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Diaspora, Greg Egan

Hourglass – Set It Off (extrait de l’album Midnight)

Que ce soit à tort ou à raison, depuis le temps maintenant, entre ma propre expérience et les retours qu’on a pu m’en faire tout le long de ma vie, j’aurais plutôt tendance à me considérer comme quelqu’un d’intelligent. Simplement parce que je suis partisan de l’idée qu’il faut connaître ses forces comme ses faiblesses, et les assumer de la même manière, sans complaisance ni fausse modestie. Et donc, quand il s’agit d’aborder des concepts difficiles, dans tous les domaines, la compréhension n’est que très rarement un problème. Et pour faire le lien avec ce qui nous concerne aujourd’hui, la hard sf, en ce qui me concerne, n’est pas un épouvantail. Je n’ai pas peur de devoir parfois manipuler des idées un peu velues pour pouvoir suivre les intrigues et concepts que l’on me présente.
J’avais déjà été confronté avec le goût prononcé de Greg Egan pour cette science-fiction exigeante et dense dans Axiomatique, et j’en étais sorti plutôt satisfait, voire même séduit, notamment en gardant en mémoire Cérès & Vesta ; car il m’avait semblé déceler un talent de vulgarisation assez impressionnant, mais aussi et surtout une volonté de toujours lier, d’une façon ou d’une autre, des trajectoires humaines aux développements plus scientifiques de ces fictions.
Je me suis donc penché sur Diaspora avec un certain espoir d’y trouver les mêmes qualités que dans les autres œuvres de l’auteur, tout en restant bien conscient que le passage des formats courts à un format de roman plus classique entraînerait nécessairement des bouleversements. Mais parfois, aussi préparé qu’on puisse se croire, on se laisse néanmoins surprendre.

XXXe siècle, l’humanité s’est séparée en trois grandes factions, chacune représentative d’une certaine façon de penser ce qui fait de nous des êtres humains et d’appréhender notre avenir. Tout nous est raconté du point de vue de ceux et celles qui ont décidé d’habiter des polis, des cités entièrement numériques où leurs consciences ont été transférées ou fabriquées. Iels cohabitent en relative paix, de loin, avec les enchairés et les gleisners. Les premiers sont des humains ayant décidé de rester dans des corps de chair et de sang, les seconds sont des consciences qui se sont implantées dans des androïdes de polymères, quasi immortels.
Et alors qu’un événement d’ordre cosmique vient bouleverser cet équilibre, s’enclenche une Diaspora, un exil à travers les étoiles, à la fois pour comprendre ce qui s’est passé et se préparer à l’avenir.

Autant le dire tout de suite, cette chronique est avant tout l’histoire d’une lutte. Car j’ai du lutter avec cet ouvrage pour en voir le bout. Lutter avec son concept général, lutter avec son déroulé, les idées qui y sont développées, et surtout, aussi triste que ce soit, lutter contre l’ennui. Néanmoins, il va aussi me falloir insister en préambule sur un aspect essentiel de mon ressenti.
Ce roman est brillant, probablement un des plus complets, les plus vertigineux qu’il m’ait été donné de lire dans ma vie. Au fil des pages, Greg Egan, bien aidé en version française par Francis Lustman (respect éternel), déploie une plume d’une habileté incroyable pour expliquer tous les concepts qu’il développe au cours de son récit. Le talent de vulgarisation est absolument incroyable, et malgré le jargon extrêmement précis et parfois nébuleux, l’essence de l’idée transparaît quasi-systématiquement. On avance donc dans une épopée trans-humaniste d’une ampleur et d’une profondeur complètement dingue, ouvrant des perspectives si abyssales qu’elles en deviennent effrayantes.

Seulement voilà, à force d’aller aussi loin dans les concepts, aussi passionnants soient-ils, j’ai le sentiment que Greg Egan en oublie très régulièrement qu’il était aussi censé raconter une histoire, en passant. En résultent des personnages bidimensionnels, pour les plus fortunés d’entre eux, ne jouant que la figuration pour les théories scientifiques dont ils sont les porteurs. Absolument rien n’y échappe, tout, dans ce roman, tourne autour de ces théories ; et on doit souvent passer sous un tunnel d’explications, qui, aussi pédagogues puissent-elles être, prennent autant de place à l’avancée de l’intrigue qui en devient presque inexistante. C’est bien là mon principal grief ; ce sentiment de frustration face à une histoire entièrement phagocytée par la passion de Greg Egan pour la physique quantique et toutes ses disciplines annexes.
Et un parallèle presque amusant se dresse avec Nous Sommes Légion, qui, d’une certaine manière, péchait à l’exact inverse, voulant toujours chercher le divertissement là où se cachaient de jolis concepts généreux en réflexion. J’aurais cette fois ci tendance à penser que l’auteur, prenant son concept très au sérieux, veut le pousser trop loin, en oubliant d’explorer d’autres options intéressantes. J’en veux pour preuve quelques fulgurances éparpillées tout le long des dialogues et des rares moments d’introspection des quelques personnages qui y ont droit. Ces mêmes fulgurances qui ont été mon moteur pour reprendre la lecture après chaque pause, me rappelant à quel point Greg Egan peut être doué pour exprimer de brillantes interrogations sur la condition humaine en quelques phrases seulement ; me frustrant d’autant plus à chaque fois que j’en croisais une sans qu’elle ne soit creusée plus avant. Le parallèle se justifie d’autant plus, retrouvant cette frustration pour ce que ce roman aurait pu être et qu’il n’est pas ; un péché toujours aussi facile à absoudre.

Mais avec les souvenirs toujours aussi présents à mon esprit de certains des écrits plus courts de Greg Egan, je me dis qu’encore une fois, tous les romans sans exceptions ont quelque chose à nous apprendre. Si j’ai le sentiment, avec celui ci, de ne pas avoir trouver ce petit supplément d’âme que je recherche habituellement dans mes lectures, si j’ai en effet l’impression d’avoir plus lu un docu-fiction sur les possibilités de la physique quantique qu’une véritable histoire aux implications dépaysantes ; pour autant, je n’ai pas l’impression d’avoir perdu mon temps. Sauf conseils contraires, je saurais que les récits les plus longs de Greg Egan ne sont simplement pas pour moi, à l’instar de la hard sf, Ted Chiang en soit témoin. L’exposition des faits scientifiques les plus incroyables ne semblent pas revêtir à mes yeux d’intérêt intrinsèque sans une exposition claire des conséquences humaines qu’elles pourraient impliquer, ou du moins des questions philosophiques qu’elles pourraient soulever.

Car Greg Egan semble parfois évoluer dans des sphères de brillance et de complexité qui me semblent inaccessibles, ou tout du moins que je n’ai pas su trouver ici. La faute peut-être à un esprit trop scientifique, pas assez lyrique, ou à un trop-plein de pragmatisme, un défaut de légèreté, que sais-je. La brillance, quand elle est trop intense, aurait parfois tendance à devenir aveuglante. Et c’est peut-être cette dernière réflexion sur ce roman qui encapsulerait le mieux mon ressenti. J’ai peut être trop sacrifié de ma capacité d’attention à essayer de comprendre et d’apprécier au mieux les éléments de prospectives développés par l’auteur, perdant du regard les éléments qui me sont plus chers le reste du temps, comme les personnages et leurs décisions face à des événements dépendant d’arguments science-fictifs. Ou alors, plus prosaïquement, Greg Egan vole trop haut pour moi dans ce roman, c’est une possibilité que je ne peux pas écarter.

J’en conclurais que, comme souvent pour moi lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi je n’ai pas aimé un roman, il s’agit peut être d’une occasion manquée. Je n’étais peut être pas dans les bonnes dispositions pour me faire donner une leçon aussi intense et extensive des possibilités de la physique quantique, du numérique, ou de toutes ces choses que la science pourra peut être un jour nous promettre. Peut être simplement ne suis-je pas fait pour apprécier ces hypothèses pour ce qu’elles sont, trop détachées de mon réel ou des limites que je pose inconsciemment à mon imagination. Toujours est il que désormais, si quelqu’un me demande à subir un vrai vertige conceptuel, je saurais sans nul doute vers où le diriger. En espérant que ça se passera mieux de son côté.
Et avec tout ça, je me dis quand même que mon bilan avec Greg Egan demeure positif, et qu’il sera bientôt temps de lorgner du côté d’Océanique pour déterminer au mieux où je me situe pour de bon.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

4 comments on “Diaspora, Greg Egan

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