Moi caché dans buissons, suivais odeur, sensation, sais pas trop. Et puis tombé sur lui, plein milieu forêt. Pas seul. Entouré petit groupe soldats 5, évident chef plus bidasses. Pas très équipés. Parlent langue connais pas. Francis changé vêtements. Semble…guéri ? Comme moi sûrement, pas parler. Toujours peau grise, mais regard vif, plus bite à l’air. Sais pas trop si copain soldats ou prisonnier. Toujours attitude connard, mais semblant humilité ou peur, difficile dire. Entend bourdonnement bizarre dans air, même loin eux. Profite tout noter sur papier. Hésite déjà repartir arrière pour prévenir filles. Peur elles tomber sur eux et mal finir.
Francis guider eux me semble. Vers quoi ? Semble nord, nord-est ? Pas vers filles. Vers ville ? Obligé suivre de loin espérer comprendre. Peut être laisser papier évidence prévenir filles ?
Trop risqué, connais pas itinéraire soldats ni quoi chercher. Croiser les doigts.
14h25
Encore une pause forcée. Le rythme de ces derniers jours, de nos habitudes et de nos privations ont vraiment changé notre façon de gérer nos estomacs. Nous ne prenons qu’un repas le soir, nous grignotons à l’occasion, mais nous ne nous permettons plus de nous arrêter pour manger le midi, surtout pour limiter les risques de nous faire repérer et attraper trop aisément dans un moment de relâchement. Mais Daphné est à bout, et je dois bien composer avec elle. Et puis de toute façon, nous arrivons encore à proximité d’une colline qui a l’air assez élevée, peut-être une nouvelle chance d’en voir plus. En courant d’après-midi, je pense. Pour le moment, on respire, on boit un peu et on essaie de prêter attention à notre environnement ; éventuellement un signe du passage d’Eric ?
???
Compliqué suivre, observer, écrire même temps. Devrais peut-être attendre fin pour écrire, mais peur rater infos importantes pour filles.Vital Fanny savoir enjeux, pour prendre meilleures décisions. Daphné trop jeune (même si futée) et moi trop ralenti. Dois tout noter. Frustrant pas comprendre soldats quoi dire. Mais Francis comprendre, répondre par coups tête et grognements. Lui parler langue étrangère. Détail peut-être utile plus tard.
Viens comprendre bourdonnement. Drones. Un peu partout sous-bois. Vu quelques uns peu de temps. Sais pas si caméras. Mais moi prudent encore plus. Presque tout temps ramper. Songe tenter camouflage feuilles mortes.
17h00
Pas de signes d’Eric dans cette direction pour le moment. Avec ses quelques heures d’avances, c’est logique, mais ça ne m’empêche pas de m’inquiéter. D’autant que nous ne savons pas vraiment pourquoi il est parti, ni dans quelle direction, exactement, son message était pour le moins nébuleux, et il nous a laissé la boussole. Il a dû partir un peu plus vers le nord qu’il l’avait voulu je pense.
Par contre, nous avons vu passer plusieurs drones, heureusement à bonne distance, qui allaient tous dans la même direction, vers l’est, et la ville. Nous n’avons pas eu le temps de les examiner pour voir s’ils étaient porteurs de caméras, donc dans le doute, nous avons fait au mieux pour les éviter, mais il semble bien que nous ne soyons pas sûr leur trajectoire directe. Dans le doute, nous avons légèrement infléchi notre itinéraire par le sud, ce qui nous fera atteindre le haut de notre nouvelle colline en début de soirée.
19h30
Les lueurs généreuses des soirs d’été nous permettent d’observer l’horizon sans trop de gêne visuelle, d’autant qu’avec trois mois d’arrêt total des activités, la pollution atmosphérique est quasi nulle. Le ciel est d’une clarté absolue, je m’en réjouirais si les circonstances n’étaient pas aussi compliquées.
Et donc, d’ici, après quelques minutes seulement, nous pouvons commencer à voir un peu plus de choses qui nous permettent d’un peu mieux comprendre la situation globale. Ce qui saute aux yeux, évidemment, c’est la plus grande ville à l’ouest, dont les ruines fumantes sont désormais bien visibles, avec encore quelques foyers d’incendie bien actifs. Et tout autour, plein de petits camps retranchés militaires, avec de grosses batteries anti-aériennes. En tout cas c’est l’usage le plus logique que je leur prêterais, puisque les camps ont l’air en parfait état, au contraire des autres petits patelins alentour, eux aussi détruits jusqu’au dernier mètre carré. Ce qui, je pense, est arrivé, c’est que les bombardements de »notre » armée étaient d’abord destinés à éliminer un maximum d’infectés, mais, depuis que l’armée étrangère s’est installée sur place, par je-ne-sais quel moyen, les attaques ne servent qu’à tenter de contenir l’avancée des groupes d’infectés qui restent encore sur place, ou pire, des groupes armés ennemis. Même si les avions ont cessé leurs interventions.
Les hélicoptères ont donc probablement été mobilisés pour vérifier si l’armée ennemie avance. Si tant est que ce soit bel et bien une armée, nous n’avons pas vraiment d’infos là dessus. Tout ce dont nous pouvons être sûres, c’est que l’infection était bien une attaque en soi. Nous n’avons juste aucune idée que comment elle a été perpétrée… Comment diable ont-ils réussi à transformer toute une partie de la population en créatures crétines aux pulsions bestiales en l’espace de quelques nuits, jusqu’à pousser le gouvernement à une stratégie d’évacuation, puis de la terre brûlée ?
Et quelle utilité peuvent-ils bien prêter à une armée aussi faible en nombre ? D’ici, nous ne pouvons voir guère qu’une dizaine de camps, avec peut-être quelques dizaines de soldats à chaque fois à l’intérieur. Qu’est ce qu’ils sont venus faire ici ? Et comment ont-ils fait ?
Une bonne chose que nous soyons aussi loin d’eux, et en mesure de les voir arriver relativement aisément. Reste plus qu’à espérer que nous serons discrètes et qu’ils n’ont pas de véhicules à leur disposition. Et que de l’autre côté non plus, ils ne nous ont pas repérées.
???
Nuit arrive. Fatigué devoir suivre eux loin longtemps. Eux pas arrêté bouger une seconde. Même traîné Francis parfois. Toujours langue incompréhensible. Mon avis mélange langue et code spécial militaire. Si armée équipée, gros pays, langue je connais, logiquement. Mais pas savoir. Drones sont à eux. Un a rejoint groupe avec message sur papier accroché dessus. Eux aussi craignent espionnage donc, amusant. Ou pas. Sais pas trop. Situation trop bizarre.
Me rends compte. Bizarre eux pas encore repéré moi. Après tout, coordination nulle, discrétion forcément discutable. M’éloigne pour écrire, suis eux grosse distance, mais peut pas être suffisant. À moins eux très mauvais. Mais pas possible. Non. Dois repartir arrière. Nous repartir vers ville plus tard peut-être. Repars arrière. Retrouver filles. Suivre militaires trop risqué pour jeu valoir chandelle.
Jour 93 – 3 Juillet
17h30
Cela fait deux jours que nous courrons dans tous les sens, pour éviter des militaires des deux bords qui ne semblent même pas nous chercher. Nous sommes littéralement prises entre le marteau et l’enclume, sans aucune nouvelle d’Eric. Sans compter qu’il y a plusieurs marteaux et plusieurs enclumes, et qu’en plus elles se déplacent pour mieux se rentrer dedans, en prenant le risque de faire de nous des victimes collatérales. Mon espoir, c’est qu’Eric est aussi perdu que nous, quelque part, mais en sécurité, et qu’il cherche à nous rejoindre.
Pour la troisième fois en trois jours, nous sommes retournées dans la vieille ferme abandonné de la dernière fois, on peut partir d’ici dans toutes les directions et voir arriver de relativement loin, nous sommes hors des bois.
Notre routine semble être de devoir aller dans un sens, entendre des véhicules ou des militaires, repartir dans un autre sens pour les éviter, et refaire pareil quelques centaines de mètres ou kilomètres plus loin. C’est épuisant.
19h00
J’arrive pas à y croire. Fanny a pris une balle perdue.
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