
None Shall Pass – Aesop Rock (extrait de l’album éponyme)
Greg Egan, dans ma tête, c’est un auteur un peu ambivalent ; j’ai vécu avec lui certains de mes plus beaux moments de lecture en parcourant Axiomatique ou Cérès et Vesta, comme j’ai du lutter sang et eau pour simplement terminer Diaspora. Entre ces deux ressentis assez diamétralement opposés et les retours multiples que j’ai pu avoir à son égard, j’ai conclu à l’idée que pour moi, Greg Egan, c’était surtout ses formats courts dont j’avais envie, parce que c’était là qu’il me semblait plus aisément mobiliser ses talents de vulgarisateur et de conceptualisateur à des fins littéraires convenant à mes goûts particuliers. Donc, forcément, une nouvelle novella signée de son nom dans la collection Une-Heure-Lumière, j’étais aussi optimiste que gourmand.
Le résultat est à mes yeux une habile réussite, symbole parfait des talents singuliers de Greg Egan dès lors qu’il fait le choix de lier ses créations conceptuelles à des destins particuliers pour leur donner une signification plus généralement humaine/consciente que purement scientifique ou science-fictive.
En ouverture, une rapide parenthèse sur le titre, dont j’espérais trouver l’explication claire dans le récit, sans succès, et pour lequel il m’a fallu une explication extérieure ; malgré la nécessité un peu dommageable d’avoir la référence pour pleinement le comprendre, je l’aime beaucoup. Parce qu’il contient en lui-même l’essentiel de l’intention de la novella et fournit de fait une explication de texte discrète mais assez efficace pour l’intention générale qu’il m’a semblé pouvoir extraire de l’ouvrage. Alors évidemment, on parle tout de même de Greg Egan, donc il faut bien dire qu’un ou deux passages m’ont rappelé des mauvais souvenirs de Diaspora ; des tunnels de texte ou de dialogue proches de l’incompréhensible dont la vulgarisation finale était la lumière libératrice. Sauf que, comme à chaque fois dans ses formats courts, du moins de mon expérience, ces tunnels étaient aussi rares et courts que cohérents dans l’ensemble de l’oeuvre, et ne ruinaient absolument pas les efforts mobilisés par ailleurs pour rendre son histoire intéressante au delà de son concept de départ.
Car comme dans tous les textes de l’auteur que j’ai appréciés, le concept est au service de son histoire, et non l’inverse. Dans À Dos de Crocodile, on suit des personnages en relation avec ce concept, devant gérer les conséquences de leur découverte scientifique à un niveau purement personnel tout en pouvant les appréhender à un niveau beaucoup plus général. Et de fait, l’enjeu de la novella se déporte intelligemment d’un enjeu purement science-fictif, d’une sorte de chasse au trésor physique, à un enjeu plus conscient, presque méta-physique, spirituelle, d’une certaine manière. Et à cet égard, toute la malice de Greg Egan et le charme de son histoire, c’est qu’il n’y donne pas de réponse définitive aux questions qu’il pose ; seulement celles que ses personnages apportent à leurs propres réflexions. Personnellement, j’ai trouvé dans cette lecture l’occasion de m’interroger à nouveau sur des sujets que j’avais un peu mis de côté dans mon esprit depuis quelques temps, et c’est toujours un plaisir que d’être bousculé dans mes certitudes, ne serait-ce que le temps du phénomène.
Quand Greg Egan parvient à lier ses créations conceptuelles et ses talents de vulgarisation à des destins particuliers en leur conférant une réelle humanité/conscience, il tape très fort, et montre ce dont la science-fiction la plus ambitieuse est capable. Alors certes, il faut pouvoir encaisser des explications parfois un peu verbeuses sur des concepts qui nous échappent forcément, mais le reste du temps, il n’y a qu’à apprécier le talent unique de l’auteur pour la pure création et la mise en mots d’idées littéralement hors de notre monde. Je sais que cet auteur vole habituellement dans des sphères autrement plus hautes que les miennes, et j’apprécie d’autant plus lorsqu’il est capable de descendre à mon niveau pour m’offrir quelques perles comme celle-ci, accessibles et douées d’une réelle sensibilité, sans se départir d’une formidable profondeur.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
Ah! Me voilà un peu rassurée (oui Greg Egan m’effraie ^^). L’aspect humain de la novella m’évoque Cérès et Vesta que j’avais énormément aimé donc je me dis que je peux tenter l’aventure avec ce titre.
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J’ai adoré Cérès et Vesta aussi, et il y a une vibe similaire. Je pense que ça devrait te plaire, oui. Tu me diras. 😉
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Je l’ai prévu au programme d’aout normalement. Merci pour cet avis qui me rassure un peu 😉
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En espérant qu’il ne te mène pas à une cruelle déception. 😉
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