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Impossible Planète – Episode 20

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Bon, j’avoue, je force un peu le trait, c’était pas si soudain que je le laisse paraître, même si c’était brutal ; ça mérite quelques explications. C’est pas comme si la porte était classique, pour ainsi dire, déjà. Pas de poignée ni de gonds visibles, bien entendu. Mais un espèce de creux circulaire parfaitement lisse qui ne se voyait pas de loin, à cause de la lumière bizarre de l’endroit. J’avais même pas remarqué qu’il n’y en avait aucune source visible, il a fallu qu’on me le fasse remarquer bien plus tard. Mais sur le moment, je voulais juste savoir ce qu’il y avait derrière cette satanée porte, le reste m’importait peu.
Donc en arrivant devant, captant cette irrégularité, j’en ai très logiquement déduit, parce que je suis un mec pas trop con, parfois, qu’elle ne se poussait pas, ni ne se tirait ; mais qu’elle coulissait. Fait amusant, bien que très secondaire ; en posant les doigts dans ce que je dois bien appeler une poignée creuse, j’ai senti, même à travers mon scaphandre, une sorte de résistance. Jusque là, toutes les parois sans exception étaient parfaitement lisses, c’était la première fois que je ressentais une imperfection, une rugosité quelconque. Ce qui était étrange, c’est que je la ressentais avant même d’exercer la moindre pression.
La sensation la plus proche que ça m’évoquait, c’était celle qu’on ressent en jouant avec des aimants, comme si la porte attirait mes doigts sans pour autant les violenter. Une fois le contact établi, je devais faire un effort, certes léger, mais tout de même indéniable pour le rompre. Vu comme la surface de la porte était lisse, comme le reste de ce putain d’endroit, c’était bien le minimum pour permettre de prendre un appui correct et pousser la porte dans le mur.
En vrai, j’y croyais pas ; je faisais ça par défiance, colère et acquit de conscience. J’allais échouer, pester et retourner m’allonger, attendre comme le con que j’étais. Sauf que non. La porte a glissé, tranquillement, et a même continué sur sa lancée jusqu’à se loger dans le mur avec un petit déclic tout à fait satisfaisant.
Emporté par l’euphorie de mon succès – il m’en faut peu, j’en conviens – je me suis avancé dans la pièce ouverte, quand bien même je ne voyais rien de ce qu’il pouvait y avoir à l’intérieur, sans doute par un effet d’optique similaire à celui qui avait mené à ma téléportation plus tôt. Je comprends vite, mais il faut m’expliquer lentement.
Je n’ai pas de nouveau été téléporté, ceci étant dit ; ce que j’aurais dû logiquement craindre si j’avais pris le temps de réellement réfléchir. Non, j’ai passé le seuil, et pendant les trois premiers pas, il ne s’est rien passé. Rien du tout. Le noir complet, pas de bruit, rien de rien. C’était presque décevant. Ce qui était curieux, puisque quand je passais la porte, Burrito me parlait toujours d’architecture comparative au creux de l’oreille. Ça avait coupé pile au moment de passer, et je ne m’en étais pas rendu compte tout de suite, obnubilé que j’étais par l’idée de faire autre chose qu’attendre. J’aurais pu allumer la torche de mon scaphandre, par exemple. Mais non, j’ai encore paniqué.
Mon erreur décisive, il me semble, à ce moment là, c’est d’avoir voulu me retourner pour sortir de la pièce et avouer ma bêtise au reste de l’équipage. Sauf qu’en faisant demi-tour, j’ai déclenché un truc que je n’ai pas pu vraiment identifier, qui s’est abattu sur moi avec brusquerie et violence.
Je suis vraiment mort, cette fois là, la douleur ne trompe pas. Même si elle ne dure qu’une demie-seconde. Niveau infos, tout ce que j’ai pu retirer de cette expérience, c’est que je suis apparemment très sensible du foie, que quelque chose, à cet instant, a dû me frapper aux environs de ce dernier avec suffisamment de force pour ignorer les protections de mon scaphandre, et que je ne suis, encore une fois, pas resté mort assez longtemps pour avoir la moindre indication d’une potentielle vie après la mort. Toutes mes excuses à mes camarades croyant·e·s, encore une fois, j’aurais aimé vous fournir des réponses.
Parce qu’évidemment, j’ai été ressuscité immédiatement, sinon vous conviendrez que ce serait compliqué de vous raconter tout ça. Niveau suspense, on repassera, j’en suis le premier navré. Disons que je compense par un certain exotisme dans les péripéties et un charme ravageur dans la narration.
Donc ouais. Je suis revenu à mon point de départ, dans le même coin de cet étrange hangar/couloir nu. Mes mains qui se précipitent d’instinct sur mon ventre pour vérifier que tout est en place, la respiration paniquée, les sueurs froides et le regard qui part dans un peu toutes les directions pour s’assurer que tout ce bordel est bel et bien réel ; ce qu’on attendrait logiquement de quelqu’un dans ma situation, en somme.
Et dans mon oreille, Burrito continuait, comme si de rien n’était. De son côté, il y avait eu quelque chose comme un petit bruit blanc, rien d’étonnant pour lui, dans ces circonstances. Autant dire que quand j’ai avoué ma bêtise et ses conséquences, il y a eu un sacré moment de flottement. Suivi d’un pétage de plomb absolument justifié mais très vulgaire de Cap’, que j’ai fort logiquement censuré, à la fois pour être politiquement correct, mais aussi pour préserver mon ego à l’idée de s’y confronter une seconde fois. Je me souviens surtout d’un passage où elle m’intimait de rester immobile, cette fois, ou bien elle allait me disperser façon puzzle en tellement de petites pièces qu’il faudrait une IA dix fois plus puissante qu’Hector et Achille combinés pour me reconstituer. Elle a la menace spécifique, Cap’.
Et efficace, évidemment. Pas bougé pendant 12 heures. Longue vie aux circuits automatiques de recyclage ; des merveilles ces scaphandres, vraiment. Normalement, l’équipage aurait dû être capable de me rejoindre bien plus vite, 32 kilomètres à bonne allure, c’était 3 ou 4 heures de moins, mais il fallait être prudent sur le trajet, on ne sait jamais. Sans compter que Larsen prenait de longues minutes de trop à chaque pause pour essayer de désosser les deux Drogos qui m’avaient téléporté et en découvrir les inévitables secrets. Sans succès, bien entendu, parce qu’il n’avait pas les bons outils et que ces saloperies étaient bien trop lisses, encore plus une fois « mortes », d’après lui. Mais il disait ça parce qu’il était frustré, sans aucun doute.
Je vous passe l’essentiel du voyage, vraiment, rien à signaler à la surface. Quelques passages de Drogos, mais trop rapides pour être signifiants, quelques instances curieuses d’irrégularités dans le sol, quelques observations intéressantes sur les changements cycliques de l’architecture mais pas le temps pour des détours ou les arrêts longue durée ; j’étais l’objectif.
Je vais être honnête, c’était flatteur, malgré ma blessure persistante à l’ego.

J’avais fini par m’endormir, ce qui n’était sans doute pas plus mal. À la fois parce qu’il fallait que je me remette de mes émotions et parce que j’en pouvais plus d’entendre Burrito et Larsen discuter de sujets dont je n’avais rien à battre. Je les aime beaucoup, mais on peut pas dire qu’en dehors du boulot on ait beaucoup de points communs. Toujours est-il que c’est Cap’ qui m’a réveillé, avec l’équivalent sonore d’un coup de pied dans les côtes, une espèce d’aboiement martial confus mais terriblement évocateur. J’étais debout et au garde-à-vous avant même qu’elle ait le temps de songer à se répéter. Il était temps de bouger et de bosser pour qu’on se retrouve.
Sur le plan sommaire qu’Achille avait pu nous bricoler avec les infos qu’on avait pu récupérer jusque là, on était clairement enfin dans la même zone, mais j’étais plusieurs dizaines de mètres sous la surface, seule explication de la disparition de mon feed vidéo. Même pas la peine de songer à creuser, bien entendu, il fallait essayer de trouver un accès pour me sortir de là. Tout le monde était crevé, l’objectif c’était surtout de pouvoir établir un petit campement temporaire, se reposer un bon coup et repartir vers le vaisseau pour analyser les quelques échantillons récoltés, et surtout les Drogos avec l’aide de Tombal’.
L’endroit où l’équipage était arrivé, en soi, ne dénotait pas vraiment du reste de la planète, en dehors d’une sorte de place circulaire à quelques dizaines de mètres. D’après Burrito, les constructions sur place juraient un peu avec le reste de l’architecture locale, parce que malgré ce sempiternel métal de merde (ça c’est moi qui le dit, pas lui), il y avait un usage beaucoup plus prégnant des courbes que partout ailleurs. On aurait dit un amphithéâtre aux proportions bâtardes, c’était étrange. À la fois trop grand pour nous mais trop petit pour réellement en être un. Nos copains xénos avait un sérieux problème de proportions, de ce qu’on pouvait en juger.
Iels s’en sont approché, de fait, évidemment, n’importe quel indice pouvait les mener à me retrouver ou à trouver un accès. De ce que j’en ai vu bien plus tard, c’est vrai que l’endroit avait quelque chose d’étrange par rapport à tout ce qu’on avait pu croiser jusque là ; comme une impression de calme et de fragilité. Ça jurait avec les bâtiments puissants et imposants, le ciel en était moins étouffant, Andro a même dit que le sable était plus doux sous leurs pieds. Le sentiment d’apaisement était tel qu’iels n’ont pas pu résister à l’envie de s’asseoir quelques secondes, le temps de réfléchir.
Et à peine le joli p’tit cul d’Andro avait touché un des blocs qu’il avait pris pour un siège pas très ergonomique que l’évidence leur a sauté à la gueule, le faisant sursauter, à coup de lumières, de bruits insupportables et de Drogos par dizaines apparus de nulle part. Si vous saviez comme j’aurais aimé être là. Burrito, très gentil, comme à son habitude, essayait de tout me raconter en direct, ce qui ajoutait à la confusion générale. En vrai, ce que je vous raconte, je suis allé le chercher dans les archives vidéos du vaisseau tirées des feeds des autres ; il fallait que je le vois moi-même pour être sûr de tout comprendre.
Des nervures lumineuses irisées parcouraient les différents blocs sans discontinuer, et eux émettaient une sorte de signal discontinu, entre les aigus et les ultrasons, passant très rarement dans un médium à peine plus supportable. Les Drogos attendaient, évidemment, sans trembler, tout autour de l’équipage. Je ne vous surprendrai pas en vous disant qu’il y a encore eu un instant de flottement, même si ça me chagrine parce que j’ai la sale impression de quand même pas mal me répéter. La bonne nouvelle, ce qu’on approche enfin du vif du sujet.
Puisque, comme les Drogos ne semblaient pas agressifs, Larsen ne s’est pas vraiment inquiété de leur présence. Et comme il a les tympans très sensibles, il s’est dit que la priorité, c’était de régler le problème du son. Alors il a fait le tour des blocs pour voir tout ça depuis l’intérieur de l’Amphi ; dont vous aurez aisément deviné que c’est le nom qu’on lui a filé depuis. Pour constater immédiatement que divers éléments étaient apparus sur les blocs en même temps que le reste, comme ayant émergé du merdal (le métal de merde, pour cielles qui ne suivent pas). Et comme c’est un ingénieur dans l’âme, il a compris que certains de ces bidules étaient des boutons, que d’autres étaient des bitoniaux, et encore d’autres des machins ; et que tous faisaient sans doute des trucs.
Ou du moins il l’a supposé et a très bien fait semblant d’avoir complètement confiance en lui, puisque Cap’ ne l’a pas empêché de faire ce qu’il a fait. À savoir tout tripoter en espérant obtenir un résultat empiriquement utile et comprendre comment tout ça fonctionnait, ou mieux, à quoi ça pouvait bien servir. Dans l’âme, ingénieur, pas dans les faits. On est des pirates, pas des diplômé·e·s. Bon, sauf Burrito, mais c’est pas pareil.
Évidemment, pendant les premières minutes, il ne s’est absolument rien passé. Mêmes lumières, mêmes sons horribles, même immobilité des Drogos. Ce qui a beaucoup frustré Larsen, qui s’est mis à crier, parce que c’est ce qu’il fait quand il a mal à la tête et pas de doliplus sous la main. Il admettra bien volontiers lui-même que c’est pas bien utile mais j’imagine que ça soulage un peu.
Toujours dans un souci de correction, je vous fais grâce des insultes proférées par notre bricolo favori, même si je peux vous dire que certain·e·s geniteurices ont failli passer un très sale moment. Toujours est-il que si la manipulation frénétique des boutons, bitoniaux et autres semblait ne rien donner, crier et taper sur la machinerie a eu un effet immédiat. Le rêve de tout·e technicien·ne spécialisé·e.
Vous noterez que je n’ai pas dit un effet  »positif ». Non. Un effet immédiat. C’est pas pareil.

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