
What You Did to Me – Stella and the Storm (extrait de l’EP Stella and the Storm)
On va pas se mentir : en ce moment, c’est vraiment pas la joie. Même les bonnes lectures ou les choix sûrs de ma PàL refusant obstinément de descendre en dépit de mes réels efforts ne semblent pas réussir à me remettre durablement sur le chemin d’une lecture épanouissante, régulière ou simplement rythmée. Ce n’est pas que les bons bouquins n’existent plus ou que je sois incapable de les apprécier à leur juste valeur – en tout cas je crois – mais plus simplement, et plus cruellement, que la flamme est rendue timide par les circonstances et une forme particulièrement sournoise de fatigue.
Et pour autant, quand on m’a offert, comme un cadeau des cieux, ce deuxième volume du Tombeau Scellé, la flamme s’est remise à brûler, au moins pour le temps de sa lecture ; l’avenir nous dira ce qu’il en est pour plus tard.
Parce qu’effectivement, même si c’était un peu sorti de mon esprit, avec la distance du temps ; Harrow la Neuvième, je l’attendais très très fiévreusement, après les incroyables promesses du formidable Gidéon la Neuvième, qui était vraiment trop cool. Non, je ne suis pas redondant : j’utilise des effets de style. C’est mon travail.
Mais bref, donc, je me suis mis à l’ouvrage, avec un enthousiasme qui m’a surpris moi-même. Et j’ai lu tout ça vite fait bien fait, et comme d’habitude, je suis là pour rendre compte de mes impressions.
Oh, BOY, qu’il y en a, des choses à dire, sur ce deuxième tome.
En premier lieu, vous me pardonnerez l’expression, considérant que c’est un cri du cœur : Tamsyn Muir, c’est pas la moitié d’une peintre.
Et si je dis ça, c’est bien parce que ce bouquin est impressionnant à plus d’un titre. Et dense, aussi. Très dense. Vous noterez qu’encore une fois, je fais volontairement l’impasse sur le résumé, à l’opposé de mon format habituel ; et ce, pour deux raisons. La première, c’est que j’ai simplement trop peur de me frotter à un exercice me paraissant ici impossible à mener à bien sans manquements terribles ou spoils assassins. Et la deuxième, c’est que ce serait ruiner la majorité des efforts de l’autrice pour créer une expérience de lecture assez vertigineuse par son ambition autant que par son insolente réussite.
Si vous avez aimé Gidéon la Neuvième, tenez le vous pour dit : vous n’êtes pas prêt·e·s. Pas du tout.
Ce qui, je pense, est à mettre à l’entier crédit du présent roman comme de son autrice. Parce que le saut conceptuel qu’opère cette dernière dans son fonctionnement narratif – que je rapprocherais un peu de celui fait par Alastair Reynolds dans son Éversion mais à une toute autre échelle – est une remarquable triple marque de confiance de sa part ; tout à la fois dans le rapport établi avec son lectorat dans le premier tome, dans la capacité de compréhension et de confiance dudit lectorat au fil de la lecture de ce deuxième tome, mais surtout dans la capacité propre de Tamsyn Muir à raconter ce qu’elle a à raconter comme elle a décidé de le raconter sans se perdre une seule fois. Alors que franchement, le pari n’était pas aisé à prendre ni à tenir. Surtout pas à tenir.
Disons le clairement : j’ai été dérouté comme rarement à l’entame de ma lecture. Et si ça n’avait pas été pour ma totale confiance en la capacité du récit à ultimement retomber sur ses pattes, j’aurais été fort déçu. Sauf que, je n’ai jamais, à aucun moment, cessé de croire. Au contraire, même. Paradoxalement, plus ma confusion était tentée de grossir, plus elle se réduisait. Des indices, partout, des indications subtiles, des clins d’œil complices au fil du texte, jusque dans sa forme, trouvant par exemple le meilleur usage de la narration à la deuxième personne que j’ai jamais lu jusqu’à maintenant – en tout cas je crois – Tamsyn Muir n’a cessé, dans ce roman, de densifier son mystère tout en sachant en parallèle me montrer que tout était sous contrôle, et que les réponses finiraient par venir. Et elles sont venues. Et je n’ai eu qu’à marginalement lutter pour les obtenir, en tout cas les plus satisfaisantes ; puisque ce n’est évidemment qu’un deuxième tome, et que nous ne sommes clairement pas au bout de nos surprises.
Alors ceci étant dit : tout le monde n’a pas ma mémoire ni mon côté analytique. Pas pour me la péter – ou si peu, surtout au niveau de la mémoire – mais clairement, je n’aurais pas craché sur un résumé du premier tome avant de m’y mettre, histoire d’être vraiment complètement paré, et de ne pas avoir à uniquement m’appuyer sur mon attrait premier envers la brillante construction du roman. Entre la ligne narrative chronologiquement éclatée, les références multiples et la volonté claire de l’autrice de brouiller les pistes, on va pas se mentir, c’est un joyeux bordel qui n’essaie même pas de s’ordonner à notre attention histoire de clarifier quoi que ce soit. Et je pense que ça en déroutera plus d’un·e bien plus violemment que moi, qui peut parfois prendre plaisir à me laisser balader quand j’ai le sentiment d’avoir saisi l’astuce en avance, ou au moins partiellement. Toute l’intelligence de Tamsyn Muir, ici, étant de disséminer autant que faire se peut, entre les lignes, des allusions à l’idée que ça va aller, et que tout ça fera sens quand il sera question de faire sens ; et surtout de ne pas laisser l’incompréhension comme un poids sur les personnages, attendant poliment qu’un tiers veuille bien leur fournir l’explication clés en main sans jamais se bouger le derche et se rebeller un peu. Non non : le mystère il est pour nous, et pas pour eux, et c’est ça qui fonctionne du feu de Dieu, si j’ose dire, parce qu’on est dedans à fonds, à chaque étape. En tout cas, moi je l’étais. J’ai très tôt senti la promesse formulée par l’autrice, et j’ai été aussi patient que captivé, parce que je voyais les pièces tranquillement se mettre en place, jusqu’à l’explosion finale. Et quelle explosion.
Que dire de plus, finalement. L’univers de Tamsyn Muir, je n’y comprends toujours pas absolument tout, et ce n’est pas grave du tout, parce que ce n’est pas l’essentiel, il défonce : il a de la gueule. Ses personnages sont hyper solides, d’autant plus dans leurs dimensions les plus singulières, avec des dialogues à l’avenant qui tapent toujours juste ; l’occasion idéale de filer un coup de chapeau bien bas à Stéphanie Lux à la traduction qui y est certainement pour beaucoup, et qui a du suer à grosses gouttes sur certains passages. Non, je n’ai pas toutes les réponses aux nombreuses questions soulevées au fil de l’intrigue une fois ce tome refermé, mais j’en ai bien assez pour le moment, en attendant la conclusion de la trilogie [EDIT : dont j’ai appris qu’elle s’était depuis transformée en tétralogie], qui après l’épilogue que je viens de lire, s’annonce encore une fois promettre un sacré zbeul du plaisir. (Je mets ici Actes Sud au défi de faire un blurb de cette affirmation, tiens.)
Mais blague à part, je ne saurais pas trop quoi dire en dehors d’un constat tout bête : encore une fois, c’est très fort. Il y a à la fois un certain renouvellement du cadre comme des enjeux sans trop en faire ni pas assez, dans un équilibre aussi précaire que diablement maîtrisé ; on en prend plein la tête sans verser dans l’overdose ou le spectaculaire pompier à mes yeux, alors que la limite s’est montrée plus d’une fois.
Et puis surtout, pendant deux tiers, j’ai attendu avec fièvre, impatience et fascination une résolution qui a su se faire avec maestria pour pleinement me régaler pendant le dernier tiers. Et une fois le bouquin refermé, j’ai hoché la tête avec pleine satisfaction en me disant que ce dernier tome, aussi déroutant ou vertigineux qu’il puisse être une fois entre mes mains, il n’y arrivera jamais assez tôt : c’est que le boulot a été fait, et très bien fait. Voilà.
Le Tombeau Scellé, ça déboîte. Nona la Neuvième, je t’attends de pied ferme.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
Tu le vends terriblement bien et en même temps tu me fais très peur… Car un auteur capable d’un tel coup de génie peut aussi nous retourner encore totalement dans la suite. Du coup, que faire ? Attendre que tout soit sorti pour pouvoir lire et enchaîner ou soutenir et lire au fur et à mesure mais au risque d’être perdue et de moins apprécier. J’hésite…
PS/ Tu avais déjà très bien vendu Eversion et tu avais totalement raison !
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Oh merci beaucoup ! ❤
Honnêtement, puisque la sortie du trois est déjà officielle à moins d'un terrible coup du sort, je te conseillerais peut-être de prendre seulement le premier pour voir si c'est ton truc, et ensuite de te faire les 2 et 3 à la suite.
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Je prends note de ta recommandation alors 😉
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