
KOOL AID KIDS – The Warning (extrait de l’album ERROR)
Je sais pas trop ce que j’ai en ce moment, Il semblerait que j’ai comme une envie inconsciente d’aller fouiller du côté des premiers ouvrages de mes auteurices favori·te·s. Je ne m’en suis rendu compte qu’après quelques centaines de pages de lecture dans Anasterry, amusé de m’y faire quelques remarques similaires à celles que je me suis faites au cours de mes découvertes ou redécouvertes de La Chute ou Blanche-Neige et les lance-missiles. D’autant plus amusé que comme pour le premier de ces deux ouvrages, j’ai été invité à faire preuve d’indulgence envers le premier roman que constitue Anasterry par son autrice, lorsque je lui ai dit que je m’y mettais enfin.
Parce que je n’avais que trop fait traîner cette affaire, honnêtement. Depuis la découverte éberluée de Grish-Mère et la parfaite continuation de Montès, je devais savoir de quel bois était fait Anasterry ; et ce pour plein de raisons. D’abord, prouver une bonne fois pour toutes que tous les tomes de la série des Rhéteurs sont bel et bien indépendants et peuvent se lire dans n’importe quel ordre (spoiler : oui), ensuite, pour le simple plaisir de lire du Isabelle Bauthian, parce que j’aime lire du Isabelle Bauthian, fut-ce un premier roman ou pas, et enfin parce que tout simplement, je voulais savoir tout ce qu’il y avait à savoir de disponible sur le monde de Civilisation dans l’optique de potentielles suites. Parce que ce monde me fascine, et que son autrice en fait un usage qui me passionne. Voilà.
La question, maintenant, et donc de savoir si oui ou non, je serais indulgent avec ce premier tome et roman dans ma récension ; si cette indulgence est même seulement nécessaire ?
Oui et non. Mais surtout non, franchement. Procédons.
Renaldo, fils cadet du baron de Montès, riche et fière province, est envoyé en Anasterry, province voisine aux mœurs nettement plus libérales, afin d’y assurer une mission d’ordre commerciale, en compagnie de Thélban d’Acremont, jeune commerçant ambitieux et redoutable, qui s’avère aussi être son meilleur ami. Mais il ne s’agit pas que de cela ; Renaldo doit aussi espionner ses hôtes pour tenter de découvrir si oui ou non ces mœurs libertaires et égalitaristes ne cacheraient pas autre chose, comme l’usage de la magie, prohibée, ou une trop grande générosité envers les mi-hommes et autres créatures habitant la province. Impétueux, capricieux et mal préparé, Renaldo, dans sa quête de secrets, va se retrouver débordé par ses responsabilités et ses errements, frisant la catastrophe et les incidents diplomatiques.
Mon sentiment à chaud, après avoir terminé cette lecture, c’est qu’elle a clairement pâti des mes deux précédentes dans cette saga des Rhéteurs ; et qu’effectivement, dans une bonne mesure, je comprends l’avertissement que m’a adressé son autrice. Mais pas forcément pour les raisons les plus évidentes à anticiper, y compris par mes propres soins.
Parce que d’un côté, effectivement, il faut constater qu’Anasterry n’est pas, à bien des égards, à la hauteur de ses tomes suivants. On y souffre de plus de longueurs, on y trouve clairement moins de profondeur, à la fois dans l’intrigue et le traitement de ses implications, et sa distribution ne brille pas vraiment par son souffle ou sa complexité, en tout cas pas autant. Mais d’un autre côté, je suis obligé de me demander sir ce n’est pas précisément le contraste avec ces deux autres volumes qui me rend si précautionneux dans ma façon d’aborder ma critique ; la question devient plutôt de savoir si j’aurais été aussi convaincu que je l’ai été par ce volume si je l’avais lu avant les autres ?
Parce que finalement, c’est le cœur de ma réflexion depuis que j’ai terminé Anasterry. J’ai clairement apprécié ma lecture, malgré les quelques défauts inhérents à un premier roman qu’on y trouve, principalement parce que j’y ai effectivement trouvé les marques de fabriques de la saga des Rhéteurs en particulier, et de son autrice en général. Je ne peux pas m’empêcher de me demander si ce n’est pas précisément ma connaissance et mon appréciation de ces marques de fabrique, mon envie de les retrouver, qui m’ont justement fait les retrouver si facilement. Je m’interroge fatalement à l’idée que je n’ai pu supporter Renaldo et son caractère pourri-gâté misogyne que parce que je savais que dans Grish-Mère, le personnage de Sylve partait lui aussi de loin, comme Oditta dans Montès, d’ailleurs ; tou·te·s deux évoluant au contact de Thélban et de mondes qui n’étaient pas les leurs. Je me dis que si j’ai été si curieux d’aller au bout encore une fois, ce n’est peut-être pas tant parce que le déroulé de l’intrigue y était particulièrement réussi, mais parce que j’étais en terrain conquis, et dans le giron confortable de personnages secondaires familiers, dont les origines et péripéties m’intéressaient autant si ce n’est plus que le destin du personnage principal. Surtout parce que malheureusement, malgré la place qu’Isabelle Bauthian fait à ses potentiels progrès, il reste globalement un sale con pendant trop longtemps pour que j’ai réellement envie de le soutenir. Les anti-héros, c’est compliqué ; l’autrice elle même le savait, puisque précisément, elle en écrira un bien meilleur par la suite.
Ceci n’étant pas pour dire que le roman est mauvais, encore une fois. Non, je l’ai même trouvé très bon, en lui-même, faisant honneur aux ambitions humanistes et intellectuelles de l’autrice. Très bon, mais en dessous des standards qu’elle saura s’imposer par la suite ; quoique sans doute éclairé par de douces lumières de familiarité et de confort, effectivement. À vrai dire, je ne saurais pas prétendre à la moindre objectivité quant à mon jugement plein et entier. J’ai pris plaisir à lire ce roman parce que je savais précisément à quoi m’y attendre, l’absence globale d’effet de surprise jouant paradoxalement en sa faveur, pour cette fois. Je crois que l’autrice a dans ce roman mené un plutôt convaincant galop d’essai, malgré d’inévitables erreurs dans le réglage initial. Si je n’avais pas du tout su dans quoi je mettais le nez, j’aurais sans doute été plus acerbe ou dubitatif, confondant les errements de ses personnages avec les siens, ne sachant pas où et comment dénicher les interstices critiques entre les lignes.
Comme toujours, il faut se rendre compte du chemin parcouru pour l’apprécier à sa juste valeur. Ironiquement, par certains de ses défauts, autant que par certaines de ses qualités de mise en place, Anasterry me donne furieusement envie de relire les tomes suivants, aussi tôt, précisément parce que je veux me rendre compte de tout ce que ce chemin représente. Et parce que je pense m’être rendu compte d’avoir raté des trucs sur le parcours, aussi. Plein de trucs.
Et j’avoue que j’aime beaucoup ce sentiment. Rien que pour ça, je ne peux décemment pas dire que j’ai passé un mauvais moment.
Trinquons à tous ces bons moments à venir, voulez-vous.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
J’avais acheter Anasterry pour tester l’autrice, apparemment j’ai bien fait car si j’avais commencé par les autres, ç’aurait pu être plus compliqué.
Je note donc ses défauts mais aussi le fait que la suite n’en sera que meilleure 😉
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