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Impossible Planète – Episode 9

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Avant toute chose, il faut savoir que « corsaires », c’est un abus de langage. Je vous le dis parce que tout le monde n’est pas de notre partie, donc je préfère éviter toute confusion. Il ne s’agit pas de la même chose qu’à la grande époque de la piraterie terrienne, même si l’erreur est aussi courante que compréhensible. Marrant, quand même, après des siècles de voyage spatiale et de Fédération, certaines légendes persistent malgré tout. C’est fou, la culture.
Bref. Ici, il ne s’agit pas de piraterie assermentée, légale uniquement en temps de guerre (pour aller vite). Non, un corsaire de l’espace, à notre merveilleuse époque, c’est plutôt un mercenaire (encore une fois pour aller vite, je ne veux vexer personne). Alors, entendons-nous bien, on est sur du mercenaire de luxe, hein. Cible précise, contrat garanti par la Fédération, moyennant finances, conditions et assurances, toutes définies dans des termes extrêmement précis.
Avoir son équipage embauché pour une mission corsaire, c’est le rêve. D’abord parce que c’est la classe. C’est la reconnaissance qu’en tant que pirates, vous êtes trop forts pour vous faire chopper, et qu’il vaut mieux vous intégrer directement au système, au moins le temps d’une mission ; ce qui veut dire thunes et sécurité de l’emploi. Alors certes, les risques du métier ne disparaissent pas non plus en même temps que vous signez le contrat, et parfois faut aller péter la gueule à des équipages copains. Mais bon, au moins, pendant un temps vous n’avez plus à vous préoccuper de votre compte en banque. Or, un pirate payé et apte à produire des notes de frais est un pirate serein, pouvant donc se consacrer entièrement à la tâche qui lui est dévolue, de façon efficace.
Tout le monde comprend bien que c’est le jeu, sauf les mauvais perdants. Mais, comme leurs noms l’indique, ce sont avant tout des perdants, alors ils ne posent pas problème très longtemps, en général.

Mais pour en revenir à notre situation, vous n’aurez pas manqué de remarquer l’habile parenthèse, signalant que nos poursuivants se signalaient comme des corsaires officiels. Pour faire court et revenir aussi vite que possible à ce qui nous intéresse, sachez que les circuits parallèles à la Fédération ont leur propre circuit de corsaires, dont les enjeux et contrats sont les mêmes, mais sans approbation des instances officielles. On les tolère parce que ça brasse l’argent, et que légalement, il n’y a pas encore de législation précise qui les interdise. L’assemblée fédérale bosse sur le sujet, mais trop d’intérêts se brassent là-dedans pour que ça puisse aboutir assez vite.
Pour faire la différence, il suffit de regarder la carlingue des vaisseaux des équipages corsaires : il y a un hologramme officiel de la Fédération visible peu importe l’angle sur les officiels ; histoire d’éviter les confusions. Au moins avant les engagements, évidemment, puisqu’un missile ou une décharge énergétique a très souvent raison des projecteurs avant tout autre équipement.
Mais pardon, je m’égare.
Nous étions donc pris en chasse par un corsaire officiel. Du genre à bien connaître son boulot, sans doute pas à son premier contrat, puisqu’il a bien pris soin de se révéler à nous au dernier moment avant nos manœuvres d’entrée dans l’espace officiel du deuxième spatio-port de notre itinéraire. Il faut savoir que les missions de corsaire ne sont quasiment que des missions d’assassinat. Il s’agit la plupart du temps de missions de capture ou de récupération.
Se montrer comme ça au dernier moment, c’était à la fois une façon de nous empêcher de réagir sans prendre de risques, puisqu’on était à deux vaisseaux de front au milieu d’autres arrivants et une façon de nous intimider en mode « Hey. Voyez ce qu’on peut faire. ». Sans compter que c’était malin puisqu’ils étaient, eux, hors de la zone d’espace du spatio-port. En cas de dégâts sans qu’ils engagent réellement le combat, ils ne seraient même pas fautifs. Propre.
Mais Cap’ n’est pas notre capitaine pour rien, et à l’instant où Hector nous a signalé à sa manière si désinvolte qu’un vaisseau corsaire avait verrouillé ses capteurs sur nos positions, elle a su réagir à la perfection. Identification de la menace, calcul stratégique, exécution de la tactique.
En trois secondes, elle avait transmis ses consignes, et on les appliquait. Boom.
Dit comme ça, ç’aurait pu être classe. Bon, dans les faits, on a foncé vers le spatio-port pour s’y planquer, parce qu’on avait pas la puissance de feu ni l’avantage de la discrétion pour envisager de sortir de l’espace commun pour un affrontement de front dans l’espace fédéral ou même l’espace profond, mais sa décision était sans conteste la bonne. Et de toute façon, la principale qualité d’un chef n’est pas tant de toujours prendre les bonnes décisions, mais simplement de les prendre aussi vite que possible pour pouvoir s’adapter au mieux aux changements de circonstances. Or, Cap’ est très forte pour ce qui est des décisions rapides et difficiles.
Clairement, on jouait sur le terrain de cet équipage corsaire, et ils voulaient nous affronter dans le hub plutôt que dans l’espace. Mais en analysant proprement la situation, en comprenant d’office que c’étaient nous qu’ils voulaient plutôt que nous descendre, elle nous laissait une chance de pouvoir retourner la situation à notre avantage. La moindre seconde comptait. Je vous raconte pas la gueule que tirait Tombal quand il a compris qu’il pourrait pas faire mumuse avec ses gros lasers et propulseurs de combat cette fois encore. Je crois que le garçon a des petits problèmes. Mais il a suivi les ordres sans rien dire.
T’façon il dit jamais rien.

Ce hub ci n’était pas en pleine effervescence, comme le précédent. Au contraire, on l’avait choisi, initialement, parce qu’il était extrêmement calme et discret. Si la Fédération ne s’y intéressait pas, pour le coup, c’était plutôt parce qu’il n’aurait juste pas été rentable de le faire ; il ne s’y passait quasiment jamais rien. L’équivalent spatial d’un resto-route minable. Juste assez de clientèle et d’activité pour survivre, mais pas assez pour ne pas donner l’impression qu’une colonie de rats allait surgir de la cave d’une seconde à l’autre. L’avantage de ce genre d’endroits, c’est que normalement, personne ou presque ne s’y intéresse, et qu’il y a de la place en surface pour poser le(s) vaisseau(x) et prendre le temps de la maintenance et des réparations tranquillement, sans la contrainte de l’amarrage en atmosphère et donc des sorties en scaphandres et toutes ces joyeusetés. C’est quand même plus simple de refaire la peinture sans des gants assez épais pour supporter le froid du vide. Par exemple. Je ne dis pas ça parce que c’est tout le temps moi qui m’y colle.
Or, cette station, on y avait nos petites habitudes, et de par sa position relativement centrale dans la Fédération, on y faisait souvent des arrêts de réapprovisionnement chez une grossiste de notre connaissance. C’est la tante de Larsen, pour être tout à fait transparent, elle nous fait des prix sur ses prix. Et c’est pas pour me vanter, mais je crois qu’elle a un petit faible pour moi, ce qui fait qu’elle m’offre souvent des petits cadeaux, comme elle sait à quel point la cuisine est importante pour moi ; des épices ou des condiments spéciaux qu’elle n’a pas en grandes quantités. Elle est adorable, avant tout. Des fois elle met même des amphétubes de côté pour Tombal, en espérant que ça le déride un peu. Une fois, il a même dit merci. À haute voix. Une sainte.
N’importe quel équipage qui a sérieusement fait ses recherches sur nous serait aisément arrivé à la conclusion que cet endroit était le meilleur pour nous rencontrer, ou, en l’occurrence, nous prendre par derrière comme des lâches. Je juge pas, je constate : il faut ce qu’il faut pour mener une mission à bien. On est des pirates, pas des… J’ai pas le bon mot là, mais vous voyez l’idée.
Donc voilà, on a foncé vers la surface, pour se poser au plus tôt et gagner quelques précieuses secondes ; le temps que nos poursuivants se posent à leur tour, idéalement loin de nous, faute de place pour se garer. Je sais que c’est pas reluisant comme argument, mais la réalité l’est rarement.
Et comme on est quand même des êtres sensibles, on a fait en sorte, malgré la précipitation, de nous caser à la fois loin de la tante de Larsen et dans un endroit fréquenté. L’idée, c’était de nous assurer une couverture civile mais d’éviter les dommages collatéraux trop durs à payer par la suite, émotionnellement ou financièrement. La compagnie d’assurances de Tantine nous avait déjà dans le collimateur depuis un vieil accident sur lequel je ne m’étendrai pas, c’était franchement pas la peine d’en rajouter.

Le hub en question était situé sur une planète semi-hostile en cours de terraformation depuis quelques années déjà, un seul continent, relativement restreint, était praticable, avec ce que ça sous-entend de galères. Nos contacts réguliers étant plutôt majoritairement au sud, on a vaguement opté pour le nord, par défaut. On s’est posé en catastrophe – sans heurts, parce que Tombal assure – dans une friche industrielle recyclée malgré elle en zone d’atterrissage, en veillant à bien éloigner nos deux vaisseaux d’une généreuse distance. Astuce de pro : si vous avez plusieurs vaisseaux à garer, à moins d’être dans un lieu dont vous êtes absolument sûrs, éloignez les le plus possible. Car en effet, en cas d’explosion d’un des vaisseaux, les chances d’une réaction en chaîne s’amenuisent avec chaque mètre.
Je ne parle absolument pas d’expérience. C’est un pote qui m’a expliqué ça un jour.
Les règles ici étaient un peu différentes du hub précédent, forcément, puisque l’affluence et les activités n’étaient pas vraiment les mêmes. Si dans l’espace commun, comme partout ailleurs dans la Fédération le combat était rigoureusement interdit et puni de façon expéditive, à terre, c’était nettement plus souple. Pour tout dire, cet endroit là, en dehors de quelques zones tranquillisées par la force des choses – c’est impossible de faire du business quand les gens se tirent dessus autour de vous – c’était assez franchement le bordel. Ce qui expliquait d’ailleurs le manque de densité de population.
Personne n’aimait s’attarder dans le coin, parce que tout y tournait forcément au vinaigre, à un moment ou à un autre, au point de faire naître des rumeurs de malédiction à l’échelle planétaire. Du coup, pas beaucoup d’habitants fixes et stables, surtout dans la durée. Faut dire que dès qu’on évoque le massacre perpétré par la corporation qui possède désormais les terrains sur les populations autochtones ; les rumeurs prennent une autre consistance.
Nous on y passait jamais plus de trois jours d’affilée, autant par goût trop prononcé de l’espace que par pure précaution superstitieuse. Règle de base des pirates : on n’est jamais trop prudent.
Et dans cette optique, malgré notre connaissance du terrain, on ne pouvait pas jouer le coup avec trop de confiance. Sans compter que vu l’allure de leur vaisseau, ils devaient avoir un sacré matos pour nous cueillir à terre aussi. Ou alors ils avaient quelque chose à compenser, mais les deux ne sont pas incompatibles, bien au contraire.
Les quelques secondes que la présence d’esprit de Cap’ nous avait faites gagner nous ont permis d’ordonner à Hector de lancer un scan rapide à l’échelle du continent, verrouillé sur la signature système du corsaire pour tâcher de repérer d’où ils allaient pouvoir débarquer. En toute logique, ils auraient fait la même chose, il était question de tenter de se ménager un engagement au sol avec un max d’informations utiles. Si un plan ne survit jamais à la rencontre avec l’ennemi, au moins il permet d’anticiper au mieux et de s’adapter. J’ai l’impression de me répéter.
Mais bref. Leur vaisseau était parvenu à se diriger quelque part à l’ouest, pas très loin, à vrai dire, dans une zone industrielle en activité, ce qui pouvait signifier deux choses : soit ils étaient déterminés à nous tomber dessus le plus tôt possible, quitte à prendre le risque de se fâcher avec les locaux, soit ils avaient des contacts sur place.
On est parti du principe qu’on était grave dans la merde. Paradoxalement, ça tranquillise. Un vaisseau de cette taille, aussi bien équipé, ça suggérait un équipage nombreux, et avec l’aide d’agents de sécurité des usines alentours, embauchés au pied levé pour un intérim en pétage de genoux, on chiffrait sur une quinzaine de personnes à devoir affronter à 6. Ou 7, si on comptait Hector.
6 contre 15 donc, en voyant large.
Infériorité numérique, sans doute tactique, et évidemment, matérielle.
Clairement, il était pas question d’envisager autre chose que de devoir être malin·e·s pour nous en sortir.
Ça tombait pas si mal. Faire les malin·e·s, il s’avère que c’est notre spécialité.

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