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Impossible Planète – Episode 4

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On a très vite convenu qu’il fallait juste attendre que notre copain se réveille pour aviser de la suite des événements ; avec son propre sang pour le re-transfuser et le purger du cryo-gel, on savait que cette séquence de pause au milieu de nulle part ne durerait pas trop longtemps pour être risquée. En vrai, on espérait plus qu’on ne savait, mais jouer avec les probabilités c’est un peu notre spécialité, faute de mieux.
Pour être tout à fait honnête, on se l’est jamais avoué sur le moment, et on en a jamais vraiment discuté, mais je crois qu’on était juste trop curieux pour être vraiment prudent. Fallait qu’on sache ce qui s’était passé dans ce vaisseau, et ce qui se cachait dans un poste de pilotage si bien protégé. Et oui, le pognon potentiel, aussi. Évidemment.
Du coup, Cap’ a posté Andro à son chevet pour le surveiller, histoire qu’il nous claque pas entre les doigts sans prévenir, et nous a ordonné d’aller vaquer à nos occupations habituelles, en nous verrouillant l’accès à l’autre vaisseau, arguant de trop gros risques en cas d’allers et retours non justifiés. Et c’est vrai qu’on avait sans doute eu de la chance avec Hector la première fois, aucune raison de nous mettre plus en danger tant que ce n’était pas absolument nécessaire. Comme d’hab’, elle faisait en sorte qu’on reste sur nos gardes en toutes circonstances ; on ne savait pas encore si le plus dur était derrière nous.
Donc Tombal est retourné à son poste de pilotage, en tuant le temps sur ses jeux-vidéo, Larsen est retourné à son atelier pour bidouiller ses technotrucs auxquels personne d’autre que lui ne comprend rien, et Cap’ a fait les cent pas dans le vaisseau, trop nerveuse pour réussir à se détendre avec un bouquin ou une vid comme elle en a l’habitude lors des périodes de calme. Je lui aurais bien proposé une partie de quelque chose, mais la faim commençait à se faire sentir, alors je me suis attelé à la cuisine ; il fallait bien que quelqu’un s’y colle. Et ça peut paraître anodin comme ça, voire trivial, mais la cuisine, dans l’espace, c’est pas rien. La vraie cuisine, je veux dire. Typiquement, dans l’autre vaisseau, ils avaient juste un petit coin pour de la popote rapide, très mal entretenu, d’ailleurs, avec un conditionneur de sachexpress, une plaque chauffante pour d’éventuelles petites fantaisies, et c’était tout. Ils ne cuisinaient pas, ils se nourrissaient, parce qu’il fallait bien le faire.
Ce qui est une erreur fatale, à mon avis, dans l’espace. Quand on fait de longs voyages dans le vide intersidéral, la bouffe, la bonne bouffe c’est vital. Bien manger, varier les goûts, c’est important pour le moral et l’entente de l’équipage, bien plus que beaucoup d’équipages le croient. Parce que mine de rien, entre passer un moment autour de la table et du repas posé dessus, et avoir des choses à dire sur ledit repas, eh bah ça brise la glace et à force, ça crée du lien. Alors que manger dans un sachexpress au goût aussi vite oublié qu’il est avalé, chacun dans son coin, et bah c’est pas terrible, niveau ambiance.
Même mal cuisiner, ça crée du lien. Rien que le fou rire collectif qu’on a eu la première fois que j’ai fait des frites, c’est un moment historique pour nous. Après avoir dû négocier pendant deux semaines avec Cap’ pour qu’elle me paie une friteuse digne de ce nom, compatible avec le vaisseau et nos différentes conditions de voyage, sur le budget de l’équipage ; mes premières frites cuites en 0G pendant un de nos trajets étaient dégueulasses. J’avais mal réglé la machine : il faut toujours lire le mode d’emploi, les enfants. Mais voilà, le fait d’en discuter autour de la table a créé du lien, et quand certains de mes essais suivants ont été couronnés de succès à force de suggestions, c’était une réussite collective. Mais pardon, je digresse encore.
Tout ça pour dire que j’étais en cuisine, à préparer du déracor à la sauce gribiche, quand Andro a fait sonner un petit signal pas trop violent pour nous prévenir que notre copain était réveillé bien plus tôt que prévu. Et du coup, avec mon casque sur les oreilles, à danser en écoutant de la musique à fond, contrairement à mon habitude, convaincu que pendant quelques heures je ne risquais pas de rater quoi que ce soit, j’ai rien entendu.
Il a fallu que Tombal vienne me secouer par l’épaule, sur les ordres de la Cap’, manquant de me couper le doigt à cause de la surprise, quelques minutes plus tard, pour que je finisse par rejoindre la bande à l’infirmerie. D’ordinaire, je n’aurais certainement pas laissé un plat en préparation en plan comme ça, mais je n’étais pas très avancé, donc je pouvais me le permettre. Et puis, de toute façon, on ne discute pas les ordres de Cap’. Tombal ne me l’avait pas dit, mais il ne se serait pas déplacé sans un ordre, surtout pour moi.

Il avait bien meilleure mine, notre copain le burrito, mais l’air sacrément anxieux, quand j’ai franchi la porte. Ses yeux faisaient le tour de l’infirmerie, dévisageaient les membres de l’équipage, les uns après les autres, en insistant plus souvent qu’à son tour sur Cap’. J’ai compris en arrivant qu’elle l’avait gentiment fait taire avant que j’arrive ; elle voulait qu’on écoute tous en même temps ce qu’il avait à nous dire. Il l’a regardée une dernière fois dès qu’il m’a vu rentrer à la suite de Tombal, elle a hochée la tête en l’invitant d’un geste de la main à tout nous raconter. C’était très décousu, voire confus par moment, et encore aujourd’hui, je suis pas complètement sûr d’avoir tout compris de ce qu’il nous a raconté, donc soyez pas étonné de quelques incohérences.
À la base, ils étaient 5 ; des scientifiques, bossant pour une Corpo-Planète dont j’ai oublié le nom, mais un truc massif parmi tant d’autres au sein de la Fédération. Le genre à pouvoir faire passer une loi au Sénat Fédéral en un coup de fil et une menace voilée. Burrito et ses copains étaient des p’tits joueurs de la section Recherche & Développement, chargés de réceptionner des colis venant de tous les coins de l’univers connus remplis d’objets et d’artefacts étranges ou insolites et d’en trier le contenu pour voir ce qui pouvait en être tiré d’intéressant pour la firme.
Vous vous en doutez, c’était un boulot nul, avec peu voire pas de découvertes réelles, et pas beaucoup de perspectives. Et dans les rares cas où ils dégottaient effectivement quelque chose d’intéressant, ils s’en faisaient déposséder dans la seconde par leurs responsables qui s’en attribuaient le mérite. Ç’a duré plusieurs années comme ça, entre brimades, déception et désespoir, bloqués par un contrat abusif et un contexte politico-économique pourri. Je vous épargne les détails, mais sachez qu’il a pleuré à ce moment de son récit ; ça doit vous donner une idée.
Mais à force de bosser là-bas, quand même, ils ont commencé à faire preuve d’astuce et ont fomenté un petit plan pour s’en sortir et damer le pion à la firme en même temps. Patiemment, ils ont mis de l’argent de côté pour se payer un vaisseau, des pièces d’identité, et les pots-de-vin nécessaires à leur évasion de leur entreprise-prison. Vous auriez vu la peur dans ses yeux quand il nous racontait ça, c’était quelque chose. Paranoïa, dénonciations, enlèvements, assassinats… la totale. Il ne nous l’a pas avoué, mais on était d’accord après coup pour se dire que l’un deux avait forcément tué quelqu’un pour assurer leurs arrières, à un moment.
Le signal de départ leur est arrivé dans un de leurs colis, comme ils l’avaient prévu, ils y a quelques semaines, maintenant que leur plan était totalement en place. Il ne leur manquait qu’un élément, une découverte suffisamment importante pour qu’ils puissent se barrer avec et se faire de la thune dessus une fois installés tranquillement à une distance qui les mette à l’abri des limiers de la firme. Vous vous doutez bien, l’objet en question était le truc bizarre qui nous a aussi, mis dans la merde. J’y reviendrai.
Toujours est-il que voilà, ils reçoivent le colis avec le machin dedans, ils l’examinent, mettent pas longtemps à comprendre que c’est le jackpot, et ils exécutent leur plan, auquel, honnêtement, j’ai rien compris. Ça impliquait, de mémoire, une ferme à clones, un club de strip-tease, un plan comptable et la femme du patron de la branche régionale. Et un chat sphinx de Felnérad, l’espèce est importante. Mais bref, tout se passe sans réelles encombres, ils parviennent même à profiter de la confusion qu’ils ont créé pour voler un autre vaisseau que celui qu’ils ont acheté, avec à son bord un prototype d’IA nouvelle génération, et tout ce qu’ils pensent leur être nécessaire à une petite installation pépère, et se barrent avec, direction l’adresse d’expédition indiquée sur le colis, qu’ils ont habilement gardée pour eux.
Mais, bien entendu, ça ne pouvait pas être aussi simple. Sinon, on aurait pas retrouvé un vaisseau vide à l’exception d’un Burrito (j’assume complètement de lui avoir filé ce surnom) calé derrière une cloison. Et là, à ma confusion, il faut sans doute ajouter la sienne, puisqu’il n’était pas sûr non plus de ce qui s’était passé. Mais en gros, après une petite semaine, une partie de l’équipage tombe malade. Genre salement. Ça tousse du sang, les extrémités commencent à se nécroser, ça vomit ses tripes et ça saigne des oreilles. Ils arrivent in extremis à déterminer que c’est un truc dans le sang, soupçonnent un empoisonnement du à la firme, sans pouvoir pour autant prouver la méthode ni l’origine. Mais le mal est fait. En désespoir de cause, alors qu’il est le seul à ne pas sembler être atteint par la maladie, ils décident de le mettre en cryo-stase pour lui donner une chance ; le cryo-gel est bourré d’antibiotiques et de nano-médicaments à activation sélective, une jolie acquisition dans la trousse de secours du vaisseau. Ils se disent que ça lui permettra peut-être de s’en sortir.
Et ils ont eu raison, de toute évidence. D’autant plus que notre IA et nos instruments n’ont rien détecté de dangereux en lui, il était totalement clean. Donc soit le cryo-gel avait effectivement bien fait le boulot, soit il nous racontait des bobards. Mais avec le vaisseau complètement vide et exempt de toute trace de contaminants, on avait aucun chance de savoir si c’était vrai. D’autant qu’il était effectivement resté en cryo-stase pendant plus d’une semaine. Il nous fallait Hector pour savoir ce qu’il s’était passé pendant ce laps de temps.
À la fin de ses explications, il était épuisé, pas en état d’en dire plus ou de discuter. C’était pas vraiment la peine d’insister. Et il pouvait aller nulle part dans son état. On l’a laissé se reposer un peu avant de prendre une décision, et pendant que je finissais de préparer le repas, on a discuté de la suite qu’on allait donner aux événements. Moi, je votais pour qu’on le remette dans son vaisseau après avoir pris tout le matos disponible, puis qu’on retourne à nos affaires dans un autre secteur. Risque minimum, butin maximum. Mais Larsen et Andro étaient curieux, ils voulaient au moins savoir ce qu’était exactement l’artefact, et ce qu’il y avait dans le poste de pilotage, sans compter savoir ce qui était réellement arrivé. Tombal, de son côté, je vous le donne en mille, il s’en foutait. Cap’ nous a pas dit ce qu’elle voulait exactement, mais on a tous reconnu l’étincelle dans ses yeux. Elle aussi elle était curieuse. Et elle semblait avoir capté quelque chose de plus que nous, aussi.

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3 comments on “Impossible Planète – Episode 4

  1. Tororo dit :

    « Il faut toujours lire le mode d’emploi, les enfants. » Voilà une recommandation qui arrive à son heure (et, en qualité de cuisinier amateur, j’en confirme la pertinence).

    Aimé par 1 personne

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