
Phenomenons – Be The Wolf (extrait de l’album Rouge)
Je l’aime beaucoup, ma Théorie. Parce qu’à force de conférer sa puissance à toutes les superbes rencontres que je peux faire dans le milieu de l’Imaginaire francophone, je me vois prendre des risques littéraires que je n’aurais jamais soupçonnés possibles, ou a fortiori pris dans d’autres circonstances. Typiquement, dans le cas qui nous intéresse, je ne peux pas jurer que j’aurais découvert Jeanne-A Debats ni même son travail si je ne l’avais pas croisée sur les réseaux au hasard de discussions et de ricochets. Et fort de ma Théorie, donc, puisqu’elle m’est apparue fort sympathique, je me suis dit que j’allais donner sa chance à son travail sans d’autre garantie que mon instinct et mon expérience avec ce genre de tentatives depuis le début de ce blog.
Je confesse qu’il y a eu un petit faux départ, puisque j’ai failli commencer cette saga par son deuxième tome, rattrapé de justesse avant de commettre l’irréparable par les miracles de l’archivage numérique moderne ; me voici donc virtuellement devant vous pour vous donner mon avis sur le premier volume. Parce que le début est souvent le meilleur endroit pour commencer, n’est ce pas.
Et nul besoin de suspense, d’autant plus qu’il ne m’apparaît pas très utile avec une intro pareille. La Théorie est toujours sauve et solide ; ce roman était un plaisir, un grand plaisir.
Agnès, par l’hérédité un peu tordue de sa mère sorcière, a le don de voir les fantômes, même si son manque de contrôle sur cette capacité en fait plutôt une malédiction lourde et pénible à subir au quotidien. Alors qu’elle se rend de nuit dans le cimetière où sont enterrés ses parents afin d’essayer de les contacter, fortement alcoolisée afin d’éviter que les esprits du lieu l’importunent, elle retrouve son oncle Géraud qui n’avait pas donné signe de vie depuis près de 9 ans. Ce dernier la prend sous son aile, lui offrant un poste dans son cabinet d’études notariales assez singulier, puisqu’il est spécialisé dans les affaires de l’AlterMonde. Car, oui, même les Vampires, Loup-Garous et autres Sirènes ont besoin d’aide pour régler leurs affaires.
À force, il va peut-être bien falloir que je me rende à l’évidence ; depuis tout ce temps, ce n’est pas tant avec les vampires que j’avais un problème, mais plutôt avec la façon dont leurs auteurices classiques, généralement, les représentaient. Puisqu’entre Elisabeta, Ceux qui vivent du sang versé et le présent roman, sans compter d’autres ouvrages sans doute à venir, ça commence quand même à faire trop de coups de chance pour ne pas y voir une coïncidence. Certes, les vampires ne sont le point de focalisation majeur du roman que par une nécessité d’intrigue gravitant autour de son héroïne, mais de fait, leur fonctionnement et leur représentation joue pour beaucoup dans mon appréciation globale. À l’instar d’un Evariste – j’ai envie de dire que c’est pas très étonnant, au contraire – je dirais que c’est d’abord le soin du roman à exposer avec exigence les rouages de l’univers qu’il dépeint qui m’a séduit au delà de tout le reste. J’ai un (énorme) faible pour le world-building, et celui de L’Héritière est qualitatif, d’autant plus plaisant qu’il est logiquement découvert en même temps que nous par l’héroïne, fluidifiant la stratification de nos connaissances communes au fil du récit. Et de fait, si certains tropes les plus communs des récits d’urban fantasy sont allégrement exploités dans la narration, ce n’est pas important, puisqu’ils sont mis au service d’audaces et d’inventions autrement plus importantes, qui donnent tout sa saveur au roman.
Je dirais du coup qu’effectivement, ce roman est savoureux. D’abord grâce à Agnès, héroïne truculente et attachante, avec du souffle à revendre, ce qui est toujours un plus indéniable quand il s’agit de suivre une aventure à la première personne, d’autant plus au contact de cet AlterMonde qu’on se régale à explorer en sa compagnie, ou celle de ses collègues au sein de l’étude de son oncle. C’est là la deuxième force du roman ; son humour. Allié au rythme relativement rapide sans être frénétique, l’équilibre est parfait pour un récit de ce type, ménageant idéalement ses espaces pour découvrir et parcourir sans s’essouffler, mais surtout, avoir envie de continuer en permanence. Je crois qu’on parle de page turner quand on veut un peu jargonner. Ce roman a la force de l’évidence, à la lecture, faute d’une meilleure verbalisation. Des ingrédients relativement simples à son cœur, avec les épices et condiments correctement dosés par dessus, ça donne une recette d’excellence, c’est pas plus compliqué que ça. Dès les premières pages et surtout la scène d’ouverture, je savais que j’étais dans ma zone de confort, et je ne me suis jamais posé de questions à partir de là. Les scènes et les émotions s’enchaînent sans accroc aucun, distillant les informations comme les sentiments avec une facilité déconcertante, le genre de facilité qui suggère un sacré travail en amont, mais seulement une fois qu’on a terminé ; parce qu’on était trop occupé à dévorer le roman, dans un premier temps.
J’avoue que je sèche un peu. Ce roman est malin et inventif, se permet de se créer un set de règles qui lui appartient en propre, sans renoncer à certains classicismes lui permettant de ne pas trop dépayser son lectorat, il pave habilement sa voie pour ses suites mais parvient à se boucler efficacement sur lui-même ; il est drôle dans son ensemble mais sait se faire émouvant par instances, ménage bien son suspense, ses surprises et ses enjeux… Il est juste bon, quoi, et je galère à aller au delà de ce constat. J’ai pris mon pied de bout en bout, parce que ce roman fait tout bien, c’est pas plus compliqué que ça. Le pire c’est que je ne peux même pas contrebalancer ce constat par celui amer qu’on a parfois pris l’habitude de faire dans ce genre de cas ; je ne peux même pas dire que ce roman pêcherait d’être trop lisse ou manquerait d’un supplément d’âme, ce n’est pas le cas. Ce roman a de la personnalité en plus du reste. Non, vraiment, il est juste si bon que ça.
Alors certes, si l’urban fantasy matinée de romance n’est pas votre truc, forcément, j’éviterais de vous le conseiller spontanément, mais cela ne garantit en rien que vous ne passerez pas à côté d’une bonne surprise ; parce que normalement, c’est pas mon truc non plus. Disons que si vous avez envie de prendre le risque de vous attaquer à un genre qui ne vous tente pas en temps normal, c’est sans doute une excellente porte d’entrée, que, pour le coup, je vous conseillerais sans réserve.
En sachant en plus que j’ai déjà le deuxième tome à disposition, autant dire que je suis très content de voir comment les choses se goupillent pour moi grâce à ce blog et les découvertes qu’il m’a permis de faire. Je vous tiendrai évidemment au courant.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
A priori ce n’est pas mon genre non plus, mais pourquoi pas! D’autant que Jeanne-A. Debats m’ait aussi très sympathique.
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Ce qui est bien, c’est qu’en lisant celui-ci ou Evariste, tu sauras aussi si l’autre te convient. :p Parce que vraiment, y a une vibe commune dans l’intrusion d’un certain quotidien dans le surnaturel, avec un côté très décontracté malgré les enjeux, je trouve que c’est le top du top dans la lecture de pur divertissement.
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