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U-H-L #19 – Waldo, Robert A. Heinlein

Arabesque – Nightwish (extrait de l’album Imaginærum)

J’ai le défaut de caractère de ne pas aimer être dans la minorité. Je lutte de mon mieux, je fais des efforts de rationalisation pour ne pas me laisser piéger à changer d’avis en fonction de mes interlocuteurices ; je reste fidèle à mes convictions autant que possible. Mais il demeure que je doute, toujours, je n’aime pas être celui qui s’aveugle quand tout le monde a vu la lumière.
J’avais déjà lu Waldo il y a quelques années, pendant mon apprentissage, à la faveur d’un SP généreusement proposé par Le Bélial’, démarrant ainsi une merveilleuse amitié, et j’avais beaucoup aimé. Plein de raisons à ça : un de mes premiers UHL, l’attachement sentimental à ce que j’avais vécu comme un cadeau, et Robert Heinlein, que j’avais déjà appris à apprécier.
Mais voilà qu’il y a quelques temps, je vois des gens le lire à leur tour et en faire des retours nettement moins positifs que dans mon souvenir. Mon défaut de caractère refait donc surface, et je me demande si je n’ai pas raté quelque chose, quand même, parce que je me sens globalement seul. Et comme en ce moment j’attends des colis de bouquins, je n’ai pas très envie de me lancer dans de trop gros travaux de lecture et que je me suis promis de chroniquer tous les UHL sur ce blog, à terme ; je me suis dit que l’occasion était trop belle, qu’il était temps d’en avoir le cœur net.
Je comprends mieux pourquoi pourquoi les gens qui n’aiment pas ce texte ne l’aiment pas. Mais si j’ai pu y déceler des défauts que j’avais ratés ou minimisés la première fois, j’aime toujours beaucoup ce texte ; surtout pour une qualité que j’apprécie tout particulièrement chez Heinlein. Et, comme toujours, je m’en vais essayer de décortiquer exactement pourquoi.
Accrochez-vous.

Il est un paradoxe de la Science-Fiction que j’aime tout particulièrement. Pour un genre aussi jeune de la Littérature, il vieillit terriblement vite. Développant des concepts pointus s’appuyant très régulièrement sur des intuitions ou des projections de ce qui est déjà, il prend toujours le risque de se tromper, de bien des manières, d’autant plus lourdement que le temps entre la conception et la lecture se passe. C’est aussi pour ça que j’aime beaucoup, de temps en temps, me plonger dans les textes moins récents de la SF, ce que je peux perdre en crédibilité ou en cohérence, je le gagne souvent en émerveillement ; je trouve utile de me confronter à de vieilles idées pour voir comment elles ont vieilli, précisément. Car selon comment un texte s’agence, je pourrais autant trouver mon plaisir dans les concepts seuls que dans l’effort de construction ou de solidification de l’ensemble. Et c’est là que j’apprécie tout particulièrement Robert Heinlein ; parce que si très souvent, ses textes souffrent du passage du temps à bien des égards, j’ai systématiquement le sentiment de pouvoir tout de même y trouver de quoi me réjouir.

La force d’Heinlein, pour moi, c’est de toujours pousser ses concepts dans leurs retranchements avec une rigueur totale, et de les expliquer au mieux ; il est autant dans l’écriture que dans la démonstration. Or, l’idée de Waldo, c’est, à mes yeux, de montrer qu’on est jamais réellement sûr de rien, y compris au niveau scientifique. De ce fait, toute la novella se construit autour de l’idée d’un bouleversement si majeur qu’il en est presque ridicule et déteint sur ses acteurs dans des proportions épiques. L’auteur construit un système technique entier pour mieux le déconstruire et ainsi en bâtir un nouveau sur ses cendres. Et je comprends sincèrement que l’idée qu’il conceptualise et déploie à cette occasion paraisse aussi datée qu’absurde ; dans un contexte de science-fiction contemporain, son côté new age est complètement ringard, pour être honnête.
Et pour autant, cette idée, elle me séduit. Pas en tant que telle, à proprement parler, mais pour ce qu’elle implique, ce qu’elle représente. L’idée d’une altérité encore invisible à nos yeux, parce qu’on refuserait de la voir, trop habitué au confort de nos certitudes, c’est quelque chose qui malgré mes tendances à ne croire que ce que je vois – pour aller vite – ça me parle. Ceci étant dit, pour quelqu’un qui aime autant chercher les schémas de pensées et les mots cachés entre les lignes, ç’a le mérite d’être cohérent, je trouve. Je pense que le récit qu’Heinlein concocte dans cette novella, à cet égard, n’est qu’un outil pour appuyer un propos autre qui ne se veut pas forcément frontal ; à l’instar du personnage de Waldo au sein dudit récit. C’est un peu déconcertant, et sans doute contre-productif, mais ça symbolise assez bien la démarche, je trouve ; je ne pensais pas arriver à cette conclusion en amorçant cette relecture.

Alors évidemment, le personnage de Waldo est caricatural et parfois problématique, de même que sa progression au sein du récit, mais en replaçant l’ouvrage dans son contexte, il est assez aisé de faire fi de ces écarts qui demeurent mineurs à mes yeux, à l’échelle de l’ensemble. De même qu’une partie des concepts scientifiques utilisés par Heinlein sont vieillots, il n’y a rien d’étonnant à ce que la psychologie naïve de ses personnages et leurs conceptions soient elles aussi balayées d’un revers de main par notre vision moderne. Et pour autant, de la même manière, selon moi, il perce sous la couche de poussière une brillance intemporelle, par exemple avec l’environnement spécifique construit autour de Waldo et de ses animaux de compagnie. Alors oui, ça ne brille pas toujours aussi fort ou aussi longuement que d’autres choses croisées ailleurs, je l’accorde bien volontiers. Mais quand même, il y a quelques bonnes questions et des réponses à l’avenant qui devraient pousser à la réflexion, je trouve. J’aime Heinlein – du moins ce que j’en ai lu – parce qu’il tentait des choses que je n’ai lu personne d’autre tenter, ou en tout cas toujours avec une capacité de décalage unique, créant des espaces de cohérences uniques, des singularités littéraires. Il n’était évidemment pas parfait, de même que tout·e·s les auteurices (ou presque) de son époque de toute façon, mais c’est un acquis avec lequel il faudra toujours composer, désormais, je crois.

La cohérence d’ensemble d’un ouvrage, à mes yeux, se fait par incréments, on ne peut pas honnêtement la concevoir en un seul bloc. Je conçois complètement que plusieurs idées utilisées par Robert Heinlein dans cette novella aient été suffisantes à ces lecteurices décu·e·s pour émettre leur jugement négatif ; pour tout dire, je le comprends aisément. Cependant, je crois que cet auteur déploie à cette occasion une pensée complexe qui va bien au-delà du texte écrit à cette occasion ; et moi, les textes qui s’auto-transcendent (même un peu petit peu), je les aime beaucoup. Evidemment que le concept développé dans Waldo encaisse méchamment ses 70 ans. Mais l’idée qui le sous-tend, elle, n’a pas pris une ride ; c’est sur elle que je choisis de me concentrer. On trouve tou·te·s nos équilibres différemment, surtout quand il s’agit d’objets aussi complexes que les livres, a fortiori de Science-Fiction.
En bref, j’ai bien aimé Waldo, pour ce qu’il me proposait d’une vision certes âgée mais néanmoins maline du progrès scientifique et des implications de potentielles découvertes inattendues dans le champ de la technologie et des sciences. Heinlein est avant tout un romancier conceptuel à mes yeux, et c’est sur ceux qu’il a décidé de développer que je préfère porter mon attention quand je le lis. Si la réalisation pouvait par moments laisser à désirer par moment, j’ai été séduit par les intentions, dirons-nous.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

10 comments on “U-H-L #19 – Waldo, Robert A. Heinlein

  1. Yuyine dit :

    Jolie chronique qui redore un peu le blason d’un UHL assez mal-aimé dans l’ensemble. Je ne l’ai pas encore lu pour ma part, il ne m’attirait pas tant que ça à sa sortie, mais je lui donnerai sa chance un jour probablement.

    Aimé par 1 personne

  2. Elessar dit :

    He bien c’était intéressant de lire ton retour sur ce livre et de voir ce que tu y avais aimé 🙂

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      Merci ! 🙂
      Ça va, on reste copains ? 😀

      J’aime

      1. Elessar dit :

        Mais oui 😉 :-*

        Aimé par 1 personne

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