
The Ultimate Fling (Director’s Cut) – Poets of The Fall (extrait de l’album Revolution Roulette)
Comme avec certain·e·s autres auteurices, j’ai un petit blocage avec Jack Vance. La faute à l’expérience très malheureuse du cycle de Lyonesse il y a quelques années, au bout duquel je suis allé malgré une méfiance et un manque d’intérêt croissant·e·s au fil de ma lecture. Il faut dire que le Monsieur a une réputation, et je voulais, jusqu’au bout, être certain que j’étais bien passé à côté de quelque chose en toute connaissance de cause. Et du coup, puisque je n’avais vraiment pas aimé, malgré quelques indéniables qualités, je m’étais dit que Jack Vance et moi, ce n’était juste plus à envisager, l’incompatibilité entre mes envies de lecteur et ses ambitions d’écrivain étant trop évidente.
Mais quelques années plus tard, je me décidai à céder à la pression populaire, puisque je suis joyeusement influençable et que ça me réussit assez souvent pour que j’y prête attention. Et comme on m’avait plus d’une fois suggéré de m’intéresser au fameux Cycle de Tschaï, et qu’en plus on me l’avait offert il y a quelques temps ; de toute évidence, il y avait une occasion à saisir pour pouvoir changer d’avis, ou du moins le nuancer.
Occasion que j’ai donc saisie, et me voilà pour vous parler du premier volume de ce Cycle et vous donner mon ressenti à son propos ; il paraît que c’est le principe d’un blog littéraire.
Envoyé en mission de reconnaissance sur une étrange planète inconnue d’où aurait émergé un signal quelques 200 ans plus tôt avant l’arrêt définitif de toute émission, Adam Reith se retrouve contraint à un atterrissage en catastrophe qui le laisse seul, privé de tout soutien. Or Tschaï est un endroit extrêmement hostile aux humains, habité par des créatures et cultures diamétralement opposées à ce qu’il connaît, et il doit faire au mieux avec toutes ces inconnues inédites, pour grande partie étrangères à sa formation d’éclaireur d’élite, pour tenter de survivre et trouver un moyen de s’échapper vers la Terre.
Il faut d’office composer avec un constat qui à mes yeux ne souffre pas vraiment de discussion : Tschaï a quand même pas mal vieilli. Que ce soient quelques ressorts narratifs, la traduction (avec respect pour le travail accompli, mais quand même), le traitement des personnages féminins ou ce qui est considéré par Jack Vance comme de nobles prises de décisions par son héros, il y a quelques moments un peu compliqués à accepter tels quels. Alors ça n’atteint jamais le point où ça pourrait devenir rédhibitoire, mais ça me parait important à signaler, tout de même ; clairement, l’ambition de Jack Vance n’était pas de révolutionner quoi que ce soit aux grands principes dramaturgiques de l’aventure romanesque. Son héros a beaucoup de chance, un charme dévastateur, et a été suffisamment bien formé pour être capable de se sortir de la moindre embrouille les doigts dans le nez en faisant avec les moyens du bord ou suffisamment d’audace. Et si ce n’est pas gênant en soi parce que ça se tient tout à fait à l’aune du récit, par moments, on pourra tout de même regretter de voir certain·e·s antagonistes être un peu bêtes, ou ponctuellement comprendre que l’auteur s’est accordé un raccourci narratif afin d’éviter de trop faire du sur-place dans son histoire.
Mais voilà précisément ce qui fait que ç’a fonctionné pour moi, tout ça. C’est que clairement, l’ambition de Jack Vance était tout à fait ailleurs, et que cette ambition-là est absolument respectée de bout en bout. L’ambition était de créer un monde dans lequel son héros aurait l’occasion de voyager, d’explorer et de découvrir, et nous avec. Si Adam Reith est si fort, si ses problèmes sont aussi solubles, c’est bien parce qu’il faut qu’il avance en permanence afin de nous en montrer le plus possible avec un rythme aussi équilibré que possible. Et comme il est clair assez vite que l’intérêt du roman n’est pas vraiment son suspens ou sa destination mais simplement le trajet, je l’ai accepté tout aussi vite ; ce qui l’a rendu d’autant plus agréable.
Parce qu’on sent dans ce roman tout l’amour de son auteur pour le World-Building, construisant pierre à pierre un immense monde extrêmement solide et cohérent démontrant une réelle altérité exotique, dont je n’ai de fait vu qu’un humble mais prometteur quart. Et si l’honnêteté me commande de rapporter un certain anthropocentrisme assez old school, logiquement allié aux valeurs prônées par le héros et Jack Vance derrière lui ; il transpire malgré tout une certaine candeur optimiste que j’ai trouvée aussi rafraîchissante que joyeusement surprenante. Si je n’irais pas jusqu’à parler d’intemporalité (certaines idées et concepts restent très gravées dans leur époque), je pourrais quand même avouer que le voyage dans le temps n’était pas le plus angoissant que j’ai pu faire récemment, au contraire.
Demeure donc que j’ai lu un récit entraînant et bien calibré, avec beaucoup de très belles idées, un exotisme terriblement attirant, qui accuse certes le poids des années mais le compense assez largement par une réelle malice et un surplus de talent dans la construction et l’évocation du décor, le rendant implacable. On est dans ce que j’appellerais le domaine du divertissement intelligent facilement addictif. Je n’ai jamais vraiment voulu m’arrêter de lire, je n’ai jamais rechigné à reprendre, et je ne me suis réellement stoppé à la fin de ce premier tome qu’à cause de contraintes extérieures sans lesquelles j’aurais sans doute pu vous chroniquer les deux premiers tomes à la fois au lieu de celui-ci seul. Parce que faute d’avoir envie de savoir si oui ou non Adam Reith s’en sortira, j’avais vraiment envie de savoir quelles surprises l’univers de Jack Vance allait pouvoir me réserver. Et j’appelle ça une indéniable réussite ; c’était fort sympathique, tout simplement.
Mr Vance, je peux officiellement vous annoncer le dégel de nos relations au profit d’une prudence cordiale, dans l’optique d’une potentielle réconciliation. Je lis le deuxième tome un de ces quatre, et je vous tiens au courant, je ne doute pas que j’aurai encore d’autres choses positives à en dire.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
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Le niveau du cycle est constant, avec même des surprises intéressantes concernant la planète ensuite.
Mais oui, globalement, c’est daté. Même Cadwal, qui est peut-être le cycle avec des personnages les moins « vanciens ».
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