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Ni d’Ève ni des dents – Episode 28

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Rétrospectivement, il est assez facile de se dire que nous aurions dû le voir venir. Après tout, nous ne sommes pas des militaires de formation, ni même de vocation, et nous ne pouvons pas vraiment nous vanter d’une quelconque maîtrise des nœuds, des bonnes méthodes de coercition ou de surveillance. De ce que nous avons compris, l’un des soldats a réussi à se libérer de ses liens, et est allé détacher un de ses compagnons sans que nous puissions le voir, avant de venir tenter de nous reprendre le contrôle de la ferme par la force. Heureusement pour nous, nous étions tout de même placé.e.s de façon à couper leur chemin vers leur chef et le dernier soldat, tous deux mieux ligotés.
Les deux soldats libérés comptaient sans doute sur l’effet de surprise, puisque effectivement, au moment où ils nous sont tombés dessus, nous étions tou.te.s les quatre en train d’examiner des documents disposés sur leur table d’opération au rez-de-chaussée du bâtiment principal. Nous avions laissé la porte ouverte pour faire circuler un peu l’air, la chaleur ajoutée à la crasse rendait l’odeur très difficile à supporter (une erreur que nous ne reproduirons pas). Nul besoin de trop aller dans le détail, mais voilà à peu près ce qui s’est passé :
Ils ont franchi le seuil sans bruit, accroupis, et d’un bond, ont franchi la distance. Le premier a saisi la tête de Daphné dans ses bras, l’autre a tenté d’assommer Francis. Elle s’est mise à hurler, lui s’est retourné avec juste l’air ennuyé, probablement des restes de l’infection ; il ne ressent que très vaguement la douleur et sa constitution s’est profondément modifiée. De notre côté, Eric était tétanisé par la peur de voir Daphné souffrir aux mains du premier soldat qui avait, il faut l’admettre, l’air très remonté, l’un de ses bras enroulé autour de son cou. De mon côté, je n’ai pas vraiment réfléchi, entre panique, adrénaline et fureur. J’ai récupéré le fusil que j’avais posé à mes pieds, et dans le même mouvement, j’ai arrosé le deuxième soldat d’une rafale approximative. Évidemment, je ne savais pas du tout comment me servir d’une arme, donc sur les quelques balles qui sont parties, seulement une a touché, le reste étant parti vers le plafond à cause du recul, la crosse me mettant un sale coup dans mon épaule blessée au passage. Mais une balle a suffi, atteignant le soldat à la gorge, le projetant vers le fond de la pièce, tentant vaguement de prévenir hémorragie qui se révélera vite fatale. La diversion fut également suffisante pour que Daphné puisse tenter de se débattre, et pour que Francis réduise la distance avec le deuxième soldat ; l’étranglant par derrière. Très vite, le soldat lâcha Daphné qui se jeta sous la table, non sans balancer, tout de même, un bon coup de pied là où elle saurait qu’il ferait le plus mal, autant par rage que par nécessité.
Notre pitié, et sans doute ce qui nous restait d’humanité à réserver au reste du monde sont mortes au moment où je croisai le regard de Francis, les bras enroulés autour du cou du soldat qui tentait tant bien que mal de lui échapper. Dans ses yeux la question, dans les miens, la réponse. Il l’a laissé tomber après deux très longues minutes, silencieuses, en dehors des gargouillis issus du cou de son collègue qui essayait de ramper vers la sortie, sans succès. Le silence a fini par réellement s’abattre, et nous étions perdu.e.s, sans mots à échanger. Nous n’avons même pas essayé de discuter, de nous trouver des excuses. Nous savions déjà que nous avions passé un cap, un point de non-retour.
Et puis le chef, qui était captif à l’étage du dessus, s’est mis à hurler, quasi extatique, pour savoir ce qui s’était passé, partant du principe que ses soldats avaient fait le travail. Eric a choisi ce moment pour réellement se réveiller. Il a saisi son propre fusil et est allé chercher le dernier soldat, emprisonné dans une dépendance derrière le bâtiment. Son regard était terrifiant de résolution. Il l’a ramené, les mains toujours liées dans le dos, à la pointe de son arme, et l’a amené devant son chef. Nous n’avons pas eu le cœur de le suivre, trop effrayé.e.s par ses yeux. Le soldat s’est mis à pleurer en apercevant ses deux compagnons au sol, soudain terrifié par la perspective de ce qui l’attendait, alors qu’Eric l’enjoignait à monter l’escalier menant l’étage.
Le silence, encore. Puis une simple détonation, le bruit du bois et de la brique qui se fracassent, et deux cris aigus, simultanés.
C’est un peu trop pour moi. Je vais demander à Eric de reprendre le relais. Sans doute demain, il commence à se faire tard, et je suis de garde, tout de même.

Jour 111
Fin de Matinée

Je peux pas vraiment refuser quoi que ce soit à Fanny, donc je prends effectivement le relais. Je profite de ma pause.
Il faut savoir qu’en montant cet escalier, j’étais réellement prêt à coller des balles dans le corps de ce putain de soldat, membre par membre, juste pour me soulager de ces trois putains de mois de merde, pour essayer de faire cracher des infos à leur chef. Je voulais les voir chialer, supplier pour leur vie… Et puis je sais pas, d’un coup je me suis calmé, je suis revenu à la raison. J’ai lâché une balle dans le mur, à côté de la tête du chef, mais pas trop, histoire de pas prendre le risque de le toucher par erreur. Ce qui a suffi, avec sa lente compréhension de la mort de ses sous-fifres, pour qu’il nous déballe tout ce qu’il avait pour nous.
Ironie totale, ces quatre connards étaient des déserteurs, et ce que nous avions pris pour des équipements de communication n’étaient que des dispositifs de brouillage et de piratage des ondes , qu’ils avaient embarqués en se carapatant avec leur tank, volé au moment de leur départ, d’autant plus facilement qu’ils en étaient les opérateurs. Les infos circulent mal, y compris au sein de l’armée elle-même, donc il n’avait finalement pas grand chose à nous apprendre au niveau de l’infection elle-même en dehors de quelques rumeurs qu’on aurait pu inventer nous-mêmes et qui ne nous avancent pas à grand-chose. On pourrait même songer qu’à ce niveau là, en tout état de cause, nous en savions plus qu’eux. Le plus gros du déploiement le plus récent ne vise qu’à combattre l’invasion, pas l’infection, donc ce que nous avons dû croiser en ville était une section vraiment spéciale ; et le combat est terriblement compliqué à mener pour eux à cause de la configuration des lieux et le fait que précisément, ils combattent une invasion et plus l’infection, depuis le débarquement des troupes ennemies. Que le haut commandement se refuse toujours à identifier, d’ailleurs, si tant est qu’il y soit parvenu à un moment. Raison pour laquelle les quatre zigotos ont déserté, d’ailleurs, par défiance envers l’autorité défaillante de l’État et de son armé ; leurs mots pas les nôtres. En tout cas c’est ce qu’ils affirmaient, mais nous avons eu du mal à y croire. Il y avait sans doute d’autres enjeux cachés, mais ils n’intéressaient probablement qu’eux, et nous avions tous d’autres choses à penser pour vraiment avoir envie de creuser. On les a de nouveau enfermé, chacun de leur côté, en faisant un peu plus attention à leurs liens cette fois, et on a convenu de leur rendre visite de temps en temps pour vérifier qu’on aurait pas d’autre incident à déplorer.
Dans un premier temps seulement. Puisque de toute évidence, la naïveté est un péché capital par les temps qui courent et que si la première leçon n’avait pas suffi, la seconde fut radicale. Et définitive.
On était rassuré, on pensait enfin avoir la situation sous contrôle, au moins pour un temps. On a évacué les cadavres dans le hangar à l’extérieur, en songeant à les enterrer, peut-être, mais la fatigue, l’accumulation de tension nerveuse de toute cette journée, le trop-plein d’émotions contradictoires, toute la violence ; tout ça nous est retombé dessus comme une tonne de briques. Francis s’est spontanément proposé pour prendre un tour de garde, le temps qu’on puisse un peu se reposer tous les trois. Personne n’a discuté.
Et puis genre deux heures plus tard, il est venu me réveiller pour aller se reposer lui-même, le soleil commençait tout juste à se coucher, et malgré ma courte sieste, j’étais toujours vanné, j’avais tout juste regagné un semblant de conscience supplémentaire. Je suis allé voir les soldats et tout semblait aller, je leur ai filé un peu à boire et à manger et je suis allé faire un petit tour dans les alentours de la ferme pour voir si il y avait quoi que ce soit à remarquer à distance visible par les jumelles. Rien du tout, on était clairement au milieu de nulle part. Même pas de mouvements de troupes repérables dans le coin, même pas au bruit ; clairement les soldats avaient quand même bien choisi leur endroit. Et puis l’air se radoucissant, j’ai été un peu envahi de la nostalgie du temps d’avant. Je me suis planté sur le bord de la route, quelques instants, juste pour prendre le temps de respirer l’air de l’été et admirer un horizon aux belles couleurs, qui n’était, pour une fois depuis si longtemps, pas gâché par du feu ou de la fumée.
Je l’ai entendu arriver au dernier moment. Lui aussi avait fini par réussir à se libérer, je ne sais pas comment, et à se dégoter un couteau. L’un a peut-être précédé l’autre, j’en sais rien. Mais toujours est il que depuis mon retour de basculement, je crois bien que mes sens sont plus affûtes, et mes réflexes aussi. Ou alors c’est juste la tension permanente, j’en sais rien. Mais je me suis retourné d’un mouvement, et je l’ai abattu sur place, comme ça, juste une demie-seconde avant qu’il me plante sa lame dans le bas du dos. Il avait l’air méchamment déçu. Et moi j’étais méchamment en colère.
Il ne restait plus que le chef, et à savoir ce que j’allais faire de lui.

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