
Born For This – CRMNL (extrait de l’EP II)
Quand il s’agit de raconter des histoires, il n’est à mes yeux que peu d’exercices aussi délicats que celui de la suite. Surtout lorsqu’il s’agit de créer la continuation d’un premier opus ayant emporté l’adhésion du plus grand nombre. Habitué, comme beaucoup, à être parfois déçu par les suites de certaines de mes œuvres favorites, surtout dans le domaine littéraire, j’ai tendance à souvent aborder ces dernières avec une réelle circonspection. Je crains particulièrement ces suites peu inspirées, écrites ou créées seulement pour continuer de capitaliser sur un premier tome ou épisode qui tenait très bien seul, mais auquel ajouter des éléments ne fait finalement qu’enlever de la substance. Un équilibre terriblement délicat à préserver, et cet enjeu terrifiant de parvenir à demeurer à la hauteur de la réussite de son prédécesseur sans simplement être une copie.
J’ai eu l’occasion ici de saluer bien bas Les Meurtres de Molly Southbourne, tant pour son inventivité, son efficacité que son incroyable rythme. Et autant dire que j’attendais sa suite de pied ferme, puisque je savais que la continuité était déjà prévue de longue date, et surtout, sa conclusion laissait bon nombre de portes ouvertes. Autant d’idées et d’options à imaginer de mon côté, pour enfin voir ce que Tade Thompson nous avait réservé comme surprises. Aussitôt reçu, aussitôt dévoré. Alors, heureux ?
On reprend là où on s’était quitté, très exactement. Mais on change de point de vue, comme de paradigme. Les choses ont changé, et en changeant, laissent entrevoir de nouveaux éléments, que nous allons explorer, toujours en compagnie de Molly Southbourne. Mais pas vraiment. Ou si ? C’est compliqué.
Les fondamentaux sont toujours là, première raison d’être rassuré. Le rythme est toujours excellent, les informations distillés à la bonne fréquence au milieu de l’action et de l’intrigue, qui demeure toujours un plaisir à dérouler, autant pour ce que l’on apprend que pour ce que l’on enrage de ne pas apprendre.
Mais, légère ombre au tableau, l’ambiance n’est pas la même, parce que les enjeux et les questionnements ne sont plus les mêmes. Comme un goût de trop-peu, par rapport au tome précédent, une sorte de flottement constant dans la narration, une retenue ; ce sentiment que jamais vraiment elle ne décolle.
Mais c’est parce qu’on se concentre sur d’autres choses. Il faut juste l’accepter. Le défaut et la qualité d’un récit comme celui-ci, c’est qu’il joue avec nos attentes et nos nerfs, et quand tout est prévu à l’avance, il faut savoir faire confiance au guide. Surtout quand ce dernier semble si bien contrôler son véhicule. on sent bien que rien n’est laissé au hasard, que ce qui nous est dévoilé est là pour nous préparer à ce qui vient, pour éviter l’indigestion.
Car on apprend beaucoup de choses, mais pas trop ; j’oserais dire tout juste ce qu’il faut. Si Les Meurtres étaient une introduction qui nous en mettait plein les yeux à coup de concepts, nous sommes ici dans la première phase d’explications, qui temporise avec les faits, précédant sans doute l’apothéose à venir.
On ne peut pas à proprement parler de déception, non. Certainement pas. Mais il faut admettre que l’impatience est douloureuse. Si je savais que je n’aurais pas toutes les réponses, j’ai tellement été surpris par certaines décisions et révélations que je reste sur une sensation de faim impossible à pleinement satisfaire pour le moment. La Survie de Molly Southbourne demeure une réussite, sans le moindre doute, mais à contextualiser dans l’ensemble des aventures de cette héroïne si particulière, si unique, qui continue à nous raconter des choses que personne d’autre ne saurait raconter de cette façon.
Pour éviter l’écueil de la suite vide qui se contenterait de répéter le propos de l’opus qui le précède, Tade Thompson a fait le choix de la réinvention, qui donne tout de même une saveur méta à ce diptyque temporaire, si l’on ose un parallèle entre ces ouvrages et leurs personnages ; ce qui n’est pas pour me déplaire. C’est toujours excellent, simplement très surprenant, ce qui assomme un peu. Mais j’ai toujours aussi hâte de lire la conclusion de cette trilogie. Peut-être même plus, en y réfléchissant.
Une indubitable réussite donc, même s’il convient de la nuancer.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
Au final je me demande à quoi ça sert de faire 3 novella alors qu’il aurait pu rassembler les trois en un seul texte. Enfin bon je sais pas si je lirai cette suite, mais si c’est le cas j’attendrai peut-être la sortie du 3 histoire de pouvoir enchaîner.
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Je me permets de répondre à ton commentaire alors que je passe lire cette chronique !
La première novella tenait toute seule et ne nécessitait pas de suite. Sa fin, ouverte, pouvait appeler à une suite, mais c’était une fin en soi.
La seconde, même si ça se passe directement après, change totalement de paradigme 🙂
On verra une fois que tout sera publié, mais pour le moment le découpage me semble avoir une bonne logique interne.
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