé, mais au sens fondamental et viscéral du terme) Dans sa veritė douloureuse et lucide, sa relation dialoguėe et silencieuse avec Rhuys, j’y ai -vu-senti-gouté-touché beaucoup de moi et des reflets vibratoires d’un-e Autre dans les volutes kaléidoscopiques, trompeuses et révélatrices de la litane. Oui, la fin est bouleversante… Bon stop les effusions lyriques 🙂 . C’est un grand roman aux infinis miroitements ! Ames sensibles ne pas s’abstenir ! Lisez-le et merci merci Laird Fumble pour cette chronique vibrante qui donne envie de lire et relire ce texte.

    Aimé par 1 personne

    1. lairdfumble dit :

      Merci à toi, ce commentaire seul valide entièrement la démarche entreprise avec cette chronique. Très heureux de voir que j’ai su toucher précisément là où je visais.
      Et si j’ai quelque part le privilège d’entretenir une telle relation sur les réseaux avec Lionel Davoust, cela ne retire en rien l’attention et la sympathie qu’il emploie avec tous.tes celles et ceux qu’il rencontre lors de dédicaces. J’en ai peu croisé.e.s des comme lui. Je te souhaite d’en faire l’expérience un jour. 😉
      Grand merci, encore. 🙂

      J’aime

Votre commentaire
Your email address will not be published. Required fields are marked *

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :