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Ni d’Ève ni des dents – Episode 33

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Jour 124-5 ?
Environs de midi.

Une partie de la cave a fini par s’écrouler aussi ; heureusement on était du bon côté, celui qui a tenu, personne n’est sérieusement blessé. Que des petites écorchures et coupures sans gravité, si on doit se concentrer sur l’aspect uniquement physique des choses. Mentalement, on a pris beaucoup plus cher, c’était épuisant. On s’entendait presque plus sous les bruits de la bataille au dessus/autour de nous. On a fini par perdre la notion du temps, ne serait-ce que parce que nos montres n’ont pas survécu aux chutes de béton ou à notre course effrénée lorsqu’il a fallu trouver un endroit où se cacher. On vient à peine de sortir, quelques heures après que le bruit ait enfin cessé, après le temps qu’il nous a fallu pour déblayer l’issue. J’imagine qu’on a eu une certaine chance de pas rester coincé.e.s là dessous pour toujours jusqu’à mourir de faim ou de soif. On a marché une heure (?) de plus pour essayer de trouver un endroit qui nous paraissait sûr, ou au moins calme, histoire de reprendre vraiment nos esprits. Sans succès. On est posé dans un garage qui tient tant bien que mal debout. J’écris pour l’histoire plus qu’autre chose, là, pour simplement rendre compte. Des cadavres un peu partout, avec plein de blessures différentes, qu’on a pas eu le courage d’examiner, du sang, des viscères, des organes, des membres dispersés partout dans les rues – ou ce qu’il en reste – jusque dans les arbres parfois, jamais loin des cratères qui expliquent facilement comment tout ça a pu arriver. Mais la question n’est plus tellement le comment, mais le pourquoi. Après une telle période de calme, qu’est ce qui a bien pu soudain déclencher un affrontement de cette envergure ? Ça a au moins duré le temps d’une nuit, puisqu’il fait plein soleil derrière les nuages de fumée, et que le bruit n’a jamais semblé cessé.
Le silence est pesant comme jamais, parce qu’il ne suggère plus le calme, mais bien l’absence de bruit, de vie, même. Nous n’avons pas osé rebrousser chemin pour aller examiner le camp, à la fois parce qu’on a bien trop peur de ce qu’on pourrait y voir, mais surtout parce qu’on se dit que s’il est toujours debout, les soldats seront trop nerveux pour éviter de nous abattre à vue. Et on aurait du mal à leur en vouloir. Et pour autant, malgré notre peur, malgré notre épuisement, on doit continuer à avancer, même si on sait encore moins qu’avant où on doit/peut aller. On va sûrement devoir faire en sorte de toujours avoir un abri, ou du moins un semblant d’abri à proximité, on ne sait pas quand ça pourra nous retomber dessus. La pause est terminée, en avant. On va continuer à essayer de gagne le centre-ville, on a pas de meilleure option pour le moment.

Milieu d’après-midi ?

Je ne saurais dire si nous sommes extraordinairement chanceux ou terriblement malchanceux, mais le hasard nous a conduit à comprendre un peu mieux ce qui s’est passé depuis notre fuite dans la cave, et sans doute une partie de ce qui l’a précisément causée.
Une patrouille d’infectés.
Une patrouille, oui. Daphné, qui s’est portée volontaire pour nous servir d’éclaireuse, les a repérés dans la perspective des ruines d’un parc, au coin d’un reste de rue que nous nous apprêtions à traverser, en direction du centre-ville, comme prévu. Nous nous sommes retranchés dans une petite maison en face, le temps de mettre tout ça par écrit – nous estimons qu’il est vital de rendre compte au mieux, et surtout au plus tôt, de toutes nos découvertes, au cas où – et d’évaluer au mieux le degré de menace/risque.
Nos jumelles étant bien rangées, elles ont survécu à notre séjour à la cave, et nous avons pu mieux voir de quoi il retournait, au hasard d’une pause dans leur itinéraire. Comme toujours, impossible de déterminer s’il s’agit de Cérébraux ou d’infectés ayant rebasculé, mais leur état de santé ne fait aucun doute. La peau grise et les yeux injectés de sang ne laissent planer aucun ombre. Ce qui est surprenant, évidemment, c’est surtout le fait qu’ils soient plusieurs et qu’ils agissent de façon concertée. Ils sont cinq, et des broderies approximatives sur leurs vêtements suggèrent même une hiérarchie d’ordre militaire. Celui qui ressemble le plus à un leader est même juché sur ce qui ressemble à une moto bricolée à partir d’un modèle militaire classique, mais il la propulse seulement avec ses jambes, sans doute pour économiser le carburant. Il a l’air un peu stupide, mais je respecte son sens de l’économie, le cas échéant.
Mais voilà, un troisième camp semble bien s’être greffé au conflit dans la région, puisque hiérarchie militaire suggère bien armée, et donc une autorité politique pour la chapeauter, ou alors ces cinq gugusses ont juste décidé de se taper un petit délire milicien au milieu d’une invasion, ce dont je doute fortement. Les gens peuvent être bêtes, mais peut-être pas à ce point-là quand même. La question de chance ou de malchance se pose donc maintenant aussi dans les termes selon lesquels ces nouveaux acteurs du conflit nous considèrent. Si tant est qu’ils aient conscience de notre existence. Nous allons redoubler de vigilance – encore ! – et avancer au mieux.

Début de soirée

On a décidé de se poser dans un vieux magasin en bordure de la ville, dans ce qui devait être une zone commerciale ou un truc du genre. C’est difficile de se rendre compte vu comment tout est en ruines. C’est un bordel. Heureusement, on arrive à doucement se rapprocher de la vraie ville, et donc du centre-ville, et il on a bien l’impression que le coin a été épargné ; j’imagine que les deux armées veulent se garder quelques coins tranquilles et pas trop cassés pour s’y installer confortablement une fois que tout ça sera terminé. Mais là où on est, non, clairement, ils avaient pas l’intention de faire spécialement gaffe.
Enfin bon. On s’est mis là parce il y a un peu d’équipement utile à récupérer, ça devait être un magasin de sport ou quoi, on a pu se bricoler ce qui ressemble vaguement à des lits confortables avec des matelas en mousse. On aurait pu chopper des tentes aussi, mais on s’est dit qu’au cas où on devrait encore fuir en vitesse ce serait pas pratique. On s’est installé dans un coin à l’étage, là où la cloison est crevée, comme ça on peut voir vers l’extérieur sans trop prendre le risque d’être vus non plus, c’est pratique. On a de la chance avec la météo, mine de rien, il a pas plu depuis presque une semaine, on voit bien à l’horizon (quand il y a pas trop de fumée). Je me demande à quel point ç’a à voir avec le conflit, d’ailleurs.
Enfin bon. On est sur les nerfs là quand même un peu. Je fais genre à parler de trucs un peu nuls parce qu’en vrai je flippe grave. On va peut-être enfin pouvoir dormir pour la première fois en deux ou trois jours, on sait même plus où on en est de ce point de vue là, c’est horrible. Et je sais que je me répète par rapport aux autres, mais faut vraiment que vous compreniez, là, de l’autre côté du journal : c’est la merde. On écrit ça pour nous, un peu, oui, mais surtout pour vous. Je sais pas pour les autres, mais moi j’suis sûre qu’on va finir par y passer. Et on aura même pas le temps d’écrire pourquoi ni comment. Rendez-vous bien compte, on est plus bloqués entre deux armées. On est bloqués entre trois, maintenant. On a croisé une dizaine d’autres patrouilles d’infectés/pas-infectés, facile, et on sait toujours pas ce qu’ils sont, ni ce qu’ils font vraiment. Et putain, ils ont pas l’air commodes. Ils parlent pas, ou en tout cas pas assez fort pour qu’on les entende, ils font des tours, comme ça, un peu partout, avec plus ou moins d’armes et d’équipements. Et on avance, malgré tout, dans leur territoire, sans savoir ce qu’on va faire une fois qu’on sera dedans, juste parce qu’on a rien de mieux à faire. Et qu’on veut juste savoir. Enfin perso, c’est mon seul vrai moteur maintenant. Tout le monde ou presque semble vouloir nous tuer ou alors veut tellement tuer et détruire que faire des victimes collatérales, ça dérange pas vraiment.
Enfin bon. On sait qu’on est trop crevés pour espérer faire des tours de garde efficace, on va juste espérer être vraiment seuls dans le coin jusqu’à demain matin. Ou plus loin vu comment on est crevés. On verra bien. En tout cas moi je vais aller rejoindre les autres et pioncer. Enfin, comme eux, je vais essayer.

Jour 127 – 6 Septembre
10h30

Éternelle question que celle de savoir s’il vaut mieux commencer par la bonne ou la mauvaise nouvelle. Si j’ai toujours été partisane de l’idée de commencer par la mauvaise, ne serait-ce que pour donner encore plus de valeur à la bonne par simple effet de contraste, j’ai toujours péché par une certaine propension à tourner autour du pot lorsqu’il s’agissait, précisément, d’annoncer la mauvaise nouvelle en premier. Ici, il ne s’agit pas de tant de ménager l’humeur d’un interlocuteur qui n’existe pas (ou pas encore), mais seulement de ménager ma propre humeur et de trouver les mots pour exprimer au mieux ce qui s’est passé entre hier matin et aujourd’hui.
Autant couper court. Nous avons été réveillé.e.s par des bruits de pas, de sacs qu’on fouillait et d’objets en tout genre balancés ça et là. Et nous avons ouverts les yeux sur des canons braqués sur nos visages. Voilà. Ça, c’est pour la mauvaise nouvelle.

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