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Impossible Planète – Episode 37

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Après la confrontation frontale avec Cap’, faire son récit aux autres parut à Agcen une promenade de santé. Elle ne leur avait effectivement rien dit, à voir leurs mines tour à tour défaites, surprises ou ravies au fil de ses aveux. Sentir encore un peu plus du poids de sa culpabilité s’envoler alors qu’il déballait tout aidait sans doute beaucoup à la décontraction de tout le monde ; d’autant plus qu’il apparaissait clair que personne n’avait vraiment envie de lui en vouloir. Il y avait de la rancœur, évidemment, mais nourrie de déception plutôt qu’autre chose, comme lorsqu’un enfant turbulent avoue enfin toutes ses bêtises avec une réelle contrition, faisant montre de remords productifs en s’engageant totalement à ne plus jamais recommencer.
Agcen ne se donnait pas le beau rôle, il expliquait plutôt qu’il se justifiait, et donnait autant de gages de sa bonne foi : tout ça n’était que bénéfique, à terme. Et de toute façon, personne n’était dupe ; si Cap’ avait décidé de lui laisser une chance, c’est que cette chance lui était acquise, à moins d’une énorme bourde de sa part qui aurait trahie ses mauvaises intentions. Et de mauvaises intentions, il en était sincèrement dépourvu, désormais. Il ne pouvait pas s’empêcher de penser à d’éventuelles options de trahison ou de calculs personnels, mais c’était par déformation professionnelle, il se corrigeait systématiquement dans son esprit, allant même jusqu’à insulter celui qu’il avait pu être par le passé. L’Agcen individualiste était révolu, Agcen le Pirate collectiviste avait pris sa place à coup de mandales spirituelles.
Ce fut assez rapide, finalement, la situation était trop claire pour se perdre en explications superflues ou détours rhétoriques. Le vote suivit, et il fut unanime. Agcen était réintégré au rang zéro, sans rancune ou autre contreparties ; il n’avait qu’à montrer par ses actes qu’il était de nouveau un membre de l’équipage à part entière, et on rirait de toute cette histoire dans quelques années.
L’objectif, maintenant, c’était  »simplement » de trouver un moyen de s’enfuir de ce traquenard sans trop de pertes, et de monnayer leurs trouvailles avec malice. Au pire, la bande s’en retrouverait plus forte d’un membre d’équipage en la personne de Burrito, et d’un second vaisseau équipé d’une IA avancée en la personne d’Achille. La question de savoir si Hector était globalement un gain ou un handicap demeurait posée, sans que personne n’ose vraiment donner son avis.
En plus, puisqu’il n’avait pas donné signe de vie depuis le crash de la navette, on se disait qu’il pouvait très bien avoir trouvé un moyen d’écouter discrètement toute leur conversation, et on préférait éviter de potentiellement le vexer.
Et puisque le vote était unanime, Larsen lui fit dans la foulée l’injection de nanomeds qui le remettrait sur pieds assez vite pour qu’il puisse se mettre au boulot aussi tôt que possible. Et puisqu’il était cassé de partout, et que les toutes petites bestioles de polymères faisaient un mal de chien en agissant, il lui fit aussi une injection de sédatifs. Une preuve de bonne volonté, en quelque sorte. Le sommeil d’Agcen fut immédiat, très long, et extraordinairement reposant.

La guérison prit tout de même quelques temps ; s’il fût capable de se lever et de se promener un peu dès le lendemain, Agcen dût ronger son frein pendant trois jours pour être de nouveau opérationnel et pouvoir réellement aider les camarades à préparer leur fuite. Il mit ce temps à profit pour se mettre à jour dans les événements qui avaient précédés son retour et se tenir au courant des états respectifs de Korey et Badj. Eux-deux allaient nettement mieux que lui, puisque connaissant les mesures de sécurité de la navette, avaient pu enclencher les foambags de leurs postes, les protégeant intégralement du crash. Agcen soupçonnait le Commodore déchu de lui en avoir caché l’existence volontairement, espérant sans doute que lui meure dans l’opération, le débarrassant d’un rival aussi tenace et pénible à supporter. D’une certaine manière, c’était de bonne guerre, mais il l’avait mauvaise quand même ; il se disait qu’il lui aurait dit, lui. Alors, oui, il en aurait profité pour lui envoyer une pique vexante, mais c’était pas une raison.
Les deux officiers du Consortium avaient été enfermés dans l’épave de la navette, réduits à l’état de simples prisonniers, à la fois pour ne pas avoir à les surveiller en permanence, mais aussi et surtout parce qu’ils constituaient une potentielle précieuse monnaie d’échange pour plus tard. Cap’ mettait un point d’honneur à tout de même les traiter au mieux. Nourris trois fois par jour, le droit régulier à une petite promenade pour se dégourdir les jambes, éventuellement discuter un peu, dans la mesure du raisonnable, et dans un périmètre contrôlé pour qu’aucune information essentielle ne filtre, à savoir la zone d’atterrissage, qui, en dehors des dégâts causés par le crash des fugitifs, n’avait pas bougé d’un iota.
C’est le reste de la planète qui avait fortement décontenancé Agcen : il s’était passé beaucoup de choses depuis son départ.

Larsen et Tombal, en entendant les détonations du pistolet de poche d’Agcen dans leurs comlinks, avaient immédiatement compris la nature de ce qui s’était passé, sans évidemment pouvoir en saisir tout de suite les détails. Le premier avait allégrement paniqué pendant quelques minutes, le second avait couru hors de son cockpit pour le rejoindre, signe indéniable de l’horreur de la situation. Il n’avait pas fallu longtemps à Achille, par contre, pour identifier les victimes et la raison de leurs morts, grâce, encore une fois, à la qualité de leurs scaphandres.
L’incompréhension avait fait place à la confusion, puis à la colère, et enfin à ce calme étrange suscité par la sidération qui fait que tout se mélange, jusqu’à atteindre un étrange niveau de conscience détaché, presque extérieur à soi-même.
Larsen n’était pas rentré dans les détails avec Agcen, par gêne autant que par prudence ; mais au cours des deux jours qui avaient suivi, avec le soutien de Tombal, il avait tenté avec acharnement de percer les secrets de l’Amphi et des Drogos pour parvenir à ramener le reste de l’équipage à la vie. Il était persuadé que ce qu’il avait baptisé leurs  »signatures corporelles » étaient forcément stockés quelque part dans le système informatique de la planète et qu’il ne lui suffisait que de percer ses mystères pour s’en rendre maître.
Il n’avait qu’à moitié raison, puisqu’à l’aide des connaissances accumulées sur les Drogos et d’un terrible déficit de sommeil – dont il portait encore les marques si longtemps après – il était effectivement parvenu à trouver la solution. Un mélange de chance et d’une intuition mâtinée de compréhension incomplète, il l’admettait bien volontiers. Toujours est-il que la bande fut bientôt de nouveau au complet, encore séparée par le même dédale d’épreuve qu’auparavant, Larsen n’ayant pas trouvé de solution autre que de reprendre depuis  »le dernier point de sauvegarde ».
Mais ses progrès dans les deux jours précédents avaient été tels qu’il put, de là, reprendre les choses en mains avec une certaine efficacité, notamment avec le soutien de Cap’, qui s’était alors décidé à utiliser ses dons psionniques à l’avantage du groupe, rompant avec sa réserve habituelle. Aux grands maux les grands remèdes. Et c’est là que Larsen se rendit compte qu’il avait donc à moitié tort, puisque ce fut bien Cap’ qui se rendit maîtresse de la planète, réalisant un peu tardivement, bien que fort logiquement, que son don singulier ne semblait pas l’être dans la culture des xénos architectes de l’endroit. Trop occupée à cacher ses capacités, par habitude, et prise dans le tourbillon des événements, elle avait simplement oublié de faire le lien entre la télécommande qui avait ouvert la planète et la planète elle-même.

En effet, tout ou presque pouvait aisément y fonctionner à l’aide d’ondes psi, faisant fi de commandes vocales ou de boutons, interrogeant sur le besoin de leurs présences sur place en particulier dans l’Amphi. Mais la priorité était évidemment ailleurs. La première avait été de s’énerver collégialement à propos de la trahison d’Agcen, évidemment, et de se passer les nerfs sur son dos absent à coup d’insultes aussi créatives que cathartiques.
Puis, très vite, de se sortir de leur situation épineuse, devinant assez aisément que les choses ne pouvaient aller qu’en s’empirant si l’équipage ne se pressait pas un peu.
Et, forte de sa nouvelle appréhension des lieux, lui permettant de faire fi des codes ou autres langages nécessaires à l’activation des interfaces disponibles, Cap’ parvint très vite à communiquer ses commandes mentales aux Drogos et à peu près toute la machinerie à sa portée. Elle ne comprenait pas toujours ce qu’elle faisait, puisque ses envies n’étaient que rarement compatibles avec les fonctions normales desdites machineries et qu’elle n’avait pas l’habitude de projeter des envies plutôt que des phrases verbales. Elle provoqua quelques accidents et menues catastrophes avant de réussir à vraiment parvenir au moindre résultat satisfaisant, fort heureusement, Larsen les avait ramené·e·s au stade où la mort n’était plus définitive, ce qui allégeait considérablement le stress et la conscience. Elle se concentra en priorité sur les Drogos, qu’elle parvenait à accrocher à des distances plus longues que le reste, devinant dans ces bestioles une fonction de récepteurs optimisés. Après un bon nombre d’essais infructueux, elle parvint enfin à leur ordonner de recréer des portails de téléportation à l’envi, pour leur permettre rejoindre Larsen et Tombal en surface.
À partir de là, elle put tenter avec plus de facilités et nettement moins de risque de comprendre comment fonctionnait le reste de la planète, aidée en cela par les Drogos qui se révélaient toujours plus polyvalents et aptes à aider, pour peu qu’on leur fasse parvenir les bonnes consignes. Il était assez amusant de constater que malgré l’avance technologique évidente du peule xéno, certaines constantes demeuraient exactes ; aussi exceptionnel·le que soit un outil ou une machine, iels ne serviront à rien sans le mode d’emploi ou quelqu’un pour bien s’en servir.
Le principal souci ayant été enfin écarté, l’équipage s’était concentré sur leur désir de fuite, très vite contrecarré par la peur d’être déjà tracé par Agcen et la Firme. La décision s’était imposé à iels plus qu’elle n’était celle qu’iels préféraient ; il fallait rester sur place pour espérer négocier ou jouer l’effet de surprise, plutôt que se faire cueillir en espace profond sans la moindre chance de défense. Le fait que cette planète était un bordel sans nom qu’iels maîtrisaient au moins un tout petit peu plus que leur future opposition était un atout certain dans leur manche.
Iels se décidèrent alors à concentrer leurs efforts dans la compréhension des fonctionnements de tout ce qu’iels pouvaient trouver, et des applications que Cap’ et l’équipe pourraient trouver. Ce ne fut qu’après quelques jours de résultats mitigés que les senseurs – assez minables et décevants, il fallait le dire – de la planète, découverts dans une station au pied de la Tour, leurs signalèrent l’arrivée de la flotte du Consortium, tout juste suivie par le duo Fodrego/Agcen. Il n’y eut alors pas besoin de connaissances précises ou de talent d’observation hors du commun pour comprendre ce qui se jouait. L’équipage avait exulté quand la bombe à vidange avait touché le vaisseau, s’autorisant bien volontiers un accès de mesquinerie envers l’occupant.
Mais les activités internes à l’étoile éteinte n’avaient pas cessé pour autant, Burrito se chargeait de retranscrire par comlink les événements extérieurs aux autres, pendant qu’iels exploraient, extrapolaient et réfléchissaient, aidé·e·s par les Drogos reconfigurés pour réagir à des commandes vocales simples par Larsen et Cap’. Il y avait désormais une flotte toute entière de ces géniales machines qui patrouillaient la planète entière, créant tout un réseau de portails de téléportation à chaque point d’intérêt, soulevant des objets lourds à l’aide de leurs mini filets gravifiques intégrés, ou fournissant même à la demande des filtres de vision ou d’audition pour capter ce qui était affiché ou émis par tous les moniteurs invisibles aux perceptions humaines normales.
L’équipage avait même trouvé une machine spécifique, en d’une centaine d’exemplaires dispersés un peu partout à la surface, capable de fournir à la demande et selon les besoin de chacun·e, des sortes d’énormes gélules nutritionnelles, certes à l’échelle de leurs mystérieux hôtes disparus, donc nécessitant un peu d’adaptation, mais néanmoins providentielles.

Agcen découvrit tout cela avec émerveillement, captant aussi qu’il avait manqué un sacré paquet de choses, et que son choix initial était définitivement le pire qu’il aurait pu faire. Il était d’autant plus reconnaissant à l’équipage de lui avoir laissé une chance, savourant autant son opportunité de rédemption que sa chance inouïe d’être de cielles qui découvraient tout cela en tant que pionnier·e·s.
Mais il ne se laissa pas complètement distraire, et bien vite, se remit en ordre de marche et au service de l’équipe, afin de préparer ce qui promettait d’être une fuite aussi épique que le reste de cette foutue histoire dans laquelle iels étaient plongé·e·s jusqu’au cou.
Leur chance, pour le moment, était que le Consortium, encore sans doute pris dans les conséquences immédiates de la mutinerie, ou simplement désorienté, ne semblait pas encore avoir pris de décision, et restait autour de l’étoile rallumée, à attendre qu’il se passe quelque chose, sans même tenter de communiquer sur la radio à ondes courtes. Cela laissait d’autant plus de temps à l’équipage pour se préparer, et ce n’était pas du luxe, puisque le plan concocté par Cap’ était bien évidemment très audacieux et foutrement spectaculaire.
Mais surtout, ce qui plaisait encore plus à Agcen, il était superbement malicieux ; car il exploitait un avantage que personne en dehors de l’équipage ne pouvait soupçonner.
Et c’était de savoir, bien au delà de sa nature, qu’elle était la fonction de cette foutue planète artificielle, aussi surprenante que bizarrement utile dans les circonstances. L’ancien Agent Cent-Trente-Deux avait cru la deviner en voyant ce qui les attendaient à la fin de leur dernière épreuve, mais il avait eu encore plus tort qu’il ne l’aurait jamais soupçonné.
Pour tout dire, quand Cap’ lui avait fait cette ultime révélation, il l’avait traité de menteuse en riant et lui avait demandé de lui dire très sérieusement la vérité.
Elle avait répété exactement la même chose, sans ciller.
Et il avait de nouveau éclaté de rire, bien entendu.

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3 comments on “Impossible Planète – Episode 37

  1. muriellerochebrunet dit :

    Belle ponctualité ! J’en profiterai ce week-end 😀

    J’aime

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