Ce n’est pas qu’une infection. C’est une attaque. Nous sommes officiellement en guerre. En tout cas c’est ce que nous avons pu comprendre en parcourant les documents à notre disposition, malgré leur niveau de complexité. Reprenons depuis le début.
Si la majorité des enjeux nous échappe, l’essentiel demeure très clair. L’infection a été induite par une attaque d’une puissance étrangère, que le gouvernement a été incapable d’empêcher ou d’identifier, du moins jusqu’aux dates indiquées sur ces papiers, qui remontent pour les plus récents à un peu plus de 15 jours, presque 35 pour les plus anciens. Ils ont fait évacuer la zone en vitesse, manu militari, dans une opération improvisée d’une ampleur jamais vue, en décidant de laisser quelques personnes, au hasard, en arrière, pour éventuellement avoir des sujets d’études plus frais sous la main par la suite. Nous n’avons donc pas été oublié.e.s, mais bien abandonné.e.s. J’enrage. Ils arguent, basiquement, que la fin justifie les moyens, et qu’il leur faut consentir à des pertes de toute façon, étant donné qu’une très grande partie de la population concernée ne va, de toute façon, pas survivre à cette catastrophe, surtout à cette échelle. Nous n’avons pas exactement compris ce que cela signifiait, nous manquons d’une grosse partie du contexte. Mais l’hypothèse la plus probable est simplement que ces attaques n’ont pas eu lieu qu’à l’ouest, mais bien à divers endroits du pays. Ce qui expliquerait la rage et l’empressement des militaires, tout comme leur manque de scrupules.
La mission du groupe que nous avons rencontré était divisée entre deux tâches :
- Observer les infectés, en apprendre un maximum à leur propos, et éventuellement en capturer quelques uns après 10 jours pour les ramener à leur base pour études.
- Chercher un ou des groupes de survivants, les observer, et voir si le comportement global était affecté en dehors des obligations dues au manque d’électricité et d’eau courante. Et en cas de contamination dont ils pouvaient être témoins, capturer immédiatement pour nous ramener à leur base, pour études également.
Leur départ précipité s’explique donc à la fois par la »capture » non prévue, et à l’encontre d’ordres directs, des parents de Daphné, mais surtout par la consigne claire de ne pas user de transmissions à distance de quelque nature que ce soit, par crainte d’être espionnés. Ils ont du rentrer à la base en vitesse pour savoir ce qu’ils pouvaient faire ou non, et surtout ce qu’ils devaient faire par la suite ; mais également pour confier les deux malheureux à leurs scientifiques au plus vite pour ne pas manquer de données fraîches. Pas si étonnant qu’ils aient compté sur notre apathie, ou qu’ils aient oublié de réfléchir à ce que nous pouvions faire. Ils se battent contre un ennemi invisible en plus de l’infection. Et nous sommes pris.e.s au milieu.
Par ailleurs, pour le moment, pas plus d’informations que nous sur le fonctionnement des zones-sanctuaire, qu’ils n’évoquent même pas ; je ne saurais donc dire s’ils en ont même connaissance, ou si nous les avons fantasmées, par un besoin impérieux de quelque chose qui nous aurait donné le moindre espoir. Ils ont l’air de dire, du moins de penser, que le foyer de contamination principal à l’ouest est sous contrôle, mais j’ai du mal à comprendre, dans ce cas là, pourquoi ils continuent encore à pilonner la zone. Il ne doit plus rester que des ruines de ruines à ce stade là ! De nouvelles informations ont du leur parvenir depuis pour s’acharner à détruire la région de la sorte. Des choses que nous ignorons, forcément. Encore des choses en plus à surveiller pour avoir une chance de nous sortir de tout ça en vie. Ça va commencer à vraiment faire beaucoup.
Après Midi
Bientôt repartir. Pas bonne idée. Moi pense devoir repartir arrière. Devoir attendre. Mais Fanny vouloir savoir choses. Vouloir comprendre guerre. Moi mourir sans elle. Alors moi suivre. Mais moi très peur. Moi sais répéter. Mais moi vraiment pas confiant. Besoin réponses. Oui. Mais pas certain jeu valoir chandelle.
Bah. Toute façon, peux pas rester seul pour instant. Pas peine tergiverser. Autant suivre. Peut être utile.
16h40
Nous avons du faire une nouvelle pause dans notre progression pour nous cacher dans le hangar d’une ferme qui, vue son allure, devait déjà être désaffectée bien avant l’évacuation. Il semble qu’ils commencent à mobiliser les hélicoptères pour essayer de nous retrouver. Ou en tout cas, pour explorer plus précisément la zone à la recherche de quelque chose ou quelqu’un ; peu de raisons, après tout, de présumer que nous sommes si importants à leurs yeux. Toujours est il qu’il y en a trois qui patrouillent toute une partie de la région, entre les zones de bombardement et notre point de départ.
Peut être que quelques uns des documents contiennent des infos capitales que nous n’avons pas repérées, encodées ? Ça justifierait de tels moyens pour nous retrouver, je ne vois que ça ; je ne peux pas croire que nous constituions pas une menace à proprement parler.
Puisque nous sommes bloqués ici, autant essayer de re-jeter un œil pour vérifier.
19h00
Ils continuent à tourner au dessus de nous. Ils se sont même relayé ! Jusque là, j’ai compté 7 hélicoptères différents. Encore aucun moyen d’être certain.e.s que c’est bien nous qu’ils cherchent, leur zone de patrouille est bien trop large. Mais quoi qu’ils cherchent, ils ont l’air déterminés. Et tant qu’ils cherchent, nous ne pouvons pas bouger.
Ce qui nous laisse tout le temps du monde pour essayer de trouver des données cachées dans ces foutus documents, ou simplement de comprendre ce qui pour le moment nous a échappé. Près de 2 heures, et le chou est aussi blanc qu’au départ. Tant pis.
Ne nous reste plus qu’à demeurer discrètement ici, ce sera l’occasion d’alléger un peu nos sacs, nous sommes encore larges sur nos réserves, et les cartes nous laissent encore espérer quelques arrêts pour pouvoir faire les courses avant de nous retrouver vraiment démuni.e.s. L’espoir fait vivre.
Tard Nuit
Eu sale intuition. Pas courage réveiller filles pour dire. Me suis éloigné hangar en faisant attention hélicoptères. Pas là cette nuit. Pris lampe-torche. Puisque peux écrire, écrire dans carnet pour elles savoir. Sens quelque chose dans air. Odeur ? Sentais quand infecté seulement. Sais pas trop quoi être. Souvenir infection trop flous. Hésite entre basculement revenir ou nouveaux souvenirs. Ou autre chose. Dois partir. Saurais quand ou si peux revenir. Reviendrais seulement quand sûr pas danger. Vais prendre quelques pages pour écrire de mon côté. Pour rien perdre, pouvoir raconter filles. Pars tout seul ouest.
Désolé. Amour. Toutes les deux.
Jour 90 – 30 Juin
7h00
Je me suis réveillée en sachant pertinemment que quelque chose n’allait pas. J’ai senti l’absence d’Eric avant même d’ouvrir les yeux, comme si son départ avait allégé l’atmosphère, mais en y laissant tout de même une trace qui lui ressemblerait. Il avait posé le carnet à côté de moi. Je me console en me disant qu’il a vraiment l’air d’aller mieux s’il est capable de prendre une décision consciente comme celle là et de se comporter avec un telle discrétion. Notre sommeil est très léger depuis quelques semaines, et je ne me suis pas réveillée. Daphné non plus.
Mais bon voilà, jusqu’à nouvel ordre, nous ne sommes plus que deux. Nous allons attendre d’être sûres que les hélicoptères ne sont pas de retour pour aujourd’hui avant de repartir. Ce qui laisse de l’avance à Eric, mais s’il dit qu’il reviendra s’il a confiance en son état, je le crois. J’espère juste que son instinct ne l’amènera pas dans une situation dont il ne pourra pas se sortir. Nous avons parcouru trop de chemin ensemble. Même Daphné est d’accord.
11h00
Pas d’hélicoptères en vue, et nous ne pouvons pas nous permettre de trop rester statiques. En route.
???
Putain. Francis.
Superbe les derniers mots. Sans rire !
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Merci beaucoup. =)
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